La Cour des comptes pointe du doigt le Centre Pompidou et ça pique

La Cour des comptes pointe du doigt le Centre Pompidou et ça pique
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Absence de stratégie, modèle économique fragile, fermeture des travaux mal préparée… Rue Cambon publie un rapport extrêmement critique sur le célèbre musée aux canalisations vertes et bleues.

La Cour des comptes déplore le manque de stratégie, à tous les niveaux, de l’institution culturelle. Groupe Photo Planet One Images/Universal Images via Getty Images

Par Sophie Cachon

Publié le 23 avril 2024 à 11h07

Mis à jour le 23 avril 2024 à 11h48

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LLes rapports de la Cour des comptes tombent régulièrement comme une règle sur les doigts et, la plupart du temps, ça fait mal. Celui que les magistrats financiers de la rue Cambon viennent de publier sur le Centre Pompidou ne fait donc pas exception. Les activités du bâtiment aux canalisations vertes et bleues ont été examinées et analysées sur la période 2013-2022. En 124 pages, ponctuées de synthèses parfaites pour le commun des mortels fâché contre la comptabilité analytique, les rapporteurs décryptent le fonctionnement financier et la gestion de l’établissement à vocation multidisciplinaire, une machinerie extrêmement lourde employant un millier de salariés et comptant non seulement l’Administration nationale. Musée d’art moderne (près de 122 000 œuvres dans ses collections), mais aussi deux bibliothèques, des salles de spectacle et de cinéma, un centre de recherche (l’Institut de recherche et de coordination acoustique/musique, ou Ircam) et divers lieux publics.

Si l’on tente de résumer leur étude en deux colonnes, celle des « plus » et celle des « moins », autant commencer par la première. Il ne comprend qu’un seul axe, le succès des antennes du Centre à l’étranger et les revenus qu’elles génèrent. Ainsi à Malaga, dont la succursale fêtera bientôt ses 10 ans, et à Shanghai, et bientôt à Bruxelles et Séoul. Toutefois, les auteurs soulignent que ce succès a été obtenu “au fil de l’eau”, le Centre répond aux demandes sans avoir établi une véritable stratégie au niveau international.

« Stratégie », mot clé omniprésent, revient souvent dans la colonne « moins », associé le plus souvent à « absence » et « manque ». Exemple, écrit en gras, juste pour enfoncer le clou : “Il n’existe aucun document formalisant la stratégie globale du Centre Pompidou”, OMS tire la même flèche à l’établissement et à son tutelle, le ministère de la Culture. En déplorant la fragilité du modèle économique du musée, basé sur la billetterie et les subventions publiques, Rue Cambon encourage la mise en œuvre « une stratégie pour augmenter la fréquentation » (2,6 millions de visiteurs en 2023), notamment des visiteurs étrangers préférant le Louvre.

Gestion des travaux concernés

La partie la plus difficile du rapport, qui occupe la plupart des chapitres, concerne la gestion avant les travaux et la préparation après les travaux. C’est la pierre angulaire du dossier, tant humaine qu’architecturale. Car fin décembre 2024, le Centre Pompidou, paquebot si difficile à manœuvrer par temps relativement calme, va entrer dans une période mouvementée avec la fermeture de l’établissement pour cinq ans. Après plusieurs changements de dates et de parcours, là encore, la stratégie a fait cruellement défaut, aux yeux des scrutateurs, et pas seulement aux leurs. Le document déplore une gestion erratique des ressources humaines avec « Un dialogue social à renouveler » (pas évident quand en même temps le rapport réclame « récupérer des marges de manœuvre en matière de masse salariale »), tandis que l’impréparation chronique et l’absence de gestion coordonnée ont abouti, cet hiver, à une grève historique des agents qui a duré trois mois.

Autant la grève n’apparaît pas dans le rapport, qui s’achève en 2022, autant les raisons qui y ont conduit sont en germe, voire enracinées profondément, déjà pointées dans le précédent rapport de 2014. “Insuffisamment piloté”, le projet de refonte du Centre Pompidou s’est complexifié avec l’arrivée en 2021 du nouveau président, Laurent Le Bon, ajoutant une refonte culturelle complète de l’établissement où seule une restauration technique était initialement prévue. Le commun des mortels peut faire le bilan : 358 millions d’euros de travaux, promis par l’État, plus 168,7 millions pour la nouvelle refonte culturelle – le Centre Pompidou se chargera de les retrouver. Auxquels s’ajoutent les 254 millions pour le nouveau site de Massy (111 initialement), qui devrait ouvrir en 2026, passant du statut de simple réserve à celui de centre culturel avec espaces d’exposition et de stockage. Pour la Cour des comptes, le calcul est différent. “Au vu des efforts budgétaires considérables consentis par l’Etat”, les rapporteurs s’attendent à ce que le musée achève ses réformes dans cinq ans, durée supposée des travaux. D’ici là, le paquebot fêtera ses cinquante ans, en 2027, sans vaisseau amiral. Pour combien de temps vraiment ?

 
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