“C’est une histoire qui a déraillé dans de nombreux endroits.” – .

“C’est une histoire qui a déraillé dans de nombreux endroits.” – .
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Un documentaire exigeant, intitulé Outreau, un cauchemar français, sur Netflix, revient sur une affaire judiciaire qui a marqué la France, mêlant vrais drames et faux réseaux de trafic d’enfants. Les producteurs Élodie Polo Ackermann et Jean-Paul Geronimi reviennent sur la genèse du projet.

Ils ont rencontré la plupart des acteurs de cette histoire toujours aussi extraordinaire vingt-trois ans plus tard. Les producteurs Élodie Polo Ackermann et Jean-Paul Geronimi se sont penchés sur l’affaire Outreau pour Netflix. Ils ont réalisé un documentaire détaillé, minutieux et époustouflant, en quatre épisodes, Outreau, un cauchemar français, mis en ligne le 15 mars. Outreau, avant d’être le nom d’un fiasco judiciaire, est celui d’une banlieue de Boulogne-sur-Mer. C’est là, précisément à la Tour du Renard, un immeuble des HLM, que quatre enfants ont été victimes de viols de la part de leurs parents Myriam Badaoui et Frank Delay et d’un couple de voisins, Aurélie Grenon et David Delplanque. Ces petits garçons, alors âgés de 4 à 10 ans, ont commencé à désigner, outre les véritables coupables, des personnes de leur entourage ou des personnes dont ils avaient entendu parler, comme étant également des pédophiles. Leur mère, Myriam Badaoui, mythomane certifiée, a corroboré leurs accusations et a même ajouté de nouvelles histoires. Petit à petit, le jeune juge Burgaud, alors en charge du dossier, se met à enquêter sur un supposé réseau pédophile entre la France et la Belgique. Au total, treize personnes ont été emprisonnées, parfois jusqu’à trois ans, avant d’être disculpées au terme de deux procès marquants dans l’histoire judiciaire française.

Madame Figaro .– Pourquoi avez-vous voulu revenir sur l’affaire Outreau ?

Jean-Paul Géronimi.– L’affaire Outreau a une dimension sociétale dans ce qu’elle dit implicitement sur le système judiciaire français ou sur le recueil de la parole des enfants, sujets qui sont au cœur des débats d’aujourd’hui. Il est donc intéressant de regarder cette histoire vingt ans plus tard.

Élodie Polo Ackermann.– Avec Jean-Paul, ce n’est pas la première fois que nous traitons de dossiers majeurs qui ont intéressé et marqué la société française. Nous avons notamment produit la série documentaire sur le meurtre non résolu du petit Grégory (Grégory), ou encore l’histoire de Florence Cassez (Désigné coupable : l’affaire Florence Cassez), une Française emprisonnée au Mexique pour trafic de drogue. Nous aimons dérouler ces histoires dans leur complexité dans des formats longs qui laissent place à la subtilité.

Vingt-trois ans après le début de l’affaire, avez-vous encore appris quelque chose ?

J.-PG– C’est une histoire très compliquée, qui a impacté l’inconscient collectif. Cependant, personne ne s’en souvient précisément. Les gens ne sont capables d’en raconter que des bribes. Cela a été exagéré, il y a de nombreux protagonistes, beaucoup de choses à prendre en compte. Nous avons appris qu’il y a quinze histoires dans l’histoire. On essaie donc, dans le documentaire, de juxtaposer tous les points de vue, ceux des victimes, des acquittés, du juge, des avocats, afin de découvrir tout cela sous un nouvel angle.

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Vous avez réussi à faire parler des personnes impliquées dans le dossier dont on a très peu entendu parler, comme le juge Burgaud qui semble camper sur ses positions. Qu’ont-ils apporté au documentaire ?

EPA– Le juge Burgaud raconte les choses et révèle aussi dans ses non-dits, sa façon de vivre cette histoire. Contrairement à d’autres approches documentaires, nous souhaitons respecter le point de vue de chacun. Sa trajectoire nous a fasciné car elle est clé. C’est ce que dit l’introduction de cette série, ce juge s’est retrouvé avec des millions d’yeux rivés sur lui pour examiner une affaire de justice unique.

J.-PG– Nous avons introduit ces nouveaux « personnages » comme le juge Burgaud, progressivement, puisque le documentaire suit le fil temporel de l’histoire. Nous avons également pu interroger le juge Mondineu-Hederer, président de la cour d’appel de Paris lors du deuxième procès, peu ou pas entendu depuis. Elle retrace de l’intérieur la réouverture du dossier, avec les enjeux énormes pour les acquittés et les victimes.

Quelles précautions avez-vous dû prendre pour aborder ce sujet délicat ?

EPA– Quand on travaille sur des cas comme Outreau ou celui du petit Grégory, on essaie de faire comprendre aux auteurs qu’il ne faut jamais oublier que pour chacun des protagonistes, se joue un drame intime. C’est une forme de prise de risque pour chacun d’eux de s’engager.

Quel a été votre processus de construction du documentaire ?

EPA– Durant le temps de préparation de l’enquête, qui a duré plus de deux ans, nous sommes allés, entre autres, jusqu’à lire des dizaines de milliers de pages d’instruction. Au début du travail on s’est dit que, comme dans un accident d’avion, on allait explorer la boîte noire d’Outreau.

J.-PG– Si nous sommes parvenus à une commission parlementaire, c’est parce que cette histoire a déraillé en de nombreux endroits, il est intéressant de la voir dans ses détails.

Dans l’affaire Outreau, les gens désignés comme des monstres sont soudain devenus des victimes.

Jean-Paul Géronimi, producteur

Pourquoi pensez-vous que cette affaire est toujours aussi fascinante, deux décennies plus tard ?

J.-PG– Il y a plusieurs ingrédients, le côté sordide déjà avec « les monstres », « la tour de l’horreur » pour reprendre ces gros titres de journaux très accrocheurs datant de l’époque des faits. Si l’on regarde en arrière il y a une vingtaine d’années, nous sortions tout juste de l’affaire du pédophile belge Marc Dutroux. Il y avait donc un terrain fertile pour cette histoire en France. Ce qui en fait un fait divers particulier, c’est aussi l’enthousiasme du début et le changement radical de position de l’opinion publique que l’on constate clairement dans la presse. Tout d’un coup, les gens vus comme des monstres sont devenus des victimes, il y a quelque chose de vertigineux.

Avez-vous eu du mal à convaincre les protagonistes de venir témoigner ?

J.-PG– Tout le monde a eu du mal à convaincre pour la simple raison que cette affaire est traumatisante pour chacun d’entre eux. C’est toujours flagrant, même vingt ans plus tard. Ils nous ont fait confiance pour que nous leur parlions comme ils le souhaitaient. Nous faisons appel à l’intelligence du public de Netflix pour pouvoir prendre ce mot, cette histoire et y réfléchir chacun de son côté.

 
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