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Mohamed Tamalt, journaliste décédé en prison

Le journaliste Moahmed Tamalt est décédé en prison le 11 décembre 2016.

Le 4 juillet 2016, il a été condamné à deux ans de prison et à 200 000 dinars d’amende pour outrage à corps et atteinte à la personne du président. Objet du litige : une vidéo et un poème dans lesquels il critique, de manière grotesque, le président Bouteflika, son comportement, ses origines sociales et son entourage.

Il faut dire qu’à ce jour, cette vidéo postée sur sa page Facebook ne compte qu’un peu plus d’un millier de vues et de partages. Dès lors, la question de la portée minimale de cette vidéo méritait-elle cet acharnement qui mènera à sa mort ?

Des vices de forme dans la procédure à son encontre ont été constatés par les avocats, mais n’ont pas été pris en compte…

Or, comme le rappelle l’article du site 5 monde daté du 16 décembre 2016, ni le président Bouteflika ni son entourage cité dans ce poème satirique (qu’il déclamait en arabe dans une vidéo publiée sur Facebook le 2 avril 2016) ne l’ont poursuivi ni n’ont été poursuivis. constitué partie civile, aucune plainte n’a été déposée contre lui. C’est le procureur qui était chargé de le traduire en justice au nom de l’ordre public. Quel ordre public était menacé par mille opinions et partages dans un pays d’un peu plus de 44 millions d’âmes ?

Le 14 décembre 2016, trois jours après le décès annoncé de Tamalt, l’équipe de Café Presse Politique (CCP) a intitulé son émission « Mohamed Tamalt est mort en prison » et Ihsane El Kadi a déclaré : « ça a été un vrai choc parce qu’on pensait qu’on était sortis de ça, on pensait qu’on était à l’abri de ça ». Plus tard, Ihsane El Kadi ajoutera que le système peut à tout moment se détériorer et nous conduire à cette situation. »

Plus tard, c’est Ihsane El Kadi qui a été emprisonné et récemment libéré.

Mohamed Tamalt vivait en Angleterre depuis 2002 mais, le 8 juin 2016, il annonçait sur sa page Facebook qu’il retournait en Algérie et qu’il étudiait la possibilité de s’y installer définitivement. Il admet que cette décision risque de le conduire en prison, voire de l’exposer à la torture, voire à la mort. »

Dans cette publication, il explique les raisons qui l’ont motivé et qui ont présidé à la décision de revenir. Il invoque entre autres sa foi, sa volonté de dénoncer des décideurs « voleurs » et son désir de mener « une vie qui n’est pas faite de banalités » tout comme il évoque une certaine lassitude face à ce qu’il subit. en raison des « actions des autorités algériennes en lien avec les autorités britanniques et certains autres régimes étrangers qui cherchent à imposer des formes de censure sur ses publications, sans compter son arrestation par la police antiterroriste britannique. Il admet également souffrir du mal du pays.

On voit à travers cette publication une certaine conscience de ce qui l’attendait, même s’il ne pensait peut-être pas que cela puisse conduire à sa mort.

Pour revenir au poème qui a initié la procédure elle-même, et s’il y a quelques éléments à souligner, c’est la motivation judiciaire qui selon le poème, objet du litige, équivaudrait en démocratie à une diffamation qui serait punie de une amende.

Par ailleurs, ce poème aurait pu aussi être considéré comme faisant partie d’une production littéraire, un poème polémique, satirique qui s’en prend certes aux hommes politiques et à leur entourage, mais qui reste une production littéraire qui devait minima tomber sous le coup de la diffamation et maxima être puni d’une amende. Dans son cas, l’incarcération a été rapide (après une comparution immédiate) et sa grève de la faim a accentué ses problèmes de santé. Il n’en reste pas moins que ses conditions de détention et sa prise en charge médicale font l’objet de critiques ; ils ont été dénoncés par les avocats et la famille, en vain.

Il faut noter le manque de solidarité envers Tamalt. Il faut dire que le caractère incisif de son répertoire lexical et sémantique peut porter atteinte à la dignité ou à la morale des personnes incriminées dans son poème. La lecture peut donc créer un inconfort et rebuter plus d’une personne.

Toutefois, le débat juridique ne doit pas se concentrer sur la qualité littéraire de ce qui est écrit. Il s’agit pour les juges de constater le caractère diffamatoire des écrits qui constituent un appel à la haine ou des propos racistes dans des contenus rédigés, publiés ou mis en ligne sur les réseaux sociaux et de les sanctionner en conséquence.

Pour la société civile, cependant, la question ne doit pas être posée en ces termes : ce qu’écrit Tamalt ou quelqu’un d’autre est-il défendable ou non ? Les avis peuvent évidemment différer et c’est acceptable. Le débat dans cette affaire, en Algérie comme ailleurs, doit porter sur la défense du journaliste et de tout citoyen pour dire, écrire et publier sur les réseaux sociaux ou les chaînes traditionnelles du livre etc. sans se soucier d’une sanction disproportionnée. L’autre combat doit être celui du respect de la procédure judiciaire et celui du respect de la dignité des détenus et de leurs conditions de détention.

