Les abstractions de la vie de Vittoria Gerardi

Les abstractions de la vie de Vittoria Gerardi
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Avec sa série « Latenza » présentée à la galerie Bigaignon, Vittoria Gerardi remonte à la Source des images dans une symphonie abstraite et mystérieuse, foncièrement pleine de vie.

En 2017, Vittoria Gerardi expose pour la première fois à la Galerie Bigaignon. L’artiste italien né en 1996 a montré des paysages à la limite de l’abstraction, réalisés lors d’un voyage de trois semaines dans la Desert Valley (États-Unis). L’artiste découvre des estampes minutieuses, admirables par leurs nuances de gris, et qui étirent surtout l’espace et la lumière, ouvrant le regard à l’imaginaire. Le paysage devient un simple support, certes non pas une représentation, mais une idée en soi, recomposée au coup par coup, découpée puis superposée. Tout n’était qu’un jeu, déjà si élégant, avec la lumière.

Deux ans plus tard, Vittoria Gerardi retrouve ce qui était encore l’appartement-galerie de la rue Charlot, ce dernier désormais situé dans un écrin doux dans ses formes et spacieux dans ses volumes, rue du Bourg-Tibourg à Paris. L’artiste marie une nouvelle fois les sources de la photographie avec sa série Pompéi. Espace, lumière, mais aussi mémoire et résurgence en cachant, comme la ville en ruines de Pompéi, des gravures dans le plâtre. Ces clichés sont restés comme la ville, prisonniers, voire partiellement effacés. « À Pompéi, ce qui se révèle reste toujours un peu voilé ! » annonça-t-elle.

Vittoria Gerardi s’inscrit avec Confiné dans la continuité de ses recherches. Il n’y a pas de révolution mais une poursuite insoluble, à mesure que l’on plonge plus profondément et avec délice dans l’enfer de Dante, de ce qui est par essence photographique. Si l’on peut dire ainsi, Vittoria Gerardi tire le fil de la photographie. Par ses œuvres et ses fantaisies, elle s’efforce d’écarter son étymologie première : photo, lumière. Graphiqueécrire, tracer.

La série repose sur une méthode élaborée, qui demande de l’attention ; et que mes mots maladroits et inexpérimentés ont du mal à décrire. Essayons l’exercice. Ce que le spectateur voit au premier coup d’œil ressemble à une boîte en bois dont le couvercle est orné de plaques de cuivre aux couleurs vives qui varient d’une boîte à l’autre. Verts foncés, bleus profonds ou azur, du blanc crème au jaune mimosa, tous sont nacrés.

Le spectateur a le choix ou non d’ouvrir ces boîtes, dans un geste qui rappelle le Peintures de dates de On Kawara et qui inscrit avec force l’œuvre de l’artiste italien dans une histoire de l’art conceptuel, pour découvrir deux groupes distincts : l’intérieur même de la boîte, le revers, pour ainsi dire. de la plaque de cuivre, et à l’intérieur, un tirage non fixé.

« Non fixée » signifie, pour ceux qui ne connaissent pas la chimie de base de l’impression argentique, que l’image est susceptible d’évoluer dans une certaine mesure dès qu’elle est exposée à la lumière. L’impression est en quelque sorte nue, non protégée. Comme notre peau sous les étoiles, elle risque de devenir rouge, grise, brûlée, noircie. Comme le résume le galeriste Thierry Bigaignon, « le papier photographique de Vittoria Gerardi se développe littéralement au fur et à mesure qu’il est exposé ». En d’autres termes, l’image évolue avec le temps. Plutôt que de jaunir, de changer, d’évoluer avec son support, l’artiste propose de modifier l’image elle-même, son motif, ce qui est représenté.

Mais ce qui est montré sur le papier photosensible est la Source même de la vie : on voit le processus de photosynthèse. Ce sont des fragments de plantes, des feuilles d’arbres (pour reprendre la poésie latente de Walt Whitman), utilisés tantôt comme négatif, tantôt comme substrat. Ni plus ni moins que les racines, l’enveloppe d’une feuille, les stipules, les limbes et les nervures de celle-ci.

Le végétal s’impose sur le papier (qui lui-même, rappelons-le, est issu du végétal) et évoluera si le spectateur choisit de l’exposer. Celui qui ouvre la boîte choisit délibérément la vie, dans une certaine mesure. Il fait grandir l’estampe, la fait germer, la fait évoluer, autant de métaphores pour exprimer le vertige devant le procédé appliqué par l’artiste. Le spectateur est maître de ce que l’artiste lui a légué, il prend également conscience du lien ontologique qui unit la photographie à la vie : la maîtrise du temps comme de la lumière.

La photographie numérique, par son procédé et sa multiplication d’images, a quelque peu effacé à notre époque l’acte même de photographier. Sans être dépassé, sans nier ses usages multipliés, Source de joie au quotidien, il est judicieux de se rappeler d’où vient une image. Ce que montre Vittoria Gerardi et ce que révèle son processus méticuleux forme une promenade à travers le cycle de la vie.

La formule peut paraître grandiloquente, mais elle n’en est pas moins le cœur même de « Latenza ». L’artiste devient un passeur, passant de la photosensibilité à la photosynthèse. En faisant de ses œuvres le récipient de la lumière, elle évoque les mécanismes de la vie, ses évolutions et fragilités, ses brûlures et son caractère abstrait, où circulent les idées permettant d’en saisir les mystères. La série est vertigineuse par son principe – la lumière étant à la fois sujet, objet et moyen, et dans sa forme, comme une harmonie. Vertige et beauté, n’est-ce pas la vie ?

Vittoria Gérardi – Latenzia
Galerie Bigaignon
Du 14 mars au 20 avril 2024
https://bigaignon.fr/vittoria-gerardi-latenza

 
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