« Donald Trump a un pouvoir colossal pour faire du mal »

« Donald Trump a un pouvoir colossal pour faire du mal »
« Donald Trump a un pouvoir colossal pour faire du mal »

Donald Trump deviendra président des États-Unis pour la deuxième fois en janvier prochain. Il a tiré les leçons de son premier mandat, et risque de mener des politiques plus radicales, voire plus destructrices, pour l’environnement et les droits des minorités, explique Romain Huret, historien spécialiste des Etats-Unis à l’Université d’Ottawa.EHESS.


Reporterre — Cette réélection de Donald Trump est-elle une surprise ? ?

Romain Huret — Pour moi, non. Je dis depuis longtemps, depuis 2016, qu’il faut prendre le trumpisme au sérieux. Même s’il est très difficile de le comprendre et de comprendre le choix des Américains. Il s’agit d’un mouvement qui a des racines très anciennes dans l’histoire des États-Unis, et qui s’est consolidé et cristallisé en lien avec les évolutions plus récentes de la société américaine. La crise des classes moyennes, la montée des inégalités, les conséquences de la mondialisation ont été un accélérateur plus récent. Tout cela a permis cette nouvelle victoire de Donald Trump.

Que dit cette élection sur la démocratie américaine ? ?

L’élection s’est plutôt bien passée. Je parle sous réserve d’évolution de la situation, mais on craignait des scénarios apocalyptiques de fraude, d’attaques contre des bureaux de vote, etc. On peut se réjouir du fait que le fonctionnement ordinaire de la démocratie s’est bien déroulé, quelle qu’en soit l’issue. J’ai trouvé très intéressante la manière dont les médias ont rappelé ces procédures électorales, l’importance des évaluateurs, pour éviter tout discours complotiste. C’est le premier point.

Le deuxième point est que la réélection de Donald Trump montre la crise sociale et politique que traverse ce pays. C’est la réponse, pour certains Américains, à cette crise sociale et politique. Beaucoup le voient comme un sauveur. Ils pensent qu’il va les sortir de ce que je considère comme une crise de la classe moyenne qui s’enracine dans le pays et qui n’a pas trouvé de réponse avec Joe Biden.

Quelles conséquences environnementales peut-on anticiper de cette réélection ? ?

Ils sont très inquiétants. Trump est un climato-sceptique, il aura des climato-sceptiques autour de lui. Les discours climato-sceptiques vont devenir monnaie courante, comme il le fait déjà dans son discours en estimant que le réchauffement climatique est une invention de scientifiques en manque de notoriété. On peut sans doute estimer que les Etats-Unis vont sortir de tous les accords environnementaux, que l’exploitation intensive des matières premières va s’accélérer aux Etats-Unis, que le fracturation hydraulique [fracturation hydraulique] reprendra en force, comme lors de son premier mandat. On peut aussi craindre que la part de la recherche publique et des financements publics consacrée à la question environnementale, importante aux Etats-Unis, connaisse de réelles difficultés dans les années à venir.

Cette thématique ne sera plus une priorité, comme elle l’est aujourd’hui, dans les grandes agences de financement de la recherche, notamment la National Science Foundation, qui met beaucoup l’accent sur les programmes de recherche sur l’environnement et le climat. Il y a de fortes chances que ce financement public cesse. C’est donc une très mauvaise nouvelle pour le climat et l’environnement sur Terre.

Donald Trump est déjà au pouvoir, qu’est-ce que cela laisse présager pour ce second mandat ? ?

Il a l’expérience du pouvoir. On observe qu’il réfléchit davantage à la dimension concrète de l’exercice du pouvoir. Comment mettre en œuvre plus rapidement des politiques plus fortes. On sent une plus grande radicalité dans les mesures qui seront prises. Si on prend cela au sérieux, on constate qu’en politique intérieure, il y a des éléments récurrents. Il a clairement déclaré vouloir rétablir les droits de douane et en faire le pilier de la politique fiscale aux États-Unis, comme c’était le cas il y a 250 ans. Il s’agit d’un choix majeur en matière de politique fiscale, en partie injuste, puisque les classes populaires paient aussi.

Il a également annoncé une grande loi sur l’immigration avec des mesures bien plus précises et inquiétantes que ne pourrait l’être le fameux mur de 2016 qu’il voulait construire pour empêcher l’arrivée des migrants. Il a tout un plan d’expulsions massives de migrants illégaux avec la réquisition des forces de l’ordre, le placement dans des camps, puis leur expulsion.

« Il a tout un plan d’expulsions massives de migrants »

Un troisième point annoncé est une réduction massive du rôle de l’État. Une mission qu’il confiera à Elon Musk [entrepreneur milliardaire]. Ce serait une catastrophe puisque l’on sait que l’Environmental Agency aux États-Unis joue un rôle important dans la gestion des parcs naturels, par exemple.

Enfin, Trump a l’ambition de s’en prendre à la jurisprudence remontant aux années 1960 en matière de droits des minorités. On peut imaginer qu’il a parfaitement mûri son projet de nommer des juges à la Cour suprême – mais aussi dans d’autres tribunaux – pour limiter, voire inverser, ce qui constitue depuis longtemps une tendance forte dans le droit des États. -Unie : protection des minorités sexuelles, ethniques, etc. On l’a déjà vu avec l’avortement, mais le mariage homosexuel, les droits des personnes trans, etc., toutes ces mesures risquent d’être dans le viseur des juges que Trump ne manquera pas de nommer dès que l’occasion se présentera. sera donné.

Il veut attaquer ce qu’il appelle état profondcet « État profond » qui a ralenti ses réformes lors de son premier mandat, qui l’a empêché de transformer l’Amérique et de la ramener à cet âge d’or apatride.

Depuis le dernier mandat de Donald Trump, le contexte international a évolué. Lui est-il plus favorable ?

La capacité d’action de Donald Trump est colossale. Il lui faudra trancher très rapidement la question de l’aide à l’Ukraine. Il a clairement fait savoir qu’il souhaitait que cette aide cesse. Il a également clairement indiqué qu’il soutenait Israël. Son pouvoir de mal est bien plus grand qu’en 2016 en raison de la multiplication des zones de conflits dans le .

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