étonnement parmi les déplacés de Beyrouth

étonnement parmi les déplacés de Beyrouth
étonnement parmi les déplacés de Beyrouth

Au pied d’une garderie transformée en centre d’accueil, dans le quartier Clémenceau, des familles entières ont trouvé refuge. Un colosse tatoué se précipite pour quitter l’établissement. L’homme au t-shirt noir a un air triste et des yeux rouges. Il peut à peine parler. « Tout se résume à une phrase : nous avions deux dieux. L’un d’entre eux est mort», déclare-t-il avant de rouler en scooter.

Trois heures après la confirmation par le parti de l’assassinat du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, l’air est lourd dans la rue Michel Chiha à Beyrouth. Samedi 28 septembre, le Liban ouvre une nouvelle page de son histoire. Hassan Nasrallah a été un « martyr » vendredi soir dans une frappe israélienne contre la banlieue sud de Beyrouth. Il est trop tôt pour parler, trop tôt pour penser à la suite. « Revenez dans quelques jours, ce n’est pas le moment de parler… » dit un homme qui garde l’entrée de l’établissement, où les visiteurs sont triés sur le volet.

En face, un parking bondé n’accepte plus les voitures. Amin* est assis sur son scooter et discute avec trois autres hommes. La veille, le militaire ne croyait pas une seule seconde à l’assassinat de « Sayyed ». « Nous avons prié… Nous espérions qu’il s’agissait d’une guerre psychologique. Et on attendait le communiqué officiel», raconte le trentenaire. Mais vers 14h30, la rumeur se confirme. Hassan Nasrallah a été tué par Israël. “Quand nous avons appris son martyre, c’était comme si nous étions morts avec lui”, a déclaré Amin, qui a quitté vendredi soir la banlieue sud de Beyrouth, avant une vague de frappes israéliennes sans précédent. Une annonce à laquelle il « n’arrive toujours pas à croire ».

“Nous ne sommes pas les seuls à être tristes, tous ceux qui ont une conscience le sont aussi”, ajoute-t-il. Mais le chagrin laisse vite place à autre chose. Pour lui et ses amis, la « résistance » en ressortira « plus forte que jamais ». « Le sang des Sayyed mènera à la victoire totale… À la disparition d’Israël, le cancer de cette région ! », clame-t-il. La « Résistance » peut « continuer » sans lui, assure-t-il. « Cela ne s’arrête pas à un seul homme… Le Sayyed était le père de tous les martyrs, ils nous ont dit d’être patients. C’est ce que nous allons faire.

Les quatre hommes attendent la prochaine génération. « Il est certain que le choix du commandement sera le bon. Son martyre est une très grande blessure, qui restera à jamais avec nous, comme celle d’Abbas Moussaoui (le prédécesseur de Hassan Nasrallah avant son assassinat le 16 février 1992, ndlr) pour la génération de mon père. Mais le prochain, nous l’aimerons et serons à ses ordres comme nous l’étions pour le Sayyed”, affirme-t-il.

« Pourquoi avez-vous tué le Sayyed ? »

Non loin de là, dans une autre école, transformée en abri de fortune, la cour de récréation est bondée de monde. Les personnes déplacées seraient entrées de force pour s’installer, raconte un employé de l’établissement. Dalal Yassine et son mari partagent une salle de classe avec quatre autres membres de leur famille. Ils ont fui Houmin el-Tahta (caza de Nabatiyé) lorsqu’Israël a lancé lundi une opération militaire de grande ampleur sur le territoire libanais, qui a fait près de 600 morts en l’espace d’une journée, alors que les affrontements se limitaient jusqu’ici principalement au Sud-Liban.

Dans cette école, la tension était à son comble en début d’après-midi à la sortie du communiqué du parti. « Certains s’en sont même pris à l’armée, qui était présente sur les lieux. Nous avons essayé de les calmer… », raconte Dalal. « D’autres, levant les yeux au ciel, se mirent à crier : ‘Pourquoi as-tu tué le Sayyed ?’ Les femmes se lamentaient en se cognant la tête… On est resté comme ça pendant une heure et demie», poursuit le sexagénaire. A ses yeux, « la mort de Hassan Nasrallah, c’est comme si l’imam Hussein (petit-fils du Prophète et figure centrale du chiisme, ndlr) mourait une seconde fois. Pour moi, il y a Dieu et puis le Sayyed », insiste-t-elle. « C’est notre foi qui m’a permis de retrouver mon calme. Je me dis qu’il est au paradis avec l’imam Hussein. Vous savez, nous aimons le martyre”, a-t-elle déclaré en montrant une photo de ce que serait la bague de Sayyed sans sa pierre précieuse, trouvée “là où il est mort”.

En près d’un an, le coût du conflit est déjà très lourd du côté libanais avec 1 640 personnes tuées, dont 104 enfants et 194 femmes, sans compter le nombre de disparus sous les décombres ; 8 404 blessés ; un million de déplacés… Et pour la base de la « résistance », la disparition de celui « qui représentait tout » pour eux. « Dieu seul sait si cette guerre mérite le prix que nous avons payé… Mais je crains que le Liban ne devienne comme Gaza », dit-elle. Dalal espère toujours l’impossible. Depuis la fenêtre, elle commence à entendre des cris de joie. “Tant qu’il est en vie, aussi longtemps qu’il est en vie”, prie-t-elle. Je n’y crois pas, je ne peux pas l’accepter… ». Et soudain, une voix résonne entre les murs : « Il est vivant. Il est vivant. Dalal saute de sa chaise et court vers la fenêtre. Les balcons sont remplis de déplacés. Les femmes font le toi-toi. La foule crie : « Labaïka (à tes ordres) ya Nasrallah ». Et des coups de feu retentissent dans le quartier… et dans l’école. “Qui vient de tirer par la fenêtre ?” Qu’il descende immédiatement ! », ordonne un déplacé. Les rafales continuent de retentir. Dehors, un homme annonce à nouveau la mauvaise nouvelle : « Il n’y a rien, il n’est pas vivant. »

Au pied d’une garderie transformée en centre d’accueil, dans le quartier Clémenceau, des familles entières ont trouvé refuge. Un colosse tatoué se précipite pour quitter l’établissement. L’homme au t-shirt noir a un air triste et des yeux rouges. Il peut à peine parler. « Tout se résume à une phrase : nous avions deux dieux. L’un est mort », dit-il avant…

 
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