Après son déplacement à Mayotte et Djibouti, Emmanuel Macron arrive ce samedi en Ethiopie pour un deuxième voyage après celui de 2019. Le président vient notamment inaugurer l’ancien palais de l’empereur Haïlé Sélassié qui a été rénové grâce à une aide française de 25 millions d’euros. .
Emmanuel Macron arrive à Addis-Abeba en pleine polémique autour d’un mystérieux stock de 400 kilos d’or qui a été transféré de l’ancien palais impérial à la Banque centrale dans des circonstances floues. Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed l’a annoncé en octobre 2024, sans donner de détails. L’opposition et les défenseurs du patrimoine s’inquiètent car ils ont de bonnes raisons de croire que ces 400 kilos de métal précieux ne sont pas des lingots d’or mais l’ancien trésor du palais impérial.
« La peur que ce trésor ne fonde »
“Les Éthiopiens dont la famille travaillait au palais pensent qu’il s’agit du trésor d’Haïlé Sélassié : des orfèvreries, des bijoux et des statues dorées, dont celles de lions, symboles du Négus éthiopien”, explique Charlotte Touati, chercheuse en histoire du christianisme ancien à l’Université de Lausanne (Suisse). “Ce qui serait dramatique, c’est que ces objets patrimoniaux inestimables soient vendus ou fondus pour récupérer de l’or au prix actuel de 32 millions d’euros”, ajoute l’historien. L’Enat, l’un des partis d’opposition, exprime ses craintes : « Notre histoire façonne aujourd’hui notre identité. L’Éthiopie ne devrait pas être un pays dépourvu d’histoire, de vestiges historiques ou de patrimoine. »
Charlotte Touati espère qu’Emmanuel Macron abordera la question avec le Premier ministre éthiopien. “En tant que partie prenante de la rénovation, il serait intéressant que le président ou la diplomatie française demande des garanties car ces 400 kilos d’or font partie de l’histoire et du patrimoine éthiopien”, estime l’historien. Contactée, l’Élysée n’a pas répondu à nos questions.
“Une réécriture de l’histoire”
La brève visite du président français intervient au moment où l’Éthiopie est en proie à une nouvelle guerre civile, deux ans après la fin du conflit au Tigré qui a fait plus de 500 000 morts et de nombreuses victimes de viols bénéficiant d’un programme de soutien financé par la France. . Abiy Ahmed a été critiqué pour sa responsabilité dans la guerre du Tigré alors qu’il venait de recevoir le prix Nobel de la paix 2019.
Le nouveau conflit oppose le gouvernement fédéral aux milices de l’ethnie Amhara, ses anciens alliés dans la guerre du Tigré. « Abiy Ahmed s’en prend au patrimoine Amhara qui incarne le règne de l’empereur Haïlé Sélassié, lui-même Amhara. Le transfert des 400 kilos d’or s’inscrit dans une sorte de réécriture de l’histoire. Le Premier ministre cherche à récupérer une partie du mythe impérial », affirme Charlotte Touati.
La guerre dans le nord de l’Ethiopie retarde le projet de restauration des églises rupestres de Lalibela, la ville sainte orthodoxe classée au patrimoine mondial où Emmanuel Macron avait annoncé une aide de cinq millions d’euros en 2019. Les combats y font rage aujourd’hui.