Jean-Marie le Pen décédé. Figure majeure et controversée du Ve République, l’homme qui a remis l’extrême droite au cœur de la politique française est décédé ce mardi 7 janvier à l’âge de 96 ans à Garches (Hauts-de-Seine), “entouré de sa famille”, a indiqué sa famille dans un communiqué de presse. libérer. . Elu député poujadiste à 27 ans sous la IVe République, il lutte contre de Gaulle, Pierre Mendès France, François Mitterrandaura réussi à se qualifier à la surprise générale au second tour de l’élection présidentielle face Jacques Chirac en 2002, avant d’affronter cinq ans plus tard Nicolas Sarkozy. Qui d’autre a atteint une telle longévité ? Le « Menhir » laisse une marque indélébile sur la vie politique avec ses dérives, ses sorties racistes, antisémites ou homophobes. Il a été condamné plus d’une trentaine de fois, notamment pour contestation de crimes contre l’humanité et incitation à la discrimination.
L’histoire de France qu’il a marquée est intimement liée à son histoire personnelle. Pour le numéro de juillet 2015 de Salon de la vanité, Claude Askolovitch s’était justement concentré sur un aspect intime de Jean-Marie Le Pen qui permettait de mieux comprendre l’homme public. L’histoire de sa relation avec ses filles, dont Marine Le Penl’héritière d’une saga familiale hors du commun.
Ce qu’ils étaient prêts à faire pour lui avant, en avons-nous une idée ? Je me souviens d’une scène d’amour d’une fille de Le Pen pour son père. C’était en 2007, à la fin de la campagne présidentielle, aux salons Equinoxe, près de l’Aquaboulevard à Paris, où le déjà vieux diable – 78 ans à l’époque – avait rassemblé les siens pour le premier tour. Une foule déconcertée a connu l’échec : Sarkozy a siphonné les voix du Front national jusqu’à son élimination. Parmi les militants, amis de classe d’un lycéen encore inconnu, Marion Maréchaldansé au son du générique du dessin animé, Capitaine Flamun morceau préféré des jeunes lepénistes. Dans un salon privé, Yann Maréchal, fille cadette de Jean-Marie et mère de Marion, organisatrice de fêtes, une femme maigre aux airs d’oiseau fatigué, s’avance vers un homme massif, noir et barbu, qui défile parmi les VIP. et qui lui répugne. ” Monsieur ? » L’homme la regarde. «Je déteste ce que tu dis. J’ai beaucoup d’amis juifs. Je déteste ce que vous dites sur les Juifs. Mais tu es avec mon père un soir où les choses ne vont pas bien pour lui et je suis venu te serrer la main. » C’est Dieudonné qu’elle a salué ainsi et ceux qui la connaissent savent que ce n’était pas rien. Yann des fêtes et des discothèques, Yann le véliplanchiste du Club Med, Yann le blond de l’Apocalypse, le club branché des jeunes bruns dorés des Feujs et des Arabes, Yann qui aurait aimé être autre chose que l’animateur du fest-noz de l’extrême droite mais qui était ça aussi, faisant des choses par amour filial qui ne lui ressemblaient pas.
Le referait-elle maintenant ? Aurait-elle encore du dégoût pour lui ? Elle a dépassé la cinquantaine et a failli mourir d’un cancer. Elle est en rémission, divorcée, devenue grand-mère – par Marion qui est députée, sa fierté, sa revanche et qui incarne l’avenir prometteur des ultras. Yann est tout ce qui reste d’une famille en lambeaux dont elle est témoin et prisonnière. Elle vit seule (ou presque) encore dans la propriété de Saint-Cloud où se sont déroulées la vie et la dislocation de sa famille, au deuxième étage d’un grand immeuble Second Empire au cœur du Parc de Afficherjuste au-dessus de l’ancien bureau de son père qui offre une vue imprenable sur Paris et où le temps fige souvenirs et ressentiments.
j’ai revu Yann Le Pen au printemps. Elle parlait avec des mots drôles et blessés et ne voulait pas que tout soit dit. Quand elle était petite, elle s’était juré de ne jamais rien faire ni dire qui puisse nuire à sa famille – mais est-ce vraiment une famille ? Yann est l’une des trois filles de Le Pen et la dernière à partir. Cela fait dix-sept ans que sa sœur aînée, Marie-Caroline, s’est enfuie. C’est désormais au tour de Marine, dont la rupture avec son père défraie la chronique. Yann comprend tout et n’en veut à personne. Elle a été la seule à rendre visite à Jean-Marie lorsque celui-ci a été hospitalisé d’urgence, en plein psychodrame politico-familial, à cause d’artères bloquées et d’une complication pulmonaire. Elle est en désaccord avec Marine mais pour d’autres raisons. Elle travaille toujours et se demande parfois pourquoi ses parents ont eu des enfants.
Pour les Le Pens, le début est l’abandon et une fois qu’on a compris cela, il ne reste plus qu’à raconter l’histoire.
Un vieil homme toxique
A l’aube du 2 novembre 1976, villa Poirier, dans le 15e arrondissement de Paris, trois sœurs frissonnaient de peur et de stupeur, enveloppées dans des couvertures, chez des voisins qu’elles ne connaissaient pas. Leurs parents sont allés fouiller les ruines de leur immeuble, explosées par 20 kg de dynamite. Voici les filles de Jean-Marie Le Pen au moment où l’histoire le saisit pour la première fois : Marie-Caroline a 16 ans, Yann 12 ans et Marine 8 ans. De cette explosion qui devait éradiquer leur famille (l’attaque n’a jamais été élucidée), les deux plus jeunes s’en souviennent aujourd’hui : le père et la mère sont sortis sans eux, ce matin-là ; ils les quittèrent encore le lendemain soir pour dîner chez des amis, pour se remonter le moral au lieu de rester avec eux – Marine se souvient que c’était le jour des élections de Jimmy Carter aux Etats-Unis et qu’ils ne voulaient pas rater ça. Pendant ce temps, les trois filles étaient seules dans la peur comme dans la vie : des enfants qui n’étaient pas emmenés en vacances, qui vivaient avec leur nounou dans un appartement séparé et qui étaient abandonnés à leur sortie juste après l’explosion qui aurait pu tuer. eux. «J’ai dû faire la paperasse»Jean-Marie Le Pen s’est justifié un jour auprès de l’un d’eux. Et la mère ? “Je n’allais pas laisser ton père seul!” »
La mémoire est parfois utile pour appuyer nos choix en tant qu’adultes. En 2005, lorsqu’elle publiait À contre-courant (Grancher éditions), son livre de (jeunes) souvenirs et son premier manifeste politique, Marine Le Pen avait localisé la Villa Poirier la source de sa loyauté. Ce père différent des autres, menacé et réprouvé, elle lui rendrait justice. “Je suppose que je ne pourrai jamais me libérer de cette peur pour lui.”elle a alors écrit. En le relisant maintenant, cela évoquait aussi beaucoup de solitude – Jean-Marie en était frappé, m’a-t-on dit. Aujourd’hui, l’attentat de 1976 reste le premier souvenir de Marine Le Pen : ce qui a précédé l’explosion a été effacé de sa conscience. Mais il est désormais le témoignage d’autre chose : l’étrange égoïsme de ses parents, marque d’une enfance abandonnée et première blessure que lui a infligée son père. Tout finit par payer. Dans ce qui arrive aux Le Pen, la politique est le prétexte ou le théâtre ; ce n’est pas la raison principale.
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