Dans un entretien exclusif accordé à VoxAfrica, Simone Gbagbo, ancienne Première dame de Côte d’Ivoire et désormais candidate à l’élection présidentielle de 2025, revient sur son parcours politique, ses désaccords avec Laurent Gbagbo, et surtout sur la place de la France dans les affaires africaines. . Avec des propos incisifs et des exemples précis, elle dresse un tableau critique des relations historiques entre la France et l’Afrique, qu’elle qualifie d’obstacles à la souveraineté du continent.
Simone Gbagbo commence par évoquer la relation complexe qu’elle entretenait avec son ex-mari, l’ancien président Laurent Gbagbo. « Dans une organisation politique, il y a des choses sur lesquelles on est d’accord et d’autres pas. Quand on n’est pas d’accord, c’est bien de le dire », explique-t-elle pour clarifier les raisons de leur brouille.
L’un des points forts de cet entretien concerne ce qu’elle perçoit comme la plus grosse erreur de Laurent Gbagbo : avoir cédé aux pressions de la communauté internationale. « Dans cette crise en Côte d’Ivoire, le président Gbagbo a été contraint par la communauté internationale d’aller aux élections alors même que la situation n’était pas propice. Il a accepté Alassane Ouattara comme candidat à ces élections. Je dois dire qu’il avait tellement envie de réunifier le pays et de sortir de la guerre qu’il a fini par céder », confie-t-elle.
Interrogée pour savoir si Laurent Gbagbo avait trop cédé, elle a répondu sans détour : « Oui, je pense qu’il a cédé. Mais pouvait-il faire autrement ? Je n’en sais rien. »
France-Afrique, un lourd héritage
Les critiques de Simone Gbagbo à l’égard de la France sont particulièrement virulentes. Lorsqu’on lui demande si la plus grande erreur de Laurent Gbagbo a été de ne pas croire en la France, elle répond sans ambages : « La France n’est pas un bon conseiller en Afrique, ni aujourd’hui ni hier. »
Il décrit un système dans lequel les chefs d’État africains étaient soumis à des pressions insupportables. « Dans nos pays d’Afrique francophone, même l’ordre du jour des conseils des ministres devait être soumis à la France. La France a dicté ce qui devait être traité et comment. Ceux qui refusaient d’exécuter ces directives ont été soit éliminés, soit victimes de coups d’État », accuse-t-elle.
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Simone Gbagbo va plus loin en dénonçant les pratiques contradictoires de certains dirigeants africains, dont Laurent Gbagbo, dans leur relation avec la France. « Par exemple, donner de l’argent à Jacques Chirac. Cela a choqué les Ivoiriens. Cet argent appartient au peuple ivoirien et, dans un pays où tant de gens manquent de tout, donner de telles sommes à un dirigeant étranger semble incompréhensible », concède-t-elle.
-Une réconciliation ivoirienne encore lointaine
Sur le plan national, Simone Gbagbo reste sceptique quant à la réconciliation en Côte d’Ivoire. « La Côte d’Ivoire est très loin d’être réconciliée. […] Durant la crise ivoirienne, nous avons connu des morts et des destructions. Les gens ont tout perdu : leurs biens, leurs positions. Qu’avons-nous fait pour ces gens ? Rien. Il reste beaucoup à faire sur le chantier de la réconciliation», explique-t-elle sérieusement.
Elle critique également le ministère de la Réconciliation, mis en place sous la présidence d’Alassane Ouattara : « Cela n’a finalement servi à rien. Ils ont produit des documents, mais ceux-ci n’ont jamais été formalisés ni mis en œuvre. »
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Une Afrique en quête de souveraineté
Simone Gbagbo salue les initiatives comme l’Alliance des États du Sahel (AES), qui vise à renforcer la souveraineté des pays de la sous-région. Elle estime que la Côte d’Ivoire doit s’inscrire dans cette dynamique si elle souhaite réellement échapper à l’influence franco-africaine. « La Côte d’Ivoire ne peut rester indifférente à ce qui se passe dans la sous-région. Elle a besoin de relations solides avec ses voisins. Il est obligatoire que l’Afrique quitte la France-Afrique. C’est impératif. »
Concernant la montée de nouvelles alliances internationales, elle insiste : « Nous, Africains, ne devons avoir peur de personne, ni la France, ni les États-Unis, ni la Russie, ni la Chine. Nous devons avoir un esprit souverain et défendre nos propres intérêts. La souveraineté commence par la profonde conviction qu’elle est la clé de notre avenir. »
Simone Gbagbo appelle à une redéfinition des priorités africaines, en s’appuyant sur l’émergence des BRICS comme une opportunité pour redistribuer les cartes géopolitiques. « Pendant des décennies, le monde a été dominé par l’Occident. L’émergence des BRICS est une bonne chose, car elle permet de multipolariser le pouvoir et donne aux Africains l’opportunité de renforcer leurs capacités et leur autonomie », conclut-elle.
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