CC’est une personnalité peu connue des Béarnais. C’est pourtant à Sévignacq-Meyracq que décède Léon Gimpel en 1948. Expérimentateur passionné et infatigable, il fut un pionnier du reportage photo couleur utilisant la technique de l’autochrome. Thierry Gervais lui a consacré un livre en 2008. Il est professeur d’histoire de la photographie à la Toronto Metropolitan University, également responsable de la recherche au Centre Image de cette université.
Léon Gimpel était-il un pionnier de la photographie ?
Pas au premier sens du terme. Les pionniers se situent vers 1839. Léon Gimpel débute la photographie à la fin du XIXème siècle.e siècle. Je vais le comparer un peu aux photographes de la génération de l’appareil photo Kodak, inventé à cette époque. La publicité disait « appuyez sur le bouton et nous ferons le reste ». » La caméra était une sorte de boîte noire. Nous ne savions pas vraiment ce qui se passait à l’intérieur. La photographie n’est plus l’apanage des techniciens. Cela se démocratisait. Mais il y avait encore des techniciens. Il y avait encore des gens qui aimaient expérimenter la photographie. Léon Gimpel était de ceux-là. La technique est au service de son inventivité et il la détourne pour réussir à faire ce qu’il veut.
Je peux raconter une anecdote pour illustrer cela. En 1900, il achète un nouvel objectif qui a la particularité de corriger les distorsions optiques. La première chose que fait Léon Gimpel : se rendre à l’Exposition universelle, au Palais des Glaces, se prendre en photo dans des miroirs déformants. Pour voir ce que ça fait. Je trouve quand même ça assez drôle, assez ironique.
À partir de 1904, il travaille pour le journal « L’Illustration ». Il devient leur envoyé spécial, notamment en matière de photographie. En 1904, il apprend l’existence du premier procédé industrialisé de photographie couleur : l’autochrome. Il décide d’aller avoir un entretien avec les frères Lumière à Lyon. Il leur faudra trois ans pour développer cette technologie. Léon Gimpel s’arrange avec les frères Lumière pour que le lancement de l’autochrome ait lieu à « L’Illustration », en 1907.
Lui, que personne ne connaît, réalisera les premières photographies de reportage couleur publiées dans la presse. Il s’est même retrouvé à prendre des photos de la reine et du roi du Danemark ! C’est le Quai d’Orsay qui en a fait la demande à « L’Illustration ». La photo a été publiée fin juin 1907. Elle renseigne sur le personnage : il ne recule pas devant le défi.
L’aviation joue également un rôle important dans son travail.
Oui, car cette période est aussi celle du développement de l’aviation. Léon Gimpel est confronté à un problème : sur les photos, où que l’on soit au sol, on a une silhouette d’avion dans un ciel blanc. Pourtant, Léon Gimpel a compris une chose : si c’est visuellement explosif, il sera publié.
Il se rend chez le Comte de La Vaulx, pour être embarqué sur un dirigeable. Comme les avions de l’époque ne volaient pas à plus de 155 mètres, les dirigeables montaient plus haut. Léon Gimpel inverse le point de vue. Il prend des photos d’avions d’en haut. A partir de ce moment, il commencera à photographier les événements d’en haut.
Léon Gimpel a également participé à l’amélioration de la technique photographique. Comment ?
Avec un collègue de la Société française de photographie, il améliore à deux reprises le procédé autochrome, dans les années 1910. A chaque fois, il augmentait la sensibilité. Ce qui permet à Léon Gimpel de faire quelque chose que personne n’a fait auparavant : des instantanés en couleurs. Vous ne les verrez dans aucune autre collection que chez Gimpel. Le temps de pose est suffisamment court pour capturer le mouvement. Alors qu’à l’origine, la couleur nécessite un temps de pose de plusieurs secondes.
Biographie
Léon Gimpel est né à Strasbourg le 13 mai 1873, dans une famille juive installée à Paris. Marié à Marguerite-Marie Bouillon en 1939, il part pendant la guerre dans le Béarn – alors situé en zone libre –. Il décède à Sévignacq-Meyracq le 7 octobre 1948. Il rédige ses mémoires, consultables à la Société française de photographie, à Paris.
Livre « Léon Gimpel : l’audace d’un photographe (1873-1948) », 2008. Textes de Thierry Gervais, Dominique de Font-Réaulx et Léon Gimpel. Prix : 40 euros. A commander auprès de la Société Française de Photographie. Adresse : 58, rue de Richelieu, 75 002 Paris.