Le 24 février 2025, cela fera trois ans que l’Ukraine et la Russie sont en guerre, après la tentative de Moscou d’envahir le pays, de prendre Kiev et de renverser le président Volodymyr Zelensky. Trente-quatre mois plus tard, face à la résistance de l’armée ukrainienne, Vladimir Poutine, qui espérait une victoire totale et rapide, devra probablement passer par la négociation s’il veut mettre un terme à ce conflit.
Après avoir attaqué sur plusieurs fronts, Moscou a réalisé d’importants gains territoriaux à l’Est et au Sud, mais n’a pas réussi à provoquer l’effondrement de l’armée ukrainienne. Frappé par des sanctions économiques qui ont durement touché sa population mais n’ont pas arrêté sa machine de guerre, le Kremlin ne parvient désormais qu’à grignoter, village par village, de petites portions du territoire ukrainien.
« Pour moi, il n’y aura pas d’accord de paix avant des années, voire des décennies »tempère d’emblée Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie/Eurasie de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Dans l’état actuel des choses, les exigences ukrainiennes et russes sont trop éloignées pour espérer un accord rapide.
Vladimir Poutine veut un « statut neutre pour l’Ukraine »
Du côté ukrainien, nous « souhaite obtenir des garanties de sécurité »note le spécialiste. Rejoindre l’OTAN, dont l’article 5 consacre un principe de défense collective bénéficiant à un membre de l’alliance en cas d’attaque, est très tentant, mais “Vladimir Poutine ne l’acceptera jamais”. Le maître du Kremlin demande plutôt “un statut neutre pour l’Ukraine, la réduction de son armée et le départ de Volodymyr Zelensky, qu’il ne considère pas comme légitime”.
Sur le plan territorial, la Russie a inscrit dans sa constitution l’annexion de quatre oblasts ukrainiens qu’elle ne contrôle pas totalement : Donetsk, Louhansk, Zaporizhia et Kherson. Si Moscou n’obtient pas le transfert, « Il faudra que Vladimir Poutine trouve un arrangement pour vendre cela à sa population »pense Tatiana Kastouéva-Jean.
Un cessez-le-feu « probable »
L’Ukraine, quant à elle, profite de l’incursion qu’elle a menée dans la région russe de Koursk, où elle contrôle toujours un petit territoire qui pourrait servir de monnaie d’échange. Mais sur le plan territorial, toute spéculation reste risquée, même si Vladimir Poutine a déclaré vouloir prendre en compte « les réalités du terrain ».
Même si l’on ne peut espérer la signature d’un accord de paix, les hostilités pourraient néanmoins prendre fin dans les prochains mois grâce à un cessez-le-feu. « C’est probable.» juge le directeur du Centre Russie/Eurasie. Celui-ci risque en revanche d’être provisoire et très fragile : les belligérants craignent qu’il soit utilisé par l’autre pour se réarmer et mieux se préparer. [pour la suite des combats]. »
Donald Trump va faire pression
L’élection de Donald Trump, le prochain président américain qui prendra ses fonctions le 20 janvier, pourrait contribuer à changer la dynamique de ce conflit et d’éventuelles négociations. Le Républicain a notamment affirmé, lors de sa campagne, qu’il pouvait “résoudre la guerre en 24 heures”.
« Donald Trump fera tout pour obtenir un cessez-le-feu, sinon il ne serait pas crédible »analyse Tatiana Kastouéva-Jean. Le futur président, connu pour son impulsivité, ne devrait pas hésiter à faire forte pression sur les belligérants pour qu’ils s’assoient à la table des négociations.
Il a notamment menacé, fin novembre, de couper l’aide militaire à l’Ukraine si elle n’entamait pas de négociations avec la Russie, mais aussi d’armer davantage Kiev si c’était Moscou qui refusait de négocier. «Malgré ce que l’on dit, il ne peut pas abandonner l’Ukraineestime le chercheur de l’Ifri. Une telle réaction servirait d’exemple à des pays comme la Chine, l’Iran ou la Corée du Nord. Cela leur montrerait que les États-Unis seraient repliés sur eux-mêmes. »
Deux entreprises à bout de souffle
Il n’en reste pas moins qu’au-delà du jeu diplomatique, les sociétés russe et ukrainienne sont épuisées par les morts, les privations et les destructions provoquées par la guerre. « Tous ces paramètres internes signifient aussi que ce serait le bon moment pour un cessez-le-feu »estimates Tatiana Kastouéva-Jean.
En Ukraine, selon différents sondages, entre un tiers et la moitié de la population accepterait une concession territoriale afin de mettre fin au conflit, au cours duquel la Russie a régulièrement détruit des infrastructures civiles. Le chiffre reste « à nuancer, car la population réclame aussi des garanties de sécurité »précise le directeur du Centre Russie/Eurasie.
Du côté russe aussi, “Il y a une lassitude et la moitié des personnes interrogées sont ouvertes à la négociation, mais pas à n’importe quel prix”, estime Tatiana Kastouéva-Jean. De plus, l’opinion publique russe est bien plus manipulable que celle de l’Ukraine. La propagande est capable de vendre n’importe quel acte de Vladimir Poutine comme un grand succès. »
Combien de morts ?
Le nombre de victimes, qu’elles soient civiles ou militaires, reste très difficile à déterminer. Début décembre, Volodymyr Zelensky indiquait que l’armée ukrainienne avait vu 43 000 de ses soldats tués et 370 000 blessés. Du côté russe, les pertes ont été estimées à plus de 82 000 tués par le média indépendant Mediazona et le service russe de la BBC. Les deux médias s’appuient sur l’exploitation de l’information publique : communiqués de presse officiels, nécrologies ou annonces de décès sur les réseaux sociaux, ainsi que l’observation des tombes dans les cimetières.
Toutefois, les chiffres des victimes russes et ukrainiennes pourraient être sous-estimés. Ces derniers notamment ne prennent pas en compte les disparus, selon les experts. Par ailleurs, six millions d’Ukrainiens ont fui leur pays depuis le début du conflit en 2022.