Un article publié dans Le Défi Quotidien du 5 décembre 2024 met en avant « la situation financière désastreuse » et « l’instabilité et les dysfonctionnements » dans laquelle se trouve actuellement la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC). Si cet article évoque des dates clés – notamment 2013, 2019, 2020, 2021 et 2022 – pour tenter d’expliquer l’effondrement de la MBC, il passe sans le savoir sur la période 2016-2017, marquée par une volonté manifeste de redressement financier et organisationnel. Pour bien comprendre la trajectoire du MBC, certaines informations et certains faits ne peuvent être omis, afin d’éviter les amalgames et les interprétations biaisées, et ainsi permettre une analyse véritablement objective.
Lorsque j’ai été nommé directeur général en mai 2016 par le Premier ministre de l’époque, feu Sir Anerood Jugnauth, MBC était au bord de l’effondrement financier, avec une dette colossale d’environ huit cent cinquante millions de roupies. Fin mars 2017, la dette avait été réduite à moins de Rs 200 millions, soit une réduction de plus de 75 %, grâce à une stratégie claire et des mesures réfléchies et courageuses. Ces résultats ont été obtenus grâce à mes négociations diplomatiques réussies, à un contrôle rigoureux des coûts, à une augmentation des revenus publicitaires et des frais de licence, ainsi qu’à des partenariats stratégiques avec des opérateurs internationaux.
Une négociation diplomatique décisive
Dans un contexte où chaque roupie comptait, j’ai personnellement négocié avec l’ambassadeur de Chine à Maurice pour obtenir l’annulation d’une dette de 400 millions de roupies contractée auprès de partenaires chinois. Cette collaboration exemplaire mérite une reconnaissance particulière pour la compréhension de l’ambassadeur chinois, qui a contribué à alléger considérablement le fardeau financier de la MBC, permettant ainsi de concentrer les ressources sur les priorités stratégiques.
Une stratégie ambitieuse pour réinventer le MBC
Loin de me contenter de stabiliser les finances, j’ai initié une profonde transformation du « business model » de la MBC. Cette stratégie, mise en œuvre en juin 2016, visait à faire du MBC :
- Au plus près des téléspectateurs, des auditeurs, des internautes et des Mauriciens, tant à Maurice qu’à l’étranger.
- Plus compétitif face à la concurrence locale et internationale.
- Plus agile face aux avancées technologiques et aux changements constants de l’industrie des médias.
- Plus solide financièrement.
- Plus efficace et efficiente dans l’exercice de ses missions de service public.
Des résultats concrets et mesurables
Les principaux piliers de cette transformation comprenaient :
- Moderniser l’identité visuelle et les grilles de programmation
- Augmentation des programmes locaux sur MBC1, passant de 13% en mai 2016 à 70% en avril 2017. L’objectif premier était de permettre une meilleure expression des Talents mauriciens.
- Lancement de nouvelles émissions : Bonjour Maurice, La Quotidienne, Business Connect, MBC à 13h, Friday Night entre autres.
- Augmentation du pourcentage de programmes locaux sur la chaîne Sports 11 les samedis et dimanches, de 5% en mai 2016 à 50% en avril 2017, avec des matchs locaux de football et de boxe et une couverture accrue et continue des événements sportifs
- Augmentation des programmes locaux et du nombre de films diffusés par semaine sur les chaînes MBC Bhojpuri, MBC Chinese, MBC Marathi, MBC Tamil, MBC Telugu et Senn Kreol.
- Multiplication par trois du nombre de programmes produits en extérieur, hors studio.
- Un journal télévisé plus représentatif.
- Diversification des sources de revenus et réduction des coûts
- Développement d’une approche multiplateforme englobant la télévision, la radio, le web et les réseaux sociaux.
- Augmentation de plus de 16% des revenus mensuels issus des redevances.
- Augmentation de 10% des recettes publicitaires pour l’exercice 2016/2017 par rapport à 2015/2016.
- Exercice drastique de réduction des coûts : acquisitions de films, électricité, missions à l’étranger, transports, etc.
- Un choix de partenariats plus réfléchi et judicieux.
- Une présence digitale renforcée
- Lancement de l’application mobile MBC Play.
- Croissance organique de 1 200% du nombre de followers sur Facebook.
- Amélioration de la qualité de la télévision numérique, terrestre et en ligne.
- Une réorganisation interne
- Élaboration minutieuse de propositions pour convaincre le Pay Research Bureau. Un travail acharné a été mené pendant trois mois pour défendre le dossier auprès du syndicat, en vue de mettre en œuvre les recommandations du PRB, pour un coût d’une cinquantaine de millions de roupies, et restaurer ainsi la confiance au sein de l’organisation. .
- Redéploiement « en douceur » d’une centaine de salariés.
- Création de nouvelles unités pour mieux répondre aux nouveaux enjeux liés à la transformation numérique (unité commerciale, unité multimédia, unité de reportage d’investigation, unité sportive, unité de programmes d’affaires, unité de packaging, entre autres)
Je tiens à remercier toutes les équipes de MBC qui ont travaillé sans relâche pour accompagner cette transformation et permettre ces résultats, ainsi que nos partenaires locaux et internationaux, sans oublier la diplomatie chinoise qui a cru en notre vision.
Un départ prématuré
Malgré ces résultats prometteurs de retournement de situation et les prémices d’une transformation pour mettre « pleinement la MBC dans l’ère du numérique », mon mandat a été interrompu prématurément. En avril-mai 2017, il m’a en effet été demandé de donner un nouvel élan à MultiCarrier (Mauritius) Ltd (MCML), qui se trouvait également dans une situation technique et financière déplorable, demande à laquelle j’ai accepté.
En effet, compte tenu de mes réalisations, qui ont permis la transformation de la MBC sur le plan technique entre 1986 et 2000, et d’être le premier PDG à avoir créé la MCML en 2002 et piloté, à ce titre, l’implantation des premières radios privées à Maurice et le lancement de la télévision numérique terrestre, il a été jugé que j’étais le mieux placé pour redresser la situation du MCML en mai 2017.
Regard vers l’avenir
J’ai débuté ma carrière professionnelle chez MBC en 1964, où j’ai gravi les échelons et géré de nombreux projets qui ont contribué à transformer le paysage audiovisuel mauricien. Je suis convaincu que cette organisation peut retrouver sa gloire passée et continuer à promouvoir la diversité culturelle de notre nation plurielle. Comme l’a dit l’ingénieur américain Charles Kettering : « Le monde déteste le changement, et pourtant c’est la seule chose qui lui a permis de progresser. »
Fort de son expérience, je ne doute pas que le nouveau directeur général, Alain Gordon-Gentil, saura faire progresser le MBC et redonner ses lettres de noblesse à cette institution. Je lui souhaite plein succès dans sa mission.
Amoordalingum Pather (ancien PDG de MBC), décembre