Lors de sa première intervention au procès des assistants parlementaires du RN, Marine Le Pen a adopté une défense 100 % politique. Retour sur ses déclarations du 2 octobre, avant la reprise du procès ce lundi.
Alors que le procès des assistants parlementaires du RN reprend ce lundi 7 octobre, avec notamment l’interrogatoire de l’ancien député européen Fernand Le Rachinel, de Marine Le Pen, présidente du RN jusqu’en 2021, ainsi que de 9 élus au Parlement européen. , 12 assistants parlementaires et 4 collaborateurs de partis sont toujours jugés par le tribunal correctionnel de Paris pour détournement de fonds publics et complicité de détournement de fonds publics. Ils sont accusés d’avoir, entre 2004 et 2016, utilisé des fonds alloués par le Parlement européen aux députés européens du parti d’extrême droite pour financer le fonctionnement du RN. Le préjudice est estimé à près de 7 millions d’euros. Mercredi 2 octobre, Marine Le Pen a fait sa première déclaration pour « poser le contexte ».
La veille, Marine Le Pen avait dévoilé sa stratégie de défense devant plusieurs journalistes lors d’une séance suspendue : « L’enjeu est d’expliquer comment fonctionne un député européen. Les magistrats ne comprennent pas tout le fonctionnement politique. Un certain nombre d’arguments n’ont pas été soulevés lors du procès du MoDem et nous allons le faire ici”, a-t-elle prévenu. Si les anciens assistants parlementaires du MoDem s’étaient défendus à l’époque en affirmant avoir travaillé pour leurs députés européens, la position du RN sera radicalement différente. Le patron des députés RN à l’Assemblée nationale invoque la liberté d’employer des assistants pour des activités politiques : « C’est la liberté parlementaire. Un assistant parlementaire a un rôle politique», dit-elle.
« La direction du Parlement européen n’est pas neutre »
Mercredi 2 octobre, Marine Le Pen est restée fidèle à la ligne annoncée à l’ouverture du procès. Une prise de position à laquelle s’est ajoutée une touche de provocation lors des prises de parole à la barre. Outre les poursuites pour « complicité et recel de détournement de fonds publics », le Rassemblement national est également tenu d’expliquer la période de prévention, autrement dit : celle pendant laquelle les faits se sont produits. Ce délai pourrait toutefois être prolongé. De quoi agacer un peu Marine Le Pen : « Aujourd’hui, on nous dit que ce sera peut-être cinq ans avant ou cinq ans après ! », s’étonne-t-elle. Il y a « beaucoup d’idées préconçues qui ont été créées par la partie civile (le Parlement européen) », accuse-t-elle, « nous avons essayé de nous mettre dans un tunnel dont nous ne pouvons pas sortir ».
C’est aussi le moment choisi par la députée pour entamer une argumentation plutôt provocatrice pour tenter de se défendre, mettant en avant la générosité, selon elle, de l’administration et d’éventuelles velléités politiques contre le Rassemblement national : « La direction du Parlement européen est ce n’est pas neutre, c’est politique (…) Ce serait dommage de ne pas admettre que nous sommes l’épouvantail du Parlement européen», déclare-t-elle. Elle insinue aussi que les députés (ceux du RN), qui s’opposent à « cette construction », à savoir celle du Parlement européen, « c’est quelque chose qui est inquiétant ». OMS? Quoi ? Le principal concerné n’a pas donné plus de détails. Elle pointe également du doigt l’Office européen de lutte antifraude, l’OLAF, qui aurait “apporté ses idées au Parlement, qui l’a poussé dans l’enquête judiciaire”, a-t-elle affirmé lors de l’audience. .
“Nous sommes assistés par des assistants qui font de la politique”
Cette stratégie de défense oscillant entre l’image du martyr et la remise en cause des institutions, comme si le Rassemblement national s’attirait les foudres d’une administration lui mettant volontairement des bâtons dans les roues, peut cependant paraître relativement risquée pour Marine Le Pen. Pour elle, il ne s’agit pas de contester catégoriquement l’accusation, mais de s’appuyer sur une défense politique. « A quoi servent les assistants parlementaires ? Faites de la politique. Pour être plus nombreux la prochaine fois. L’activité politique du député est indissociable de son mandat », affirme-t-elle.
Pourtant, la législation est claire : au niveau européen, un assistant parlementaire est tenu de travailler directement pour son député. “Il doit toujours s’agir d’assistance au député dans l’exercice de son mandat”, a précisé le directeur général des Finances du Parlement européen, Didier Klethi. Justement, plusieurs éléments permettant de confirmer la consigne initiale donnée par la direction du parti concernant le recrutement des assistants parlementaires et dans quel but ont été obtenus, notamment des procès-verbaux de réunions ou encore les déclarations de plusieurs anciens députés européens. Pour rappel, selon les accusations, lors d’une réunion du 4 juin 2014, ordre avait été donné à chacun des 24 députés européens RN de recruter un assistant parlementaire chargé de l’épauler et de laisser tous les autres assistants parlementaires qui pourraient être disposition recrutée du parti. Ladite instruction est rapportée par Nicolas Franchinard, ancien assistant parlementaire de trois anciens élus du RN qui a témoigné Médiapartet est évoqué par les élus. C’est par exemple le cas d’Aymeric Chauprade qui a témoigné auprès de Médiapart et Complément d’enquête en 2017 avant de se rétracter et de remettre en question ses déclarations. Des mises en garde de certains députés européens contre le caractère illégal de cette organisation, assimilable à un système d’emplois fictifs, ont été adressées au cabinet de Marine Le Pen et à la trésorière selon des mails consultés par Médiapart. Lequel semblait, selon ces mêmes mails, conscient de l’aspect frauduleux du système. Marine Le Pen tentera de se défendre sur ce sujet lors de l’audience du 14 octobre.
Une évidence qui n’empêche pas Marine Le Pen de conserver une certaine pointe d’humour à la barre : « Nous ne sommes pas des fonctionnaires. Nous sommes élus par le peuple et nous sommes assistés par des députés qui s’impliquent en politique », a-t-elle déclaré lors de l’audience du 2 octobre. Une stratégie, risquée certes, mais qui reste pleinement soutenue par le député du Pas-de-Calais.