Tout simplement parce qu’il est aujourd’hui impossible de contrôler les échanges entre terre et mer. Aujourd’hui, les personnes solitaires sont ultra-connectées et utilisent presque toutes des applications comme WhatsApp. C’est aussi de ce réseau qu’est né le soupçon de routage lors du dernier Vendée Globe entre Tanguy Le Turquais, à terre, et Clarisse Crémer, en mer. L’affaire a secoué le monde de la course nautique. large. Finalement, le couple a été blanchi par le jury reconstitué pour juger l’affaire.
Que ce soit sur un réseau, par email ou par téléphone satellite, chacun est libre d’échanger comme bon lui semble, aucun contrôle ne filtre les appels comme ce fut, un temps, le cas sur le tour du monde en équipage avec escales.
Une déclaration sur l’honneur
Avant de partir, tous les concurrents du Vendée Globe signent un document où ils s’engagent sur l’honneur à respecter la règle de non-assistance. En résumé, ne pas recevoir « d’assistance météo personnalisée », donc pas de routage.
Routage, rien que le mot, pose problème : dans l’esprit du grand public, routage signifie « téléguidage ». Autorisé sur la Route du Rhum, le routage est accepté par certaines classes, celles des multicoques Ultime et Ocean Fifty notamment, mais interdit par d’autres classes, celles des monocoques Imoca et Class40 par exemple.
Logiciel de routage
Sur le Vendée Globe, le routage, bien qu’autorisé lors de la première édition, est interdit. Chaque solitaire doit faire tourner un logiciel de routage (nous y reviendrons) avec son ordinateur de bord et donc se débrouiller seul pour tracer le meilleur itinéraire. Certains skippers excellent dans ce domaine et sont parfois aussi bons que des spécialistes météo, ceux qu’on appelle les routeurs.
Après, il existe également le routage à distance qui doit faire l’objet d’une demande auprès de la direction de course, avant le départ. Il s’agit de demandes de données météorologiques qui permettent au skipper d’interroger, en mer, les serveurs informatiques autorisés à terre. Certains concurrents sont opposés au routage à distance. D’autres y sont favorables.
Le débat est compliqué. Cette année, la classe Imoca a pris le taureau par les cornes et a envoyé un formulaire de plus de 100 questions à tous les skippers sur le thème de l’assistance : qu’elle soit psychologique, médicale, technique ou météo.
Des mouchards en 2028 ?
Il en ressort que la grande majorité (73,8%) des marins n’est pas opposée à un système de dispositifs de localisation sur les bateaux. L’installation d’un « logiciel de suivi des données et des communications » serait donc la solution mais ce ne sera pas avant le Vendée Globe 2028.
Techniquement, on sait que les équipes à terre peuvent prendre le contrôle de l’électronique embarquée pendant que le skipper dort par exemple. Même si les données du bord doivent être mises à disposition du comité de course à l’arrivée, comment s’assurer que les 40 skippers participant à cette dixième édition seront tous clean pendant trois mois ? Impossible. A défaut de maîtriser cette année, la classe Imoca a fait un gros travail pour cette édition 2024, comme l’explique Thomas Ruyant : « Nous avons réexpliqué le cadre pour que chacun comprenne ce qu’il y avait derrière ce “sans assistance” ».
A cet égard, les annexes aux instructions de course ont été affinées. Avec une question en filigrane : si on ne peut pas le contrôler, faut-il autoriser le routage ? Ce qui favorise sans doute les équipes les plus riches, capables de s’offrir les meilleurs routeurs du marché.
Assistance médicale oui, psychologique non
En revanche, l’assistance médicale est parfaitement autorisée, tout comme l’assistance technique qui permet à une seule personne d’appeler à terre pour savoir comment réparer un problème technique. Ce qui n’est pas choquant avec des machines bourrées d’électronique, de mécanique, d’hydraulique. « Si l’assistance technique était interdite, nous n’aurions pas 50 % de bateaux arrivant mais 25 % », précise Michel Desjoyeaux, double vainqueur de l’épreuve. “Dire aujourd’hui que le Vendée Globe se déroule sans assistance est un mensonge”, déclare Jean Le Cam
Et que dire de l’appel à un ami, à un proche, qui remonte le moral du solitaire en proie aux doutes ? « Vous avez droit à une assistance médicale, pas à une assistance psychologique », précise Charlie Dalin. Il y a des nuances.