Dingo, espiègle, mais tout au service, au fond, de son petit mari : « My Beloved Witch », pétillante sitcom des années 1960, était à la fois progressiste et conservatrice. Le revoir sur la plateforme de l’INA est instructif… et un peu tendu.
By Isabelle Poitte
Publié le 17 décembre 2024 à 18h00
UDans un générique animé et une mélodie sautante reconnaissable entre mille, et hop, voici la malicieuse Samantha qui virevolte sur son balai dans un ciel étoilé… Et finit par atterrir en chair et en os dans une villa coquette de la banlieue américaine. Sorcière et fée de la maison : tel est le double chapeau de Madame Stephens, épouse dévouée de Jean-Pierre (Darrin en VO) et pétillante mère de famille qui résout les soucis du quotidien en agitant le bout de son nez… Revoir Ma sorcière bien-aiméedont les cinq premières saisons sont disponibles en version colorisée sur Madelen, la plateforme de l’INA, est un voyage dans le - au cœur de l’Amérique blanche des années 60. Où l’on comprend ce qui a fait le succès de la sitcom, diffusée sur ABC entre 1964 et 1972 (et diffusée à plusieurs reprises en France) : une actrice irrésistible (Elizabeth Montgomery), des gags éclatés et des effets spéciaux de croquignolet dignes d’une boutique de farces et astuces… La sitcom était pour le public américain autant un miroir qu’une bulle de fantaisie dans un contexte social sombre marqué par la guerre du Vietman.
Parmi les séries emblématiques des Trente Glorieuses, Ma sorcière bien-aimée occupe une place particulière dans la mémoire collective : d’abord en raison de sa longévité (pas moins de 254 épisodes), mais aussi et surtout parce qu’elle reste perçue comme une fiction féministe, au point de faire l’objet de nombreuses études universitaires à travers le monde. l’Atlantique. Pour la première fois sur le petit écran, une comédie grand public questionne la condition des femmes au foyer. Un exemple ? Dans l’épisode 2 de la première saison, on découvre Samantha en train de préparer le petit-déjeuner. La mission tourne au fiasco : toasts brûlés, jus d’orange renversé, café épouvantable… Pas douée en cuisine, l’épouse dévouée recourt à la magie pour présenter une table éblouissante. La série se moque des injonctions excessives qui pèsent sur le “bonne petite femme au foyer moyenne”, comme le dit la voix off, ordonné d’être parfait. Dans quel but ? La séquence se termine sur la satisfaction du mari, prêt pour une journée productive au bureau. Autre exemple : lors d’un cocktail, la jeune épouse transforme un client de son mari en chien très coquet avec elle. Jean-Pierre panique : “Tu es juste ma femme, c’est ma situation!” »…
Évidemment Ma sorcière bien-aimée n’a jamais prétendu ébranler les fondements du patriarcat (n’anticipons pas). Mais elle a sans doute initié une prise de conscience de l’aliénation de la femme assignée au foyer, tel un bonbon piégé. De manière subtile, Samantha incarne une forme de contestation de l’autorité du mari, usant et abusant des sortilèges malgré leur interdiction. Impossible pour elle de réprimer son pouvoir naturel. Dans cette affaire, rien ne vaut le courage d’Endora, la mère de Samantha, une sorcière surmaquillée qui surgit à sa guise pour détruire le mode de vie de sa fille et tourmenter ce Jean-Pierre maladroit… Autant dire que Ma sorcière bien-aimée mérite d’être revu pour ce qu’il est : un fascinant objet d’ambivalence, oscillant entre progressisme et conservatisme, comme le feront plus tard d’autres comédies conjugales, et notamment Femmes au foyer désespérées.
q Ma sorcière bien-aiméesaison 1 à 5 disponible sur Madelen.
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