Publié le 28 octobre 2024 à 7h15mis à jour sur 28 octobre 2024 à 10h57
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Alors que les éditions Fayard s’apprêtent à publier le premier livre de Jordan Bardella, les députés du Nouveau Front populaire Clémentine Autain, Alexis Corbière et Sophie Taillé-Polian (groupe écologiste et social) s’alarment qu’un puissant éditeur soit placé sous la coupe idéologique de la droite dure. .
Cet article est une chronique, rédigée par un auteur extérieur au journal et dont le point de vue n’engage pas la rédaction.
La publication fulgurante du livre de Jordan Bardella aux éditions Fayard, propriété du groupe Hachette, donne le ton de l’édition française. Brune dans ce cas. La maison centenaire avec son catalogue prestigieux, comprenant Soljenitsyne, Kadaré et García Márquez, tourne le dos à son histoire. Surtout, la bollorisation de l’édition française signale la concentration et l’extrême droite du secteur. C’est une menace pour la liberté de pensée. C’est une atteinte à la garantie du pluralisme et de l’exception culturelle.
“Ne crie pas au scandale”» répondrait en substance la PDG de Fayard Lise Boëll qui ferait immédiatement référence à Joey Starr ou Danièle Simonnet publiés dans leur maison. Et de fait, le prochain programme de la maison n’est pas monotone. Mais la question n’est pas là, elle est ailleurs : c’est la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale qu’un éditeur faisant partie d’un pôle puissant, le premier en France en termes de chiffre d’affaires, est placé sous la coupe idéologique du dur. droite. Un outil massif pour gagner l’opinion publique est en place.
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Le nouveau propriétaire de Hachette, Vincent Bolloré, ne cache pas son agenda politique, qui vise à promouvoir les idées d’extrême droite à travers ses chaînes de télévision et de radio, ses journaux et désormais sa maison d’édition. son groupe. Il œuvre ainsi à créer les conditions pour que le Rassemblement national accède au pouvoir. Comme Vincent Bolloré, l’éditeur du livre de Jordan Bardella chez Fayard, Nicolas Diat est un catholique réactionnaire qui ne s’en cache pas.
Dans le petit monde cosy de l’édition, chacun tente de se rassurer en estimant que les autres maisons Hachette (Grasset, Stock, Calmann-Lévy, Lattès, etc.) seront préservées. Comment pouvez-vous en être sûr ?
Entre menaces de censure et danger d’autocensure, ces maisons se trouvent dans une situation de « liberté surveillée ». La remise aux normes d’une maison peut prendre des formes insidieuses, passant par « surveillance économique »contrôle de gestion, tuer les coûts qui vise à réduire les coûts… Il suffit donc de décourager la liberté de publier. André Schiffrin avait dénoncé à juste titre « publier sans éditeurs » et alerté de la prise de contrôle des dirigeants du monde du livre. La nomination d’un ancien employé de McKinsey à la direction des Éditions du Seuil peut inquiéter de ce point de vue. Surtout quand on sait que le groupe Médias-Participations, propriétaire de cette maison d’édition de gauche, et quatrième groupe d’édition de notre pays, est aussi très étroitement lié à la droite catholique la plus dure.
L’effet délétère de la concentration des médias sur le droit d’informer librement est aujourd’hui bien connu. Une poignée de milliardaires ont acquis une très grande partie du paysage. Mais la concentration dans le monde du livre n’a absolument rien à envier ! Jugons-en : aujourd’hui, cinq groupes d’édition, Hachette, Editis, Madrigall (Gallimard), Media-Participations et Albin Michel, représentent plus de 75 % du chiffre d’affaires de l’édition. Et si l’on ajoute les quatre suivants – Lexis-Nexis, Lefèbvre, Glénat et Panini – plus de 90 % du chiffre d’affaires du secteur est monopolisé par dix groupes d’édition ! 4 000 maisons, petites ou moyennes, se partagent les 10 % restants…
La plupart de ces grands groupes disposent d’outils de diffusion et de distribution puissants, comme certaines librairies (Madrigall et Hachette), des jeux vidéo et des parcs à thème (Media-Participations) ou encore des journaux, magazines, chaînes de télévision. radio et télévision (Hachette et Editis). La future chaîne de télévision du milliardaire tchèque Daniel Kretinski, propriétaire d’Editis, sera également « la place d’honneur des adaptations littéraires » ouvrages du groupe d’édition. Quand le « synergies » viennent masquer une politique de concentration verticale, où il s’agit de contrôler la création aux médias de divertissementcomme on dit dans notre société du divertissement.
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Au sein des maisons, les éditeurs se battent au quotidien pour défendre leurs auteurs et leurs choix éditoriaux. Ils résistent au diktat de la rentabilité à tout prix et aux pressions, ouvertes ou insidieuses, des actionnaires qui menacent le sens même de leur travail.
Mais pour combien de temps ?
L’histoire l’a démontré à maintes reprises : les individus ne peuvent pas tenir longtemps face au poids et à la pression des structures. Nous ne pouvons accepter de les voir suivre la même pente dangereuse. C’est pourquoi il est urgent d’ouvrir un débat sur l’indépendance du monde du livre et sur un secteur qui a atteint un niveau de concentration sans précédent – et critique. Un débat qui doit déboucher sur des mesures concrètes garantissant la liberté de publier, condition du pluralisme et donc de la démocratie. Il est urgent de légiférer. Des seuils de concentration plafond doivent être établis. Un pouvoir d’intervention doit être donné aux comités internes du personnel des maisons d’édition. En réalité, nous avons besoin d’une grande loi anti-concentration pour tous les médias, y compris le secteur de l’édition.
Il est crucial et urgent que du Nouveau Front populaire et au-delà surgisse un puissant courant de protestation contre la concentration culturelle et le démantèlement des empires médiatiques. Pour empêcher l’externalisation meurtrière du beau mot liberté vers la droite dure.
By Clémentine Autain, Alexis Corbière and Sophie Taillé-Polian