(Saint-Denis de la Réunion) Plusieurs centaines, voire milliers de morts : les autorités craignent un très lourd bilan humain à Mayotte, département le plus pauvre de France dévasté par le cyclone Désiroù les services d’urgence ont été renforcés dimanche par pont aérien.
Mis à jour hier à 16h17
Jéromine DOUX
Agence France-Presse
“Je pense qu’il y aura certainement plusieurs centaines, peut-être qu’on approchera le millier, voire quelques milliers” de morts compte tenu de la “violence” du cyclone, a déclaré le préfet de Mayotte François-Xavier Bieuville sur la chaîne publique Mayotte 1concernant.
Mais il sera “très difficile d’avoir un bilan définitif” étant donné que la tradition musulmane, très ancrée dans le petit archipel de l’océan Indien, veut que le défunt soit enterré “dans les 24 heures”, a précisé le représentant de l’Etat.
Par ailleurs, la population clandestine de Mayotte dépasse les 100 000 personnes selon le ministère de l’Intérieur – sur quelque 320 000 habitants officiellement recensés – ce qui rend improbable un décompte exhaustif des décès.
En tête d’un pont aérien et maritime organisé depuis l’île de la Réunion, territoire français distant de 1 400 km à vol d’oiseau, les premiers avions transportant du matériel et du personnel de secours et médical ont atterri dimanche à Mayotte.
Les ministres démissionnaires de l’Intérieur et de l’Outre-mer, Bruno Retailleau et François-Noël Buffet, sont attendus à Mayotte lundi en fin de matinée, tout comme leur collègue de la Francophonie Thani Mohamed-Soilihi, originaire de l’archipel. Par la voix de sa présidente Ursula von der Leyen, la Commission européenne s’est dite « prête à apporter son soutien dans les jours à venir ».
Le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a assuré à X que son organisation était « prête à soutenir la population ».
“Nous craignons que les besoins soient immenses”, a réagi Jagan Chapagain, de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), évoquant la mobilisation de la Croix-Rouge française sur place.
Une course contre la montre a commencé pour apporter de l’aide et rétablir l’approvisionnement en eau, nourriture et électricité dans de nombreuses régions qui en étaient encore privées dimanche. Des files d’attente s’étirent devant les supermarchés.
“Carnage”
Quelque 1 600 policiers et gendarmes sont mobilisés sur le terrain, notamment pour « éviter les pillages », a indiqué le préfet.
Avec des rafales de vent observées à plus de 220 km/h, le cyclone Désirla plus intense à avoir frappé le territoire d’outre-mer depuis plus de 90 ans, a fait des ravages samedi.
Les bidonvilles très peuplés de Mayotte ont été « entièrement détruits », selon les autorités.
Même les bâtiments permanents ont subi de graves dommages. «C’est un carnage. Le tribunal, la préfecture, de nombreux services, des commerces, des écoles sont sur le terrain”, a expliqué à l’AFP Ousseni Balahachi, un infirmier à la retraite.
« L’hôpital est touché, les écoles sont touchées. Les maisons sont totalement dévastées. Le phénomène n’a rien épargné sur son passage”, a décrit à l’AFP le maire de Mamoudzou Ambdilwahedou Soumaila. “Nous espérons toujours retrouver des survivants dans les décombres”, a ajouté plus tard l’édile sur BFMTV.
Les cabanes ont été détruites, les toits de tôle ondulée se sont envolés, les poteaux électriques sont tombés au sol, les arbres et les bambous ont été brisés… La plupart des routes sont impraticables, les communications extrêmement difficiles.
De nombreux sans-papiers vivant dans les bidonvilles n’avaient pas rejoint les centres d’accueil mis en place par la préfecture, « pensant que ce serait un piège qu’on leur tendait ». […] pour les récupérer et les emmener hors des frontières », selon l’ex-infirmier Ousseni Balahachi.
« Ces gens sont restés jusqu’à la dernière minute. Lorsqu’ils ont vu l’intensité du phénomène, ils ont commencé à paniquer, cherchant un endroit où se réfugier. Mais il était déjà trop tard, les draps commençaient à s’envoler”, a-t-il regretté.
Le Pape solidaire
En visite dimanche en Corse, le pape François a déclaré soutenir “en esprit” les victimes de cette “tragédie”. En rencontrant le chef de l’Église catholique à l’aéroport d’Ajaccio, le président Emmanuel Macron a promis d’« agir » pour les Mahorais.
La députée de Mayotte Estelle Youssuffa a appelé l’Etat à décréter l’état d’urgence pour “protéger les personnes et les biens”.
Poursuivant sa course, le cyclone Désir a frappé le nord du Mozambique dimanche matin. Au moins trois personnes ont été tuées dimanche dans le nord du Mozambique lors du cyclone, qui a provoqué des vents violents et des pluies torrentielles qui ont également détruit plusieurs bâtiments, selon un bilan provisoire.
Désir devait ensuite atteindre le Malawi d’ici lundi, apportant des précipitations importantes dans ce pays frappé par la sécheresse.
Le Zimbabwe a également émis un avertissement concernant les fortes pluies associées au cyclone.