Même Cara Pils s’y est mise : la bière sans alcool, et sans gueule de bois, est bien plus qu’une mode. Mais est-ce vraiment sain ? Pas sûr…
Plus attractive que l’eau, deux fois moins calorique qu’une bière classique ou une boisson gazeuse, sans risque de « gueule de bois » : les arguments pour trinquer avec une bière sans alcool deviennent de plus en plus nombreux. de plus en plus attractif et convaincre de plus en plus de fans.
Un succès visible en grande distribution. Alors que par le passé, un client sur cinq optait pour une alternative sans alcool chez Colruyt, aujourd’hui c’est un sur trois. Chez Delhaize, vente de bière sans alcool augmenté de 40% au cours des six premiers mois de cette année par rapport à la même période en 2023. «Grâce à des consommateurs plus soucieux de leur santé, la bière sans alcool constitue désormais un segment à part entière», confirme la sommelière en bière Sofie Vanrafelghem, qui consacre une large rubrique à ce sujet dans son dernier livre. “Pour un bar, il n’est plus possible de ne pas en inclure un à la carte.”
Une certaine nuance s’impose cependant. Les Belges restent de gros buveurs : plus de 40% consomment de l’alcool chaque semaineet les ventes d’alternatives sans alcool ne représentent qu’environ 7,7 % de toutes les ventes de bière en Belgique. Cinq pays dominent le marché mondial de la bière sans alcool, représentant plus de 80 % de la production totale vendue : l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Pologne et la République tchèque.
Une révolution savoureuse
“La révolution de la bière sans alcool ne vient pas de nulle part”, souligne Sofie Vanrafelghem. Contrairement au secteur du vin, le secteur de la bière a fortement investi dans de nouvelles techniques de brassage et des années de recherche pour perfectionner le processus de production. Bien que la bière contienne moins d’alcool que le vin ou les spiritueux, elle subit une pression bien plus grande pour proposer des variantes sans alcool. Les aspects négatifs de l’alcool sont davantage associés à la bière qu’aux autres boissons.
“Les aspects négatifs de l’alcool sont davantage associés à la bière qu’aux autres boissons.”
« Après les bières sans alcool fades et aqueuses de la première génération, les IPA (India Pale Ales) sans alcool bien houblonnées d’aujourd’hui, te faire oublier l’absence d’alcoolpoursuit le sommelier. Cependant, pour les triples et quadruples, il reste difficile de recréer une texture riche en bouche dans les variantes sans alcool. Mais des progrès significatifs sont réalisés pour se rapprocher de l’expérience gustative originale.
Si ces arômes sont aujourd’hui bien conservés, c’est grâce au technique de filtration sur membrane. Ce long processus – environ 72 heures – consiste à filtrer la bière à plusieurs reprises jusqu’à ce que toutes les particules d’alcool soient éliminées. En général, on obtient un taux d’alcool d’environ 0,4%comme pour le Brugse Sportzot. Une autre méthode courante consiste à utiliser des levures spéciales qui produisent très peu d’alcool lors de la fermentation à froid, ne dépassant pas 0,3 à 0,4 %. La troisième technique est la distillation sous vide, où l’alcool est éliminé par chauffage, mais une partie des arômes est perdue et doit être réintroduite ultérieurement. L’avantage de cette méthode est d’obtenir un titre alcoométrique de 0,0%, comme pour le Hertog Jan 0,0 ou le Leffe 0,0.
Une alternative plus saine ?
Beaucoup considèrent les boissons non alcoolisées comme une alternative plus saine. Remplacer une boisson alcoolisée par une version sans alcool est encouragé par des expertscompte tenu du lien avéré entre la consommation d’alcool et divers cancers (bouche, gorge, foie, intestins, seins) ainsi que des troubles neurologiques comme la démence. Les scientifiques soulignent qu’il n’existe pas de niveau de consommation d’alcool sans danger.
À l’échelle de la population, il est encore trop tôt pour parler d’un éventuel gain de santé lié au potentiel de réduction des méfaits des boissons non alcoolisées. Cependant, selon le Centre flamand d’expertise en matière d’alcool et d’autres drogues (VAD), un scénario dans lequel toutes les boissons alcoolisées contiendraient cinq pour cent d’alcool en moins entraînerait un réduction significative de la mortalité lié à l’alcool.
