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Jouer avec le feu : rencontre avec l’équipe du film dramatique

Dans Jouer avec le feuDrame social de Delphine et Muriel Coulin, on retrouve Vincent Lindon élevant seul ses deux fils. Il regarde, impuissant, son fils aîné dériver vers les tendances d’extrême droite. Rencontre avec l’équipe Jouer avec le feu : Stefan Crépon, Delphine and Muriel Coulin.

Habituée des films féministes mettant principalement en scène des femmes (Charlotte Salomon, la jeune fille et la vie, Dix-sept fille), c’est sous un autre angle que les deux réalisatrices, Delphine et Muriel Coulin, dressent un portrait de notre société. En effet, sans perdre leur message habituel, c’est une famille essentiellement masculine que l’on retrouve dans Jouer avec le feu, qui sort en salles ce mercredi. Vincent Lindon (Pierre), cheminot et veuf, élève ses deux fils : Louis (Stefan Crépon) et Fus (Benjamin Voisin). Le premier, brillant en littérature, décroche une place à la Sorbonne, tandis que l’autre stagne dans un IUT de métallurgie.

Jouer avec le feu : un drame social poignant

Ce dernier, prisonnier de sa condition, mais aussi de ce monde ultra-masculin qui l’entoure et auquel il s’identifie, va peu à peu sombrer dans l’endoctrinement de l’extrême droite. Un drame social démontrant les illusions dans lesquelles un être peut se bercer quitte à renier ses valeurs humaines les plus fondamentales. Actualités SFR a pu s’entretenir avec les deux réalisateurs ainsi qu’avec Stefan Crépon, César du meilleur espoir masculin en 2023.

Jouer avec le feu est une adaptation du roman « Ce qu’il faut la nuit » de Laurent Petitmangin, quel est votre rapport à cette œuvre, comment vous a-t-elle inspiré pour réaliser ce film ?

Delphine : Muriel et moi l’avons d’abord découvert séparément, et dès que nous en avons parlé ensemble, nous nous sommes dit que cela recoupait toutes les préoccupations que nous avions du moment. Nous parlions déjà tous les deux de faire un film sur la famille et sur la situation politique en aujourd’hui. Et là, du coup, on a eu l’impression que le film était déjà écrit pour nous ! Alors on a tout de suite voulu l’adapter et tout de suite, on a pensé à Vincent Lindon, tout s’est passé très vite d’un coup.

Murielle : L’alignement des planètes, bien sûr.

De quelle manière avez-vous pu apporter votre touche au livre ?

Murielle : Dans le livre, toute la première partie se déroule à l’hôpital où la vie de la mère est toujours en danger. Dans le film, nous avons décidé de couper cette scène. Nous souhaitions laisser un peu de mystère autour de la maman et apporter des informations par petites touches. Ne pas savoir tout de suite qu’elle était malade, mais l’apprendre petit à petit, l’a fait exister beaucoup plus. Nous avons également ajouté notre touche aux thèmes et aux lieux.

Delphine : On peut citer d’autres scènes qui ne sont pas dans le film. Dans le livre, il y a une bonne partie où les enfants sont plus petits, donc ils auraient dû être joués par d’autres acteurs que Stefan et Benjamin, ce que je ne trouve jamais très réussi au cinéma. Dans un film, je préfère rester avec les mêmes acteurs pendant toute la durée. De même, de nombreuses scènes ne figurent pas dans le livre. Par exemple, la scène des combats de MMA n’existe pas là-bas, ni la scène des grands matchs de football. D’autres scènes ont même été improvisées pendant le tournage : par exemple, la scène où Stefan et Benjamin rient au début dans la cuisine ou la scène du foot dans le jardin.

Dans le film, on plonge dans l’univers des ultras avec Fus, comment avez-vous fait pour rendre cela le plus réaliste possible ?

Delphine : Nous nous sommes documentés, nous avons vu des films et nous avons voyagé. Nous avons découvert les clubs de MMA, un sport apprécié par de nombreux ultras. Nous avons déménagé en banlieue parisienne, dans l’Est, dans des clubs de MMA. Nous avons filmé directement sur place, pour voir à quoi ressemblait l’image. Et plus on enquêtait, plus on se disait que c’était hyper cinématographique. Le résultat fut cette scène de combat clandestin dans une ancienne usine. Un lieu qui n’a pas été choisi au hasard, car une ancienne usine, dès la première image, amène tout un imaginaire socio-économique spécifique.

Pour la scène en question, nous avions 150 figurants et nous avons pu faire un vrai combat de MMA avec les gens que nous avions rencontrés, grâce notamment à Mathieu Nicourt (ndlr : un ancien champion d’Europe de la discipline). Le sang a vraiment saigné, on n’en est pas très fier, mais c’est comme ça. C’est ce qui donne de la crédibilité au film et à notre sujet.

Benjamin Voisin dans le rôle de Fus © Ad Vitam

Stefan est un très bon acteur, mais également proche de Benjamin Voisin, est-ce que cela a joué dans votre choix pour le duo fraternel ?

