Passé incognito au début de la campagne présidentielle de 2002, le centriste s’était fait connaître quelques jours avant le premier tour pour avoir critiqué un enfant qui “vidait ses poches”. Dans une France préoccupée par l’insécurité, les images font mouche et changent son avenir politique.
Un geste bien plus fort que des mots. Près de 20 ans avant sa nomination à Matignon, François Bayrou s’est rappelé en giflant un garçon. Jusqu’ici candidat au châtiment, l’échange lui permettra de se faire connaître auprès des Français et de se forger une image de rebelle.
Le 9 avril 2001, 12 jours avant le premier tour, le candidat UDF, ancêtre du Modem, déambulait dans les ruelles d’une ville d’un quartier de Strasbourg. Sa campagne peine à décoller dans un climat politiquement sombre, avec Lionel Jospin qui peine à donner le cap et Jacques Chirac plutôt discret.
« Ce sera la fin de sa carrière »
Jusqu’ici sous le radar des médias, François Bayrou se sait en terrain conquis en Alsace, terre historiquement centriste. Pendant qu’il discute avec les habitants du quartier de la Meinau, les enfants se rassemblent autour du candidat. Un jeune homme profite alors de la situation pour mettre les mains dans les poches du pantalon du centriste.
François Bayrou le claque brusquement et lui dit : « tu ne me feras pas les poches ». Le garçon se défend alors tandis que François Bayrou répond que “si tu m’as volé”.
Le moment a fait le tour des journaux télévisés le soir même, au grand désarroi de son équipe, figée par la séquence.
« On avait très peur, car il n’y a rien de pire pour un homme politique que d’être violent. On se disait, il allait s’effondrer, ce serait la fin de sa carrière », résume Patrick Mignola, alors membre de son équipe. , avec des informations sur la France des années plus tard.
Explosion aux urnes
Néanmoins. Le lendemain, François Bayrou s’est rendu dans les studios d’Europe 1. Preuve que la séquence a eu du succès : c’est Arnaud Lagardère lui-même qui lui a servi du café avant son passage à la radio, comme le rapporte Le Figaro. Quant au présentateur, Jean-Pierre Elkabbach, il dit en souriant : « vous dites que vous êtes fan de Bill Clinton, que vous êtes clintonien. Nous rêvons d’entendre Clinton dire qu’il est bayrouiste.”
Quelques jours plus tard, un sondage du Monde pour l’institut Novatris révélait que l’image séduisait les électeurs indécis. Le centriste a gagné près de 10 % en une semaine seulement et est entré dans le trio de tête des candidats préférés des personnes interrogées.
Mieux encore : lorsqu’on leur demande ce qui les distinguait pour chaque candidat, deux sondés sur trois évoquent la gifle donnée par le candidat UDF au garçon qui voulait le voler à Strasbourg, tandis que les autres candidats n’évoquent aucun souvenir marquant.
“Je connais le français”
Il faut dire que le contexte joue en faveur de François Bayrou. La question de l’insécurité est au centre de la campagne, aucun des deux favoris ne parvenant à aborder ces préoccupations.
Lionel Jospin reconnaît publiquement sa « naïveté » dans cette affaire. Quant à Jacques Chirac, qui y a effectué son premier déplacement de campagne, ses propositions n’ont pas été imprimées.
«Maintenant, il faut faire preuve de fermeté, qui, lorsqu’il s’agit d’un enfant, n’est pas dénuée de bienveillance», explique François Bayrou, au lendemain de la gifle sur Europa 1.
“Je connais les Français, ils seront reconnaissants pour ce geste”, ajoute-t-il dans Le Parisien.
Un tremplin
Résultat au premier tour des sondages : le centriste dépasse le seuil des 6 %, un score très honorable pour ceux qui sont depuis quelques - sous la barre des 3 % dans leurs intentions de vote. Plus symbolique encore : pendant près de dix jours le centriste a été considéré comme le troisième homme à l’élection présidentielle, ce qui lui a permis de faire le tour des médias. Le titre enviable était auparavant détenu par Jean-Pierre Chevènement.
Cette séquence politique lui donne aussi de l’oxygène pour la suite. Loin de revenir dans le giron de Jacques Chirac réélu président, comme le font généralement les centristes après les élections, François Bayrou prend son autonomie.
Exit la fusion entre le nouveau parti de droite, l’UMP et l’UDF, mené par les centristes au grand dam du chef de l’Etat. François Bayrou peut aussi s’offrir le luxe de lancer un nouveau parti, le Modem.
Un bon résultat en 2012
Cette gifle lui permet aussi de rester indélébile dans la mémoire des Français, en attendant les prochaines élections présidentielles, en 2007. Cinq ans plus tard, arrivé à la troisième place avec le score flatteur de près de 17 % des voix, il occupe la première place. au cœur du jeu entre deux tours.
De quoi lui permettre, après la traversée du désert et les élections présidentielles désastreuses de 2012, de rallier Emmanuel Macron en 2017. 7 ans plus tard, le voilà à Matignon.
Quant à l’enfant qui a bousculé François Bayrou, il a reçu encore deux gifles de ses parents, comme l’explique Libération. Mais en même -, sa famille juge “dégoûtant” que le centriste “l’exploite pour mener sa campagne”.
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