l’ouverture d’un procès extraordinaire

l’ouverture d’un procès extraordinaire
l’ouverture d’un procès extraordinaire

► De quoi est accusé le Front national ?

Vingt-sept personnes, dont Marine et Jean-Marie Le Pen, ainsi que le Front national (FN, devenu Rassemblement national en 2018) en tant que personne morale, sont jugés depuis le 30 septembre par le tribunal correctionnel de Paris pour détournement de fonds. fonds publics et complicité de détournement de fonds. Dans le détail, cela concerne onze députés européens, douze assistants parlementaires et quatre collaborateurs du FN, parmi lesquels des cadres actuels comme le maire de Perpignan Louis Aliot et le député de l’Yonne Julien Odoul.

Ils sont soupçonnés d’avoir participé à un vaste système de détournement des enveloppes (21 000 euros par mois) allouées par le Parlement européen à chaque député européen pour rémunérer ses assistants parlementaires. En réalité, ils auraient travaillé pour le compte du FN, permettant au parti, endetté de plusieurs millions d’euros, de faire des économies sur les salaires. Environ 6,8 millions d’euros provenant de fonds européens ont ainsi été détournés entre 2004 et 2016, dont une grande partie après l’élection de 24 députés frontistes en 2014.

Les prévenus risquent dix ans de prison et un million d’euros d’amende, assortis d’une peine d’inéligibilité pouvant aller jusqu’à dix ans. “Ce procès est extraordinaire compte tenu des sommes et du nombre de personnes impliquées, mais aussi parce qu’il touche un parti politique de premier plan”, analyse Jean-Marie Brigant, maître de conférences en droit privé à l’Université du Mans.

► Quel est le cadre juridique autour des assistants parlementaires ?

Pour Marine Le Pen, qui conteste tout emploi fictif, « les assistants d’un élu ne sont pas des employés du Parlement européen, mais des assistants d’élus d’un parti politique ». “Par conséquent, ils ont évidemment vocation, pour un certain nombre d’entre eux, à faire de la politique”, a-t-elle assuré le 19 septembre à Le Parisien.

Ce n’est pas ce qui est indiqué dans le statut des députés, établi depuis le 14 juillet 2009 et consultable par tous les députés européens. Il précise que le Parlement européen ne prend en charge que « les frais correspondant à l’activité nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire des députés ». Au cours de l’enquête, le Parlement européen, constitué partie civile, a rappelé qu’un assistant parlementaire a le droit de mener des activités militantes, mais que cela ne doit pas entraver l’exercice de ses fonctions.

Tout l’enjeu de ce procès sera donc de déterminer la part de travail réalisée par chacun au nom du Parlement européen et pour le FN. Car selon les témoignages recueillis par la justice, certains n’ont en réalité jamais travaillé pour leurs députés européens.

► Ces cas sont-ils isolés ?

C’est l’autre grande question qui sera examinée lors de ce procès. Selon l’accusation, il ne s’agit pas seulement d’individus ayant détourné de l’argent, mais d’un « véritable système centralisé » avec « une direction dirigée par les dirigeants successifs du FN ». « Il n’y a rien d’accidentel ou de ponctuel dans les situations considérées » affirme-t-il dans son réquisitoire.

Lors d’une réunion datant du 4 juin 2014, Marine Le Pen aurait ordonné aux députés européens nouvellement élus de mettre à la disposition du parti la majorité du budget alloué à l’emploi de leurs assistants. Les enquêteurs ont retrouvé un email de l’ancien député européen Jean-Luc Schaffhauser, qui avait fait part de ses inquiétudes au trésorier du FN : « Ce que nous demande Marine, c’est s’inscrire sur des emplois fictifs… Je comprends ses raisons, mais on va se faire prendre. »

Des accusations que rejette l’eurodéputé Alexandre Varaut, porte-parole du parti pour le procès : « Il n’y a pas de système, car seules quelques personnes n’ont pas travaillé uniquement pour le Parlement européen. Et nous ne sommes pas les seuls à l’avoir fait, nous pensions tous que c’était légal ! »

► Marine Le Pen risque-t-elle l’inéligibilité ?

Oui, car elle est au cœur de cette affaire, étant à la fois présidente du FN et députée européenne pendant une partie du mandat en question. « Pour elle, le plus grand risque serait une peine d’inéligibilité de dix ans avec exécution provisoire. Cela s’appliquerait immédiatement, l’empêchant de se présenter aux prochaines élections et à l’élection présidentielle de 2027. » précise Jean-Marie Brigant.

Un verdict qui tomberait au pire moment pour le parti qui mise toute sa stratégie sur un vote anticipé. “Mais avant d’y parvenir, il faudra démontrer le délit de détournement de fonds publics, puis prouver qu’elle avait donné des instructions en connaissance de cause”, poursuit l’avocat.

Marine Le Pen pourrait bénéficier du “Bayrou jurisprudence”, comme le dit Virginie Martin, professeur et chercheuse à Kedge Business School : « Le président du MoDem a été mis en cause dans une affaire similaire, avant d’être acquitté en février dernier au bénéfice du doute. Nous ne pouvons pas imaginer qu’il ne le savait pas, mais nous n’avons pas la preuve matérielle qu’il le savait… »

► Ce procès peut-il avoir un effet sur le Rassemblement national (RN) ?

Pour Virginie Martin, c’est sûr : “Cette affaire va mettre à mal le processus de légitimation et de professionnalisation mis en place par le parti.” « Cela pourrait surtout impacter l’électorat récent du RN, qui a voté pour lui pour la première fois lors des dernières législatives, et qui est plus compatible avec le système que l’électorat frontiste d’origine. »

Mais Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès, est plus dubitatif : « Le RN a une résilience extraordinaire. Aucun des précédents épisodes judiciaires liés au parti n’a entamé sa crédibilité auprès de ses partisans, qui estiment que le système se venge de ses succès électoraux avec ces procédures. » Le parti sait aussi bien la jouer. “Il a acquis l’expérience de se poser en victime de persécution politique et de renverser ainsi toutes sortes de situations”, souligne Jean-Yves Camus. Le RN a donc tout intérêt à faire passer cette affaire pour un procès politique afin d’en sortir vainqueur, quelle qu’en soit l’issue.

Huit ans d’enquête

9 mars 2015. Martin Schulz, alors président du Parlement européen, a dénoncé au ministère de la Justice français une possible utilisation frauduleuse des fonds européens par le FN. Ses soupçons ont été éveillés par la publication du nouvel organigramme du FN, selon lequel 16 députés européens et 20 assistants parlementaires occupent des fonctions officielles au sein du parti.

24 mars 2015. Le ministère public saisit l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales.

Fin 2016. Les investigations sont confiées à deux juges d’instruction financières.

8 décembre 2023. Le RN et 27 prévenus sont déférés devant le tribunal correctionnel de Paris, pour un procès qui se tiendra du 30 septembre au 27 novembre 2024.

 
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