Delphine : C’est évidemment pour cela que nous les avons convoqués. On a appris qu’ils étaient colocataires et on s’est dit qu’il pouvait y avoir cette complicité, cette tendresse entre eux. Et effectivement, quand on les a vus au casting, il y avait déjà tout ça. Les petits gestes, les regards, des choses qu’on peut réaliser avec deux acteurs qui ne se connaissent pas du tout, bien sûr, mais cela prend du temps et n’a peut-être pas cette ampleur et cette profondeur.

Stéphane : C’est vrai qu’il y a une aisance entre nous, nous n’avons aucune gêne. Nous sommes amis depuis presque dix ans, nous vivons ensemble depuis cinq ans, nous n’avons pas peur de nous toucher, de nous attraper. Tout cela permet une portée de travail beaucoup plus large.

Delphine : Et surtout un plaisir, ça compte évidemment. Personnellement, je ne pourrais pas filmer les gens que je n’aime pas. Là-bas, il y avait un plaisir à filmer ensemble, comme des enfants qui jouaient ensemble. Tout était communicatif, on s’amusait à les regarder, on s’amusait à les voir jouer ensemble.

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Vous parlez de plaisir, de facilité de jeu, mais à l’inverse, n’y a-t-il pas des contraintes, notamment pour les scènes où vous êtes en opposition ?

Stéphane : Non, parce qu’il est plus facile d’aller dans ce sens que dans le contraire : il est plus facile de jouer des scènes de rupture, de fracture, avec quelqu’un qu’on aime beaucoup, que de jouer des scènes d’amour avec quelqu’un qu’on déteste. Cette complicité, cet amour que nous avons l’un pour l’autre, c’est une base de travail très solide, je me sentais très en confiance avec lui.

Le film est un duo de frères, mais aussi un trio familial avec Vincent Lindon. Comment s’est passé le tournage avec ce monument du cinéma français ?

Delphine : Face à Vincent, je pense qu’il était important que Stefan et Benjamin puissent tous les deux se tenir ensemble à certains moments. Car il faut dire que Vincent est toujours aussi impressionnant et aucun d’eux ne l’a connu avant.

Stéphane : Assez ! Forcément, on avait évidemment une certaine appréhension à filmer avec un si grand acteur, voire même de la pression. C’était donc rassurant d’être ensemble, surtout ces premiers jours où on s’entendait généralement bien sur le plateau. Mais Vincent était quand même assez intelligent et élégant, il ne s’opposait pas du tout. Il aurait pu se sentir attaqué par ces deux jeunes qui arrivaient, mais ce n’était pas le cas.

Delphine : De même, entre vous deux, deux acteurs à peu près du même âge jouant ensemble, il y en a peut-être un qui cherche à se cacher ou simplement une jalousie. Et à ma connaissance, il n’y a jamais eu de rivalité sur le plateau.

Ce trio familial est essentiellement masculin, pensez-vous que cela a eu une influence sur les actions de Fus ?

Delphine : Absolument ! Chez les ultras, ce sont des milieux où les valeurs de virilité, de masculinité, de force, sont véritablement au sommet. Lorsque nous avons enquêté, nous avons constaté qu’il y avait quelques filles, mais toujours très peu, nous avons été rapidement pointées du doigt. Je n’ai pas vraiment d’explication et je ne préfère pas en donner, mais c’est vrai que c’est très frappant. Ce sont des milieux où la force, la violence, la virilité sont des valeurs reines.

Murielle : On pouvait y voir une vision très traditionaliste de la femme. La force physique s’expose par rapport à la nuance : l’intelligence n’est pas une valeur mise en avant. Mais d’un autre côté, nous avions toujours à cœur de défendre des femmes avec des personnages certes secondaires, mais qui étaient quand même très présents. Toutes les femmes du film sont des femmes de pouvoir et de savoir, elles sont des exemples. Ils sont là comme s’ils recadraient tout ce monde en plus masculin.

Une des rares scènes sentimentales explicites entre Pierre et ses fils © Ad Vitam

Malgré cet environnement ultra-masculin, on ressent l’amour entre les trois membres de la famille sans qu’il y ait toujours de preuves explicites. Était-ce un défi de mettre en valeur ce sentiment ?

Delphine : Oui, nous voulions que le lien soit très clair et très fort et que ce soit ce qui les maintienne ensemble jusqu’au bout, malgré les désaccords. Muriel et moi n’aimons pas la facilité ni le côté explicite du cinéma. C’est de loin préférable quand tout est non-dit, hors champ. Comme dans la vie, je préfère la pudeur à l’impudeur.

Il était important que la fraternité entre Stéfan et Benjamin se lise dans des petits gestes et non à travers des dialogues un peu trop lourds. Les silences avec le père ont aussi joué un grand rôle. Au tout début, il y a des silences de réconfort, des silences où on se sent bien. Puis, petit à petit, le silence devient celui d’un malaise et d’une inimitié entre père et fils.

Pour finir, pourriez-vous définir le film en quelques mots pour ceux qui ne l’ont pas encore vu ?

Murielle : C’est l’histoire d’un père qui a élevé ses deux garçons de la même manière et l’un va s’éloigner, pendant que l’autre va au contraire s’affirmer.

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Jouer avec le feu est projeté ce mercredi 22 janvier dans les cinémas de toute la France.

 
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