« Crise sécuritaire et désinformation : renforcer l’esprit critique des internautes burkinabè » ; C’est sur ce thème que l’Association des blogueurs du Burkina (ABB) a animé, jeudi 12 décembre 2024, un « dialogue numérique », à son siège à Ouagadougou. Ce dialogue a réuni, entre autres, ses membres, des utilisateurs des réseaux sociaux et des journalistes.
L’initiative, qui s’inscrit dans son projet « Promotion de l’éducation citoyenne et numérique pour une meilleure expression de la démocratie et un renforcement de la cohésion sociale », vise à construire un espace numérique libre de discours de haine, de divisions et axé avant tout sur un esprit de la paix et la cohésion sociale.
Pour atteindre les objectifs, ce « dialogue numérique » s’est déroulé en deux phases. Il s’agit d’une communication sur le thème, délivrée par le journaliste et analyste, Boukari Ouoba, également secrétaire général de l’Association des journalistes du Burkina. Son intervention a été suivie d’échanges avec les participants, modérés par le chargé de communication d’ABB, Séverin Ouédraogo.
Dans sa démarche, Boukari Ouoba a d’abord présenté le contexte national de la crise sécuritaire, qui met en lumière les enjeux liés à la désinformation. La désinformation s’entend, précise-t-il au passage, comme un ensemble de pratiques et de techniques de communication dont le but est d’influencer l’opinion publique par la diffusion volontaire d’informations fausses ou biaisées.
Selon M. Ouoba, il n’y a pas de désinformation là où il n’y a pas d’information. « Malheureusement, les gens voient simplement la désinformation, sans fournir l’information. On se rend compte qu’ils ne combattent pas la désinformation, ils combattent seulement les informations qui ne leur conviennent pas », souligne-t-il, soulignant que la période du covid-19 a par exemple été propice à une telle réalité.
Le communicateur a ensuite révélé que la manipulation s’opère à travers les concepts qui entourent la désinformation, comme l’infobésité, les fausses nouvelles, la désinformation, etc. avant de souligner qu’elle se manifeste également à travers divers canaux. et techniques. « Nous avons vu récemment le service de communication de la Présidence du Faso publier un communiqué pour attirer l’attention du public sur les fausses informations qui circulent au nom du chef de l’Etat. Vous trouverez également des comptes qui portent des noms de célébrités, de stars, etc. », détecte Boukari Ouoba.
Face à un tel environnement, le communicant recommande à chaque internaute de cultiver le doute systématique. « Rien n’est sûr d’avance ; il faut douter de ce qui paraît évident. Il est aujourd’hui crucial de trier, traiter et contextualiser l’information avant de la diffuser ou de la consommer. Cette approche est essentielle pour préserver la cohésion sociale », invite Boukari Ouoba.
« Nous ne sommes pas obligés de partager ce qui est publié. (…). Quand on regarde, la plupart des fausses nouvelles sont des captures d’écran, ce qui enlève du reste aux informations (pas de dates, pas de contexte, pas de sources, etc.). Ce sont ces éléments que les gens véhiculent en groupe, sans prendre le soin de vérifier ni même d’analyser. (…). C’est en cela que le journaliste se distingue des autres qui publient sur Internet. Un journaliste doute de tout, il n’y a aucune preuve. Non seulement il cherche la source, mais il ne se contente pas non plus d’une seule ; il effectue ce qu’on appelle un recoupement des sources. Il trie et traite ensuite avant diffusion. Il peut même arriver qu’il ne diffuse pas les informations dont il dispose, même si elles sont vérifiées », dit-il avant de souligner que la vérification des informations a toujours été l’un des principes du travail du journaliste, et pas seulement en - de crise.
« Quand on dit qu’en - de crise, les journalistes ne doivent pas tout publier, en réalité, cela ne veut absolument rien dire ; car, même en - normal, les journalistes ne publient pas tout », souligne le secrétaire général de l’Association des journalistes du Burkina.
Il souligne que la confusion entre les journalistes et tous ceux qui publient sur internet est récurrente dans l’opinion publique. D’où la nécessité, estime-t-il aussi, d’une éducation aux médias des populations. « Nous aurions économisé beaucoup d’énergie et aurions évité de suspendre les médias. Si les gens ont du discernement, ils peuvent même utiliser à bon escient les informations incriminées données par les médias », estime Boukari Ouoba.
Il estime également que l’État burkinabè aurait pu créer, dès le déclenchement de la crise, un média spécialement dédié à la communication de guerre, avec tout ce que cela implique en termes de programmes favorisant la collaboration entre les forces de défense. et la sécurité et les populations. Toujours dans une vision de former le citoyen burkinabè de demain à travers ses propres valeurs, une chaîne de télévision spécialement dédiée aux enfants pourrait voir le jour, avec des programmes conçus à cet effet.
Sa communication a été suivie de nombreuses réactions, notamment de commentaires et de questions de clarification. Une phase au cours de laquelle les participants ont également démontré la pertinence de cette initiative de « dialogue numérique » de l’Association des Blogueurs du Burkina (ABB) et de ses partenaires et ont donc souhaité qu’elle se poursuive et s’agrandisse. à plus de publics.
Selon les intervenants, de telles communications visant à sensibiliser sont d’autant plus importantes que même l’histoire du Burkina, y compris celle dont elles sont contemporaines, est souvent falsifiée, notamment sur les réseaux sociaux par des témoins. Ce qui ne rend pas service à la jeunesse et au pays.
Un motif de satisfaction donc pour le chef de projet/ABB, Moussa Diallo, pour qui, à travers ce « dialogue numérique », il s’agissait de fournir les rudiments d’analyse et de discernement aux utilisateurs des réseaux sociaux dans un contexte de fragilité à tous les niveaux. . Des initiatives, comme le fact-checking, contribuent également à cette prise de conscience et donc à la construction d’un espace numérique porteur de messages de tolérance, de cohésion, de paix et de développement.
C’est pourquoi, pour le président du conseil d’administration de l’ABB, Gabriel Kambou, chacun doit, à son niveau, jouer son rôle dans la lutte contre la désinformation, en adoptant un comportement responsable sur les réseaux sociaux et en cultivant un esprit de rigueur.
Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net