“Je rêvais d’être artiste pour échapper à mon destin”

“Je rêvais d’être artiste pour échapper à mon destin”
“Je rêvais d’être artiste pour échapper à mon destin”

Si Marisa Paredes, décédée mardi 17 décembre 2024 à l’âge de 78 ans, était une femme toujours souriante, elle était aussi habitée par une certaine gravité. « Il y a une partie noire en moi depuis que je suis petite. Même à l’époque, je ne comprenais pas pourquoi nous, qui étions des gens ordinaires, devions travailler autant alors que beaucoup en avaient trop, j’étais révolté. En fait, j’ai eu envie d’être avocat à un moment donné pour unir justice et théâtre. »

C’est un film particulièrement tragique qui a donné le goût du cinéma à celle qui s’est d’abord fait connaître par son interprétation de grands textes de théâtre (Tolstoï, Tchekhov, Ibsen, etc.) : prison de cristalun long métrage racontant comment un bourreau pédophile nazi s’est retrouvé en proie à l’une de ses anciennes victimes. Marisa Paredes nous en a parlé lors d’une longue interview accordée à La Nouvelle République.

“Avant, seul le théâtre m’intéressait”

C’était à l’occasion d’un hommage que lui rendait le Festival du Film Méditerranéen de Montpellier il y a une dizaine d’années. “C’est de prison de cristal d’Agustí Villaronga que j’ai commencé à me dire que je pouvais faire de bonnes choses au cinéma. Avant, pour moi, seuls les textes m’intéressaient et donc le théâtre, que ce soit sur scène ou à la télé car la télé espagnole diffusait beaucoup de théâtre. »

Même si elle a été modiste, Marisa Paredes a rêvé de devenir artiste dès son plus jeune âge. « Dès l’âge de 5 ans, je m’habillais constamment. Je m’enveloppais dans des rideaux et disais : « Je suis la reine ». » Je rêvais d’être artiste, danseuse, tout sauf quelque chose pour échapper à mon destin. Dans mon quartier, la place Santa Ana à Madrid, il y avait plusieurs théâtres et je jouais au tag perché sous la statue de Calderón. Un jour, je l’ai regardé et j’ai eu l’impression qu’il me disait : “Il faut être actrice.”

C’est Pedro Almodóvar qui, avec six films (Dans les ténèbres, les talons aiguilles, la fleur de mon secret, tout sur ma mère, parle-lui et le dernier, La peau dans laquelle je vis) lui offrira une carrière internationale. Un tournage pas toujours évident : «Quand nous avons filmé Dans l’obscuritéon s’est bien amusé, c’était plein de joie. DepuisAttache-moiil commença à être admiré dans le monde entier, on attendait beaucoup de lui. Et lui-même était devenu plus exigeant. Il pouvait être dur parce qu’il fallait lui donner exactement ce qu’il avait en tête, il n’était jamais content. Cela pourrait créer de l’anxiété chez les actrices mais je me souviens que sur Talons aiguilles, Victoria Abril m’a dit qu’il ne fallait pas avoir peur. En revanche, lorsqu’il avait ce qu’il voulait, cela se voyait immédiatement dans ses yeux. »

Marcello Mastroianni, Madrid, littérature française

Lors de cette interview, elle s’est également souvenue du tournage de Trois vies et un mort par Raul Ruiz qui lui a offert l’opportunité de travailler avec Marcello Mastroianni. C’était le dernier film de l’acteur. “C’était un rêve!” Quand je suis arrivé à Paris pour le tournage, il m’a laissé un mot pour s’excuser de ne pas être là, il était fatigué. Il n’a pas pu tourner longtemps à cause d’une maladie. Il voulait être seul mais à un moment donné j’ai voulu lui dire combien je l’aimais et l’admirais et il m’a répondu : « Je ne vois pas pourquoi ! » »

Amoureux de la vie et de son métier (“La vie est absolument tout, c’est le plus important, mais le métier donne la possibilité d’exprimer beaucoup plus de choses que dans une vie ordinaire et ensuite on peut donner aux autres”), Marisa Paredes aimait aussi sa ville de Madrid : “Le musée Reina Sofia, la Fondation Thyssen ou encore le quartier de Los Austrias qui est très bohème, intéressant, avec beaucoup de jeunes.”

Marisa Paredes était également une grande admiratrice de la littérature française. «Je l’ai découvert grâce au magazine Bague Ibérique qui fut publié à Paris et qui eut pour nous une grande importance quand j’étais jeune. Il offrait un regard différent sur l’Espagne. C’est grâce à elle que j’ai découvert Simone de Beauvoir mais surtout L’étranger par Camus ce qui était totalement interdit dans notre pays. »

Nous avons enfin évoqué sa grande fierté (entre éclats de rire car elle avait oublié la combinaison du cadenas sur sa valise) d’avoir été nommé officier des et des Lettres par la à l’ambassade de Madrid et d’avoir protesté contre la guerre en Irak. lors de son mandat de présidente de l’Académie espagnole du cinéma, titre qu’elle a occupé de 2000 à 2003. « Mais je vous avoue que j’ai été un peu effrayé par la virulence de la réaction de la droite et de l’extrême droite. Je ne m’y attendais pas. »

En soixante-quinze films et de nombreuses pièces de théâtre, Marisa Paredes a marqué le cinéma mondial de son empreinte. Elle est désormais devenue une légende.

 
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