Les boissons 0% sont également un bon choix lorsqu’il s’agit de apport calorique. Une pilsner ou IPA sans alcool contient en moyenne 26 kilocalories pour 100 ml, contre 45 kilocalories pour une version alcoolisée classique. Même comparée aux sodas, la bière sans alcool est un meilleur choix. Un cola contient environ 42 kilocalories.
« Remplacer une bière par une 0.0 est certainement une meilleure alternative, mais un produit moins nocif ne le rend pas forcément sainnuance Rosa Luyten, de l’Institut pour une vie saine. Notre Triangle Alimentaire classe les bières sans alcool dans la zone rougela catégorie des calories vides ayant peu ou pas de nutriments utiles. Ils contiennent – comme les boissons alcoolisées, les sodas et les boissons énergisantes – des sucres naturellement présents et parfois ajoutés. Un regard critique sur les étiquettes alimentaires est donc nécessaire.
Boisson sportive
Les fabricants tentent donc de trouver des affichages accrocheurs. En 2022, Corona a lancé Corona Sunbrew, une bière sans alcool enrichie en vitamine D, promettant d’absorber davantage en la buvant qu’en profitant d’une terrasse ensoleillée. Dans un autre style, certaines marques présentent leur bière sans alcool comme une boisson pour sportifs grâce à sa nature isotonique – une boisson avec la même composition en sels que celle de nos fluides corporels – contribuant à rétablir l’équilibre hydrique pendant et après une séance de sport. Comme la bière classique, elle contient des polyphénols, des vitamines B, du calcium, du potassium et du phosphore. Cet argument sportif encourage consommer des boissons à 0 % à des moments où l’alcool ne serait normalement pas consommécraint le VAD. Cela pourrait conduire à un changement des normes sociales traditionnelles concernant la consommation d’alcool.
« Avec ce genre de lavage de santédit Sofie Vanrafelghem, la mauvaise réputation de la bière ne cesse de croître. De plus, le goût de certaines de ces bières « sportives » est tellement éloigné du produit original qu’il en devient très déroutant pour un amateur.
“Pour les sportifs amateurs, les boissons pour sportifs, y compris la bière sans alcool, sont superflues”
S’offrir une telle bière après une partie de padel n’a donc aucun intérêt, au-delà du fait qu’elle est agréable à boire et qu’elle permet d’éviter les effets néfastes de l’alcool. «Pour les sportifs amateurs, les boissons pour sportifs, y compris la bière sans alcool, sont superflues», explique Rosa Luyten. L’eau et une alimentation équilibrée assurent une consommation hydrique et énergétique suffisante pour pouvoir faire un effort et récupérer. Seuls les sportifs de haut niveau ont besoin de boissons pour sportifs contenant des glucides et des électrolytes.
Les boissons non alcoolisées ne sont pas non plus complètement « vierges ». En Belgique, la bière « sans alcool » peut légalement contenir une teneur en alcool allant jusqu’à 0,5 %, un taux qui monte même jusqu’à 1,2 % pour le vin.
A titre de comparaison : selon la loi néerlandaise sur l’alimentation, un produit peut être qualifié de « sans alcool » s’il contient moins de 0,1 % d’alcool – il n’est pas toujours possible de fixer la limite à 0,0 en raison des méthodes de production mentionnées ci-dessus. Mais nos voisins du nord ont trouvé une astuce : les brasseurs utilisent le terme anglais « non-alcoolique » pour les bières titrant entre 0,1 et 0,4% d’alcool, ce qui est autorisé. En Espagne, la bière dite « sans alcool » contient 1 % d’alcool, et en Italie et en France, cela peut même monter jusqu’à 1,2 %.
