Plans sociaux chez Michelin et Auchan : « L’ajustement était inévitable »

Plans sociaux chez Michelin et Auchan : « L’ajustement était inévitable »
Plans sociaux chez Michelin et Auchan : « L’ajustement était inévitable »

La multiplication des plans sociaux est-elle le signe d’un retournement du marché du travail ?

Il faut vraiment faire le lien avec les très bonnes nouvelles que nous avons sur le marché du travail depuis plusieurs années. C’est-à-dire que nous ne comprenions pas pourquoi nous créions autant d’emplois pendant cette crise, compte tenu de l’activité. Une grande partie de cette bonne nouvelle était ce que nous appelons la thésaurisation de la main-d’œuvre : les grands groupes, en particulier, ont gardé leurs salariés parce qu’ils pensaient que la reprise arrivait. Cette rétention de main-d’œuvre était gigantesque, il y avait environ 300 000 emplois de trop. Les entreprises auraient dû procéder à des licenciements mais elles ne l’ont pas fait, notamment parce qu’il y avait des aides comme les PGE (prêts garantis par l’État accordés pendant la crise covid, NDLR).

Oui. Le rattrapage de l’emploi va être assez violent, notamment à cause de toute cette rétention de main d’œuvre. C’est ce que nous disions : soit la croissance sera là et, donc, elle sera sans emplois, c’est-à-dire que les entreprises utiliseront cette main d’œuvre excédentaire pour produire plus, mais elles n’embaucheront pas ; soit la reprise n’est pas là et, au bout d’un moment, les entreprises ne peuvent plus conserver ces effectifs excédentaires et donc il y aura des plans de licenciements. On aurait préféré la première version, on est un peu dans la seconde.

Quand vos carnets de commandes sont vides, vous commencez à licencier

Je pense que le gouvernement s’est un peu mis la tête dans le sable en ce qui concerne la baisse de productivité. Le secteur privé produit 5% de plus qu’en 2019 et a embauché 6,5% durant la même période. Grâce à ces aides, les entreprises ont maintenu l’emploi sans détériorer leurs marges. Le gouvernement pense qu’il n’y aura pas de rattrapage, mais oui. À partir du moment où vous supprimez les aides et que les marges se détériorent, les entreprises s’adaptent. L’ajustement était inévitable.

Pourquoi avons-nous une sensation d’accélération ?

Ce qui a changé, entre aujourd’hui et 2022-2023, ce sont les freins à la production. Tout au long de la crise sanitaire, jusqu’au début de l’année 2023, les chefs d’entreprise ont affirmé n’avoir aucun problème de carnets de commandes, les seuls freins étant les problèmes d’approvisionnement et les difficultés de recrutement. Là, depuis début 2023, les choses ont changé : le principal obstacle, ce sont les carnets de commandes qui sont vides. Lorsque vos carnets de commandes sont vides, vous commencez à licencier.

En plus, vous avez un discours qui dit « nous entrons dans une période de rigueur », avec 60 milliards d’efforts cette année, et de nouvelles économies en vue les années suivantes. Les chefs d’entreprise disent : « D’accord, la fête de la revendication est terminée, alors je révise mes plans et j’ajuste l’emploi. » Il y a deux manières d’interpréter cela : la négative, c’est-à-dire que le chômage va augmenter, et la positive, c’est-à-dire que la productivité va augmenter. Si le marché du travail a créé beaucoup d’emplois, c’est parce qu’on l’avait subventionné, par exemple avec des apprentissages. Nous reviendrons à une productivité positive, mais la contrepartie sera la destruction d’emplois qui se produira et le chômage qui repartira à la hausse, attendu à 8%, fin 2025.

 
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