Chaque après-midi depuis la mi-octobre, c’est comme si l’odeur familière du chocolat chaud s’échappait de nos écrans de télévision. Envahis par des flocons de neige, illuminés par des lumières clignotantes rouges et vertes, téléportés dans une petite ville américaine… Diffusés sur TF1, TMC, W9 ou NRJ12, les téléfilms de Noël racontent sans relâche les aventures de protagonistes interchangeables.
La recette est éprouvée : une jeune femme célibataire et incorrigiblement romantique, d’une trentaine d’années, quitte la grande ville où elle travaille dur pour passer les vacances en famille dans la ville de l’Amérique profonde où elle a grandi. Par hasard, elle y rencontre un ami d’enfance, rencontre un jeune père veuf et s’éprend d’un éleveur local (rayer la mention inutile). Tout les oppose, leur relation semble impossible, jusqu’à ce que la magie de Noël opère… Ils s’embrassent alors sous le gui et vivent heureux jusqu’à la fin du film.
Dès la mi-octobre, Noël sur le petit écran
Résolument mièvres et dénuées de suspense, ces œuvres télévisuelles rencontrent néanmoins un succès incontestable. Le lundi 14 octobre Mon conte de fées de Noël a attiré 1,20 million de Français, soit 21,5% du public selon Médiamétrie, plaçant sa chaîne TF1 en tête des audiences ce jour-là. Et selon Julie Escurignan, chercheuse spécialisée dans les industries culturelles, c’est justement leur prévisibilité qui fait que ces films sont plébiscités par les spectateurs.
“Depuis vingt ans qu’ils ont envahi nos écrans, ils sont devenus un incontournable des saisons, commence le chercheur. On y revient car ils ne sont ni violents ni clivants, ils s’adressent à toute la famille et s’appuient sur des valeurs universelles de solidarité et d’amour. » De bons sentiments que “ça sent le sucre”, décrit avec joie Mélanie Toubeau, qui anime la chaîne YouTube « La mania du cinéma ». Fan du genre depuis l’enfance, elle décrit un sentiment de « confort et déconnexion » quand elle les regarde, une couverture sur les genoux et des biscuits parfumés à la cannelle à portée de main.
Une absence de suspense réconfortante
La psychiatre Marine Colombel (1) explique que “Connaître la fin, savoir qu’elle est positive, libère de la dopamine, l’hormone de la récompense.” Elle ajoute que « L’ambiance festive qui caractérise tous les téléfilms de Noël nous ramène en enfance, nous l’associons dans notre imaginaire à une forme de joie et surtout de simplicité ». Une bulle de sécurité dans laquelle il n’y a ni politique, ni guerre, ni pauvreté, qui sévit à l’extérieur.
De ce rendez-vous saisonnier, un acteur en particulier en a fait son affaire. A l’origine chaîne de télévision chrétienne américaine, au moins jusqu’à la fin des années 1990, Hallmark Channel s’est convertie au début des années 2000 à la production de comédies romantiques en quantité industrielle : plus de 400 téléfilms de Noël, dont 42 rien qu’en 2023 ! Des productions qui s’exportent ainsi que les fameuses cartes de vœux vendues par la même société à travers le monde, et particulièrement en France. C’est donc logiquement la représentation d’un « Noël anglo-saxon, très festif et traditionnel, qui véhicule souvent un message conservateur » que nos chaînes privées diffusent à l’approche des vacances, décrit Julie Escurignan.
Après le cinéma et la télévision, les plateformes de streaming entrent dans la danse
La chaîne américaine n’est cependant plus seule sur ce marché. Né au cinéma – le célèbre Maman, j’ai raté l’avion, Les vacances ou L’amour en fait sont désormais cultes – avant d’arriver sur le petit écran, le filon est désormais exploité par les plateformes de streaming. Netflix, surtout, qui «modernise le genre, assume d’autres valeurs que celles de Hallmark, mise davantage sur la diversité et développe la production ailleurs qu’en Amérique du Nord, notamment dans les pays nordiques », décrypte Julie Escurignan.
Une offre plus diversifiée apparaît ainsi, qui met en avant d’autres traditions. Des héros plus attachants aussi, qui donnent lieu à des séquelles. Reste cependant l’indispensable happy end. Et dans les productions les plus récentes comme dans les plus anciennes, un invariable : le personnage principal est la magie de Noël.
(1) Sortez des ruminations mentalesMarabout, 2024, 256 p., €7.50.
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productions françaises
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Père Noël à la maisonde Manu Joucla, 2024: Enzo, livreur à domicile, doit partir en tournée de cadeaux dans la capitale déguisé en Père Noël. Il avait pourtant promis à sa famille d’être présente pour une fois… Sur la plateforme M6+.
Le coup de foudre à Noëlby Arnauld Mercadier, 2017: Charlotte Marton, administratrice judiciaire déçue par la vie, doit fermer en Suède une entreprise française dirigée par Martial, un chef d’entreprise qui lui fait découvrir l’esprit de Noël. Sur la plateforme TF1+.