«Pour les Wendat, il s’agit définitivement d’une annonce historique», affirme le grand chef de la Nation huronne-wendat, Pierre Picard.
Cette dernière représente l’une des quatre nations derrière la société en commandite Atenro, qui signifie « amitié » en langue wendat.
Ensemble, la Nation huronne-wendat, la Nation naskapie, les Mi’gmaq et la Nation crie ont uni leurs forces pour acquérir une participation majoritaire dans le Hilton Québec.
Ils ont annoncé jeudi matin cet investissement majeur de 85,6 millions de dollars au 23e étage de l’hôtel emblématique de la capitale.
Plusieurs mois ont été nécessaires pour en arriver à cette conclusion, affirme M. Picard, en entrevue avec Le Soleil.
Le début de cette alliance a été lancé par la Nation Mi’gmaq.
« Nous leur avons fait savoir s’ils étaient intéressés [faire l’acquisition du Hilton]. Ils ont des alliances par l’intermédiaire de leur société de développement économique. […] Ils ont eu la gentillesse et une grande délicatesse diplomatique de faire appel à nous », reconnaît le grand chef, tout en rappelant que l’hôtel est situé sur le territoire wendat, à Nionwentsïo.
Pour Fred Vicaire, PDG de la société de développement économique Mi’gmawei Mawiomi Business Corporation, l’investissement était trop « risqué » pour une seule communauté.
« Historiquement, les nations ont toujours travaillé ensemble. Je pense que c’est symbolique qu’on revoie cela», estime celui qui imagine clairement de tels partenariats se dessiner dans le secteur des énergies renouvelables.
Un partenariat avec l’actuel propriétaire de la propriété, InnVest Hotels, a permis d’aller de l’avant avec la transaction. Ce dernier reste gérant de l’hôtel.
«Cette entente très importante avec nos partenaires des Premières Nations au Québec nous permet de libérer la valeur de cette propriété tout en offrant une nouvelle opportunité d’investissement», explique Lydia Chen, PDG d’InnVest Hotels.
« Un signal fort »
Les nouveaux repreneurs conviennent qu’une telle alliance marque une étape significative dans la participation économique des Premières Nations dans plusieurs secteurs au Québec, dont l’hôtellerie.
Mandy Gull-Masty, grande chef du Grand Conseil des Cris, se dit fière de poser sa marque au cœur de la ville de Québec.
« Cela déclenche quelque chose de très important : un modèle de collaboration. Pas seulement pour nous, mais pour les autres nations de toutes les provinces du Canada », souligne-t-elle.
Pour le grand chef Pierre Picard, il s’agit d’un « signal fort » pour sa communauté.
« Lorsque nos ambitions se croisent et que nos visions s’alignent, nous pouvons converger vers des succès en tant que membres des Premières Nations », affirme-t-il avec fierté.
Il ne manque pas de souligner qu’un tel accord génère « un sentiment de fierté et d’appartenance ».
« Les portes de notre Nation sont ouvertes à toutes sortes d’alliances nous permettant une plus grande autonomie financière. »
— Pierre Picard, grand chef de la Nation Huronne-Wendat
« Nous avons souvent été reconnus comme porteurs de culture et de traditions. Mais nous voir du point de vue économique comme des créateurs d’alliances, cela devient de bons exemples pour les générations actuelles», soutient M. Picard.
Un levier important
De plus, les actionnaires majoritaires veulent saisir l’opportunité de promouvoir les cultures indigènes auprès des visiteurs de l’hôtel.
Et ce, en plus de mettre en œuvre des initiatives conjointes visant à offrir des opportunités d’emploi et de formation aux membres de toutes les Premières Nations.
« Il ne s’agit pas seulement de la propriété : il va y avoir une couleur. Il y aura une présence autochtone. Nous en avons besoin. Québec et Montréal sont des endroits où il y a beaucoup de croisiéristes et de touristes qui viennent. Ils veulent cette expérience-là», insiste Ian Lafrenière, ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuits.
« Nous voulons que les Premières Nations et les Inuits soient des partenaires. Pour cela, il faut leur en donner les moyens.»
— Ian Lafrenière, ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuits
L’une des questions qui revient souvent est celle de la capacité d’investissement, rappelle le ministre.
Si une aide financière existe dans l’Ouest canadien pour soutenir de tels projets, seul le Fonds d’initiatives autochtones est en place au Québec. «C’est un premier niveau d’investissement», explique-t-il.
« Nous travaillons avec plusieurs groupes pour essayer d’avoir quelque chose. « Justement un fonds qui pourrait aider les investissements autochtones dans des projets majeurs », suggère M. Lafrenière, qui n’a aucune annonce à faire à court terme.
Depuis 1974
L’hôtel Hilton Québec a été construit entre 1971 et 1974 par la société immobilière Trizec. Son ouverture officielle remonte au 21 mars 1974.
En 2006, Hilton Canada a vendu la propriété aux hôtels InnVest.
L’hôtel du boulevard René-Lévesque Est a subi un lifting de 20 millions entre 2008 et 2011. Dix ans plus tard, une nouvelle enveloppe de 70 millions a permis de rénover le Hilton Québec.
Il s’agit du deuxième plus grand établissement hôtelier au Québec avec ses 569 chambres.
CE QU’ILS ONT DIT
« Notre nouveau partenariat démontre la volonté des communautés autochtones d’investir dans l’économie de manière durable et de renforcer leur autonomie financière.
– Fred Vicaire, PDG de Mi’gmawei Mawiomi Business Corporation
« En investissant dans des propriétés hôtelières, nous avons la possibilité de créer des espaces qui mettent en valeur notre patrimoine et permettent aux visiteurs d’en apprendre davantage sur nos cultures. »
– Henry Gull, président de la Société Eeyou de la Baie James
« Le développement de nos communautés nécessite également des investissements stratégiques à l’extérieur du territoire.
– Louise Nattawappio, chef de la Nation Naskapi