Pour compliquer encore les choses, il existe également bières à faible teneur en alcool. Ceux-ci contiennent au maximum 1,2 % d’alcool dans la bouteille. «Les produits à faible teneur en alcool sont également de plus en plus populaires dans le secteur de l’hôtellerie», explique Vanrafelghem. Il s’agit de boissons avec un pourcentage d’alcool inférieur à celui du produit classique, comme la Westmalle Extra, la bière du réfectoire des moines avec un taux de 4,8% au lieu de 9,5%. Pour un Belge, c’est une bière peu alcoolisée, mais pour un Britannique, c’est déjà assez fort (rires). Ceux qui souhaitent néanmoins goûter à la richesse d’un pourcentage d’alcool plus élevé ne doivent donc plus nécessairement commander une Triple. »
Les femmes enceintes, qui devraient éviter complètement l’alcool, devraient rechercher le chiffre 0,0 sur l’étiquette nutritionnelle.
La multitude de termes et l’alcool caché, même en quantité négligeable, inquiète les autorités sanitaires. “Nous ne sommes pas contre les boissons gazeuses comme substitut à l’alcool”, déclare Katleen Peleman, directrice du VAD. Mais si vous ne voulez vraiment pas boire d’alcool, recevoir des informations correctes sur le pourcentage d’alcool de votre boisson devrait être une évidence. Bière sans alcool ou vin sans alcool ça doit vraiment être sans alcool.»
Les femmes enceintes, qui ne devraient idéalement pas boire d’alcool du tout, devraient donc rechercher le chiffre 0,0 sur l’étiquette nutritionnelle… qui reste cependant un pourcentage arrondi. Une bière 0,0 contiendra toujours une infime quantité de molécules d’alcool. Cette fraction résiduelle est comparable à celle qui peut se former lors de la fermentation naturelle des jus de fruits, des fruits trop mûrs ou d’autres produits fermentés, ce qui ne présente aucun risque pendant la grossesse. Même les bactéries présentes dans nos intestins produisent de l’alcool.
Verser les personnes souffrant de dépendance à l’alcoolle conseil général est de ne pas passer à des boissons non alcoolisées ou à faible teneur en alcool, car ils pourraient être tentés de revenir au « vrai » alcool. Le cerveau reçoit un stimulus dans le système de récompense, mais devient désorienté lorsque l’alcool nécessaire n’est pas consommé, augmentant ainsi la tentation. Au niveau individuel, les alternatives peuvent parfois être utiles selon le VAD, car elles peuvent offrir plus de stabilité à l’entourage des personnes dépendantes à l’alcool, par exemple en réduisant les conflits familiaux.
Commercialisation d’alibis
Enfin, l’association de la bière sans alcool avec les grandes marques d’alcool pose problème, estime le VAD. « La publicité pour la bière sans alcool n’est pas rien de plus qu’un alibi pour promouvoir l’alcool doucement, on vous explique. Le branding est presque exactement le même : la forme de la bouteille, la police, les mots, les couleurs, le logo. Avec ce type d’alibi marketing, l’industrie de l’alcool peut faire de la publicité là où elle ne le ferait jamais avec les boissons alcoolisées. Vous vous souvenez de la publicité pour Corona Cero, la première marque de bière à signer un contrat de sponsoring avec les Jeux Olympiques ? L’indication «0,0%» était presque impossible à repérer dans les publicités. Les entreprises attirent ainsi de nouveaux groupes cibles, comme les mineurs, qui se familiarisent avec l’offre alcoolique classique. L’industrie présente la bière sans alcool comme « saine », mais elle ne pense pas à notre santé, seulement à ses marges bénéficiaires.»
Un avis que ne partage pas Sofie Vanrafelghem : « Le fait que des marques connues lancent sur le marché des alternatives sans alcool de qualité est en réalité une réalité. positif et réduit l’écart pour ceux qui choisissent cette option. Aujourd’hui, on a le luxe de choisir entre différentes bières sans alcool, de l’amer sec au fruité frais, en passant par la Trappiste. Si les buveurs réguliers troquent leurs bières contre des versions sans alcool du même nom, cela mérite d’être encouragé. Bien sûr, il faut protéger les jeunes et lutter contre la consommation excessive d’alcool, mais il serait dommage que la bière soit mise sur le même plan que le tabac. Il faut apprécier et déguster nos belles bières, tout comme le vin. Comment déguster un verre de bière à la fin de la semaine de travail sans culpabiliser ? Cela devrait être possible.