Journée de tous les dangers au Mozambique: la validation du résultat, contesté dans la rue, des élections présidentielle et législatives est attendue lundi dans ce pays d’Afrique australe, où le principal opposant a promis le ” chaos “ si la victoire du parti au pouvoir était confirmée.
Le Conseil constitutionnel doit annoncer lundi à 15H00 (13H00 GMT) le résultat du scrutin du 9 octobre, qui a plongé le Mozambique dans une crise post-électorale sans précédent.
Deux mois de manifestations de rue ont coûté la vie à au moins 130 personnes, pour la plupart des manifestants tués à balles réelles, selon l’ONG locale Plataforma Decide.
C’est le « la manifestation post-électorale la plus dangereuse » de l’histoire du pays pour le parti Frelimo, à la tête du Mozambique depuis son indépendance du Portugal en 1975, estime le chercheur mozambicain Borges Nhamirre.
Loin de s’essouffler, le mouvement pourrait s’intensifier lundi : Venancio Mondlane, l’opposant qui revendique la victoire électorale, a appelé à une « nouveau soulèvement populaire d’une ampleur jamais vue auparavant »dans le cas où les résultats couronnant le candidat du Frelimo, Daniel Chapo, comme président, seraient approuvés malgré les nombreuses irrégularités relevées par diverses missions d’observation internationales.
Un policier debout sur un véhicule blindé face à une barricade de pneus en feu à Maputo, le 6 décembre 2024 / Amilton Neves / AFP/Archives
Ce qui ne laisse aucun doute : “Le Conseil constitutionnel n’est pas politiquement indépendant”explique M. Nhamirre, consultant à l’Institut d’études de sécurité de Pretoria (Afrique du Sud).
“Il y aura des ennuis”il prédit. “La question – à laquelle je pense que personne ne peut répondre – est de savoir combien de temps cela va durer.”.
Ces semaines de manifestations ne suivent aucun schéma habituel dans ce pays, l’un des plus pauvres au monde. La prédominance de l’économie informelle contraint une grande partie des Mozambicains à vivre au jour le jour uniquement pour nourrir leur famille.
Non « négociation »
“On a dit que les mouvements de protestation au Mozambique ne pourraient pas durer plus d’un mois”explique Borges Nhamirre. « Cela n’a rien à voir avec ce que nous avons l’habitude de voir. »
Cela a beaucoup à voir avec Venancio Mondlane. Celui qui mobilise ses partisans via des rituels en direct sur les réseaux sociaux refuse tout compromis avec le Frelimo. Par exemple, samedi, il a dénoncé ceux qui négocient les positions : « Le dialogue est une chose, la négociation en est une autre. »
Venancio Mondlane, candidat à l’élection présidentielle du Mozambique, lors d’un point de presse après le vote à Maputo, le 9 octobre 2024 / ALFREDO ZUNIGA / AFP
Se affirmant victime de deux tentatives d’assassinat – ce qui peut être confirmé par les meurtres de deux figures de l’opposition en octobre –, l’ancien commentateur politique de la télévision mozambicaine s’est réfugié depuis des semaines à l’étranger.
Plus « Venancio »comme on l’appelle simplement dans la rue, a laissé entendre qu’il pourrait revenir à Maputo le 15 janvier pour l’inauguration.
« Le 15 janvier, nous prendrons le pouvoir à Maputo »dit-il. « Si nous devons perdre la vie dans un combat juste, nous la perdrons. »
“Après un si long mouvement de contestation, cela va au-delà de +Venancio+”estimations de Maputo Johann Smith, analyste des risques politiques et sécuritaires pour les multinationales.
Beaucoup des 33 millions d’habitants de ce pays, parmi les plus inégalitaires au monde, comptaient sur ces élections pour tourner la page du Frelimo, d’inspiration marxiste pendant la guerre d’indépendance puis la guerre civile, qui s’est terminée en 1990.
Des manifestants brandissent une banderole à l’effigie de Venancio Mondlane à Maputo, le 24 octobre 2024 / ALFREDO ZUNIGA / AFP/Archives
Mais la Commission électorale a déclaré vainqueur le candidat du Frelimo, Daniel Chapo, avec 71% des voix, contre seulement 20% attribués à Venancio Mondlane. De faux chiffres, selon ce dernier, qui revendique 53% des voix après un décompte parallèle.
“Il a été l’étincelle, mais les gens sont vraiment en colère”juge Johann Smith. « Je peux me tromper, mais même s’il est tué ou quelque chose du genre, le mouvement continuera. C’est presque le printemps en Afrique australe. »
Une allusion au déclin électoral en Afrique du Sud de l’ANC, parti au pouvoir depuis 1994 contraint à une coalition, puis à la déroute historique au Botswana du BDP qui dirigeait le pays depuis 1966. Autant de camouflets infligés cette année aux partis de libération dans la région.