Alors que des inondations dévastatrices ont fait des dizaines de morts depuis mardi soir dans la région de Valence, le climatologue Robert Vautard explique qu’il s’agit là d’une des conséquences désastreuses du changement climatique, que subit de plus en plus le bassin méditerranéen. plus de dévastation.
Après une vague d’intempéries en France et en Europe centrale ces derniers mois, l’Espagne subit à son tour des inondations monstres. En cause, un épisode méditerranéen qui a déversé des quantités de pluie records sur la région de Valencia. Plus de 90 personnes sont mortes dans les inondations qui ont suivi. Robert Vautard, climatologue spécialiste des événements extrêmes et co-président d’un groupe de travail du GIEC, explique comment les phénomènes naturels augmentent en fréquence et en intensité avec le changement climatique.
Un épisode méditerranéen a durement frappé la région de Valencia, en Espagne. À quel point est-ce exceptionnel ?
Les épisodes méditerranéens sont des phénomènes violents, mais ici, ils sont d’une amplitude supérieure à la moyenne. Les quantités de précipitations sont énormes. Nous avons déjà connu des cumuls de 400 à 500 mm dans les Cévennes ou dans le Sud-Est, mais sans doute pas en quatre heures seulement, comme ce fut le cas dans la région de Valence. Le nombre de victimes est également très élevé, même s’il est moindre que lors des inondations en Allemagne en 2021, qui avaient fait 180 morts. C’est très rare. Habituellement, les inondations provoquent principalement des dégâts matériels et les vagues de chaleur sont les événements les plus meurtriers.
La température élevée de la mer Méditerranée a-t-elle joué un rôle ?
Actuellement, dans le bassin méditerranéen occidental, l’eau est de 1 à 2°C plus chaude que la normale. C’est moins qu’en août ou septembre, où nous avions une anomalie de 3 à 5°C, mais la mer est néanmoins encore trop chaude. Plusieurs facteurs sont nécessaires pour que des épisodes méditerranéens apparaissent : une mer chaude, qui crée plus d’évaporation, donc plus d’humidité dans l’atmosphère, et des vents qui amènent de l’air froid de l’Atlantique. C’est la rencontre entre ces masses d’air qui va créer un cocktail explosif. L’automne est particulièrement marqué par ce phénomène orageux dans les régions méditerranéennes.
Dans quelle mesure ces phénomènes naturels sont-ils accentués par le changement climatique ?
Elles augmentent en fréquence et en intensité, ce qui est inquiétant. À chaque degré de réchauffement, l’atmosphère peut contenir 7 % d’humidité en plus, ce qui génère des pluies plus intenses. C’est le cas de la mer Méditerranée : elle s’est réchauffée de 2°C et l’intensité des pluies a augmenté de 20 à 30 % depuis le milieu du XXe siècle. Les épisodes violents méditerranéens sont également désormais deux à trois fois plus fréquents en France. Ces phénomènes étant très localisés et en augmentation, de plus en plus de communes seront touchées par ces pluies diluviennes.
À l’avenir, l’Europe sera-t-elle particulièrement menacée ?
L’Europe n’est pas plus exposée que les autres continents, mais elle est dans le même bateau que les autres. Ces dernières années, nous avons connu des sécheresses, maintenant nous allons dans l’autre sens. Il va falloir s’y habituer. Car le changement climatique a deux visages : des vagues de chaleur et des pluies terribles. Nous allons être affectés de manière assez permanente par ces événements extrêmes dans les années à venir. Et la Méditerranée est une zone particulièrement exposée, avec une baisse importante des pluies en été et une hausse des températures, qui génère une très forte augmentation des sécheresses. Dans le même temps, les épisodes méditerranéens se multiplient fortement, tout comme les cyclones méditerranéens. À cela, il faut ajouter la rareté de la neige et la montée des eaux. En fin de compte, la Méditerranée subit certaines des conséquences néfastes du changement climatique.
Comment mieux anticiper ?
Aujourd’hui, les mesures de prévention ne sont pas adaptées au climat de demain. Les zones à risque s’étendent en raison de pluies plus intenses, mais cela n’est pas pris en compte. Nous devons revoir les zones non constructibles, les infrastructures et indemniser les victimes. Car beaucoup de personnes verront malheureusement la valeur de leur propriété diminuer. Et l’exposition des populations ne dépend pas uniquement des précipitations. Lorsqu’une violente tempête frappe une grande ville, elle provoque d’énormes dégâts dus à l’urbanisation et à l’imperméabilisation des sols. C’est un facteur aggravant : on ne parvient plus à évacuer les quantités de pluie qui arrivent, elles ruissellent et provoquent encore davantage d’inondations. On a aussi essayé d’apprivoiser les fleuves méditerranéens en les canalisant, mais quand il y a des crues violentes, cela accélère le débit, il déborde et les infrastructures environnantes sont détruites. Il faut réfléchir davantage à la gestion des fleuves méditerranéens, que ce soit en Espagne ou en France.