Louis Lepais, peintre de lettres, réalise des enseignes à main levée à Paris et Orléans, sa ville natale

Pour accéder à Louis Lepais, il faut grimper. Montez sur l’échafaudage où il est perché. Ce mardi-là, il s’occupe d’une enseigne orléanaise. Il trace l’ombre noire d’un « E » de la « Brasserie Le Châtelet ». Minutieusement et avec une grande agilité, il manie sa brosse en poils de martre qu’il tourne et tourne selon l’angle souhaité. Il s’appuie sur un « Mahl Stick », un bâton, pour stabiliser sa main. La veille, il avait commencé à peindre l’enseigne de cet établissement qui se trouve à l’angle entre la place du Châtelet et la rue Péreira.

Un métier tombé en désuétude

Son art connaît son apogée jusque dans les années 1950 et 1960, avant de tomber en désuétude dans les années 1980, avec l’essor du plexiglas. « Dans les années 2010, il y a eu un film aux Etats-Unis et un livre sur les « peintres d’enseignes ». C’est revenu à la mode à Paris, pendant mes études. Et c’est grâce à ça que je me suis tourné vers ce métier», explique le jeune entrepreneur de 29 ans, cofondateur de sa société Enseignes Brillo, basée à Paris. Elle propose deux techniques : la peinture sur support (pierre, métal, bois, verre…) et la dorure sur verre.

L’Abraysien, qui a fait toute sa scolarité à Orléans, a d’abord étudié les arts appliqués à l’école Estienne. « J’y ai appris le graphisme, le design puis le dessin typographique pendant deux ans. Ils n’accueillent qu’une dizaine d’étudiants chaque année. Mais le travail implique beaucoup de travail informatique. Mais « ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus ». La découverte du métier de peintre de lettres, que son arrière-grand-père exerçait déjà en 1910 à Artenay, fut une révélation. « Notre travail prend vie, c’est satisfaisant de voir le résultat final. »

Il a appris le métier à Londres, sur le tas

Il effectue son stage de fin d’études, puis travaille pendant un an, en 2018 et 2019, chez Ged Palmer, peintre de lettres réputé à Londres. « Il est jeune, mais il est très bon ! Il a beaucoup de créativité, il dessine tout ce qu’il peint. J’y ai appris le métier, le geste, il faut des mois et des années pour l’acquérir. Nous ne recherchons pas la perfection, mais un geste propre et des lettres avec nervosité.

A l’heure du Brexit et du Covid, il part seul, à Paris. « L’avantage était que j’avais beaucoup d’expérience en graphisme, j’ai donc également proposé de créer des logos, des cartes de visite, en plus des panneaux. J’ai regardé autour de mon réseau. Cela a été assez rapide, car après le Covid, il y a eu beaucoup de débouchés. Mes clients sont à 80% des entreprises agroalimentaires : des restaurateurs, des cavistes et des indépendants comme des fleuristes, des barbiers… Cela donne une touche à leur savoir-faire. Pendant trois ans, Louis laisse sa marque. Sa renommée le fait travailler pour des marques de luxe comme Louis Vuitton, Place Vendôme.

Huit boutiques peintes à Orléans

Il n’oublie pas sa ville natale où il revient régulièrement, voir ses parents à Saint-Pryvé et honorer des contrats. A son actif, pas moins de huit boutiques : les deux salons du coiffeur Lucas Pichard, les barbiers St-Louis et Koçali Barber, les fleuristes Le Beau Temps et Maison Côté jardin, la librairie Jaune Citron et la boutique de décoration Anne K. Maison. .

Tous ses clients sont animés par l’envie de se démarquer et prêts à y mettre le prix, « vite amortis », assure Louis. « Il y a un côté old school, plus chaleureux. C’est plus écologique aussi, car c’est juste de la peinture, des chiffons, un peu de papier. Et ça dure. La feuille d’or ne rouille pas, ne ternit pas. Comme au bon vieux temps.

Un investissement rentable,
selon le patron


Patrick Desbois recherchait une marque de communication « plus authentique » pour sa brasserie Le Châtelet : « Nous venons de Paris et nous souhaitions nous rapprocher de l’ambiance des cafés parisiens ». Il s’est inspiré de ses voisins d’en face : tous les trois ont fait appel à Louis Lepais (le coiffeur, le fleuriste et le magasin de décoration). « Cela complétera la rue ! »

Pour le choix des lettres et des couleurs, « nous l’avons fait ensemble. Nous avons décidé de ce que nous allions écrire sur les fenêtres, sur les murs en pierre. Il m’a conseillé et je lui ai fait entièrement confiance. Un choix qui a un coût : « C’est dix fois plus cher que si j’avais collé une banderole, mais ce n’est pas comparable. Il y a trois jours de travail, nous sommes deux. Cela vaut l’investissement. J’y crois !’

Patrick Desbois n’a pas hésité longtemps à faire appel à Louis Lepais, qui avait déjà « frappé » trois fois dans sa rue.

En chiffres
100 : Ils ne sont qu’une centaine en à exercer ce métier de peintre en lettres. Dont une vingtaine rien qu’à Paris. Et une majorité de femmes, selon Louis, avec « beaucoup de reconversion ».
400 : En 3 ans, son entreprise a créé près de 400 enseignes dans toute la France, dont 150 l’an dernier.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Guardiola ne veut pas « abandonner » Manchester City
NEXT quand le numérique nous plonge dans les œuvres d’art