« En 2016, je n’avais pas 18 ans, je me sentais impuissant. » A quelques jours des résultats de l’élection présidentielle américaine, qui voit une nouvelle fois Donald Trump en course à la Maison Blanche, Kelley Stewart, 25 ans, se replonge dans les images du 8 novembre 2016. « J’étais sur mon téléphone portable toute la nuit et je suis allée voir ma mère et je lui ai demandé comment il était possible qu’il gagne”, résume la jeune femme, la voix tremblante. Trois mois plus tard, elle manifeste pour la première fois de sa vie pour la cause des femmes dans les rues de Washington.
Plus paisible en France
Huit ans se sont écoulés entre ces deux élections, et à l’approche du verdict, le natif de Virginie oscille entre peur et espoir. Ce mardi soir, elle vivra pour la première fois le vote depuis la France et plus précisément de Verteuil-d’Agenais dans le Lot-et-Garonne. Elle rejoint sa mère, Janelle, mariée à un Français, et tous deux travaillent à l’épicerie du village. Ils ont déjà envoyé leurs bulletins de vote par la poste outre-Atlantique.
Janelle n’est pas forcément fan du Parti démocrate. Elle a également voté pour les républicains Bush et McCain dans le passé. Mais c’était avant que le parti ne soit représenté par Trump. « Je vote pour le candidat qui correspond le mieux à ma philosophie de vie. Kamala Harris est une excellente candidate, mais cette fois je préfère être là pour connaître les résultats, avoue Janelle, 53 ans. Je suis retournée aux Etats-Unis pendant deux semaines et c’était épuisant de voir partout ces affiches pour l’élection présidentielle et ces publicités à la télévision toutes les quinze minutes. »
Est-ce que ce sera également le cas mardi soir ? « Non, nous prendrons un verre de vin avec mon mari et nous coucherons. Eh bien, je ne suis pas sûr de bien dormir. Cependant, je crois que par rapport à 2016, beaucoup de jeunes de la génération Z comprennent mieux les enjeux », poursuit cet ancien professeur de collège. «Ils comprennent mieux le danger que représente le milliardaire, mais pas forcément tous les instruments de campagne que son clan utilise», affirme Laurie Chevallereau, son amie, originaire de l’Oregon, qui a obtenu la double nationalité en 2017 et qui a voté électroniquement par correspondance.
« Si cela passe, nous nous attendons à ce que le monde s’effondre »
Consultant et spécialiste des collaborations entre l’Europe et les USA, le quinquagénaire, basé à Labretonie, est passionné par les élections et surtout l’organisation du vote. Elle se souvient aussi de cette nuit « infernale » de novembre 2016. Et pour cause, celle qui a passé quinze ans à Washington, a commenté les résultats sur le plateau de France 24 en anglais. S’ils vivaient encore au pays de l’Oncle Sam, près de 4 000 kilomètres les sépareraient, mais dans leur pays de cœur, ils ne sont séparés que de quelques kilomètres. Ces expatriés ont des points de vue divergents sur certaines questions qui taraudent la société américaine – hormis le droit à l’avortement qui fait consensus – (1), mais ils s’accordent sur un sujet central.
« Les conséquences de cette élection présidentielle ne pèsent pas seulement sur les Etats-Unis. Pour Trump, les États-Unis ont payé trop longtemps pour la sécurité de l’Europe et cela coûte trop cher d’aider l’Ukraine, donc tout cela sera laissé de côté», juge ce dernier. “Je crains que son accession au pouvoir n’encourage encore davantage la montée des extrêmes dans le reste du globe”, craint Kelley. « Si cela passe, le monde risque de s’effondrer. La seule solution serait que le démocrate l’emporte à l’unanimité. Sinon, nous verrons des manifestations dans les rues», s’alarme Janelle, qui a repris un peu d’espoir depuis la sortie de Trump contre les Portoricains.
«Les adversaires de Trump se préparent déjà à cette situation, en faisant du porte-à-porte et en discutant avec les gens. C’est très serré et on ne connaît pas le pourcentage de « rester sur le canapé », c’est-à-dire d’abstention », confirme Laurie. Quelle que soit l’issue du vote, le réveil sera visiblement difficile…
(1) Janelle et surtout Kelley ont été profondément affectées par l’annulation, en 2022, de la décision Roe vs Wade, qui accordait aux femmes américaines le droit à l’avortement dans tout le pays, laissant les États libres d’interdire l’avortement. ‘Avortement. La jeune femme a aidé une amie à avorter dans un état différent du sien.