Il n’y a pas de cause perdue quand on s’appelle Ugo Humbert. Jordan Thompson l’a appris à ses dépens lors du tie-break du deuxième set de son quart de finale face au Français à Bercy. L’Australien pensait avoir fait le plus dur en revenant sur le court pour conclure, sauf que non. Humbert le renvoie dans les airs, une fois, deux fois… la dernière défense vole si haut qu’elle menace de percuter le panneau suspendu 15 mètres plus haut. La chute est sans fin, si la vie était un épisode du Prince du Tennis, il y aurait eu de la place pour un épisode flashback de la vie d’Ugo. Les prières de Thompson pour que le ballon sorte sont restées sans réponse, retour à la case départ. L’adrénaline envahit la salle, la foule brise les chaînes du silence et c’est dans un stade de football qu’Humbert remporte enfin le point. L’Australien ne s’en remettra pas. 6-2, 7-6, donc les demi-finales. La plus grosse performance du numéro un français en Masters 1000.
« [Sur ce point]J’ai l’impression que j’étais Alcaraz, a-t-il ri en conférence de presse. J’ai vu le premier lob et je l’ai anticipé de la bonne manière. Je vois qu’elle passe tout près du panneau et je me dis que peut-être qu’elle va taper et en fait, je vois qu’elle est parfaite. Le dernier lob que j’ai mis là, je me dis que c’est monstrueux. J’ai tenu bon jusqu’au bout et il a raté. Il était temps de chercher le public pour le stresser un peu. »
En plus de ravir Bercy, la séquence a eu le mérite de cristalliser l’aura d’invincibilité qui se dégage du Mosellan depuis son entrée sur le terrain au tour précédent face à Carlos Alcaraz. Contre Thompson, il a sorti le même premier set de sa raquette, pour un résultat similaire. La recette du succès pourrait-elle résider dans ce début étouffant d’intensité et de passe meurtrière ? Ou dans le déni du contrecoup qui a suivi dans le deuxième set ? « Mon psychologue me disait plus tôt que la fatigue, c’est comme un nuage, ça passe. » Insubmersible, vous dit-on. On se demande ce qui pourrait l’empêcher de ramener la coupe à Bercy.
Mais qui peut arrêter Ugo ?
Une interdiction de parler sur votre chaise : C’est LA découverte de ce Masters 1000 de Bercy. Quand le match se tend et que ça se passe moins bien, Ugo délire (blague pour les 30 ans et plus). Il se lance dans un discours d’encouragement sur sa chaise. Contre Alcaraz, il y a eu « joue avec ton cœur », « bats-toi comme un chien, c’est le dernier Bercy ». Face à Thompson, il a récidivé. Son entraîneur Jérémy Chardy rit qu’on puisse penser que c’est quelque chose de nouveau. « C’est une journée normale pour moi. C’est sa façon de se concentrer, de se motiver avant les matches, voire pendant ceux-ci. Il aime se parler à voix haute et se dire quoi faire. Sauf que là, tout le monde l’a vu. Je pense que si vous regardez des vidéos de tous les changements latéraux, il doit y en avoir quelques-unes où vous le voyez parler tout seul. » A condition que l’ATP n’invente pas une règle anti-monologue.
Un changement de surface surprise : Si Alcaraz s’est plaint de la surface après sa défaite en 8es, Humbert adore Bercy. « Je joue très bien sur ces surfaces. J’ai deux frappes des deux côtés qui vont très vite. » Il faudrait donc déverser un camion de terre battue au centre de la salle parisienne pour enterrer les ambitions du Français : à Roland-Garros, il n’a jamais dépassé le 2e tour.
Mettre des cartons vides à Bercy : Autre poison de la Porte d’Auteuil qu’il ne faut surtout pas importer dans le sud-est de la capitale, l’ambiance cimetière du Roland-Garros Central et ses tribunes clairsemées. Dans le cas contraire, sa communion avec le public de Bercy continuera à donner à Humbert un avantage transcendantal sur ses adversaires. “Je me sens tellement bien avec toi”, a déclaré le 18e joueur mondial sur le court après sa victoire en quarts de finale. Dès que je vais sur le court, je me sens bien, j’essaie de ne pas réfléchir et de profiter. » « Il a de la chance de jouer à domicile, analyse son entraîneur. Il y a Bercy et Metz, ses deux tournois préférés. Je pense que cela l’aide à se sentir si bien et frais dans sa tête et dans son corps. Cela le transcende d’être ici, vraiment. »
Les parpaings de Karen Khachanov : Plus qu’Alexander Zverev, probable finaliste dans l’autre partie de tableau, le Russe apparaît comme le patron final en raison de son appétit pour le jeu en salle. Futur adversaire du Français en demi-finale, Khachanov a écrasé Grigor Dimitrov (6-2, 6-3) à grands coups de fond, laissant présager un calvaire pour Ugo. D’autant que le Russe a déjà réussi à battre un Français cette semaine (Giovanni Mpetshi Perricard) « Kachanov, il est bon sur cette surface, mais il a aussi des points faibles, rassure Jérémy Chardy. Je verrai ma tactique. » Alors peut-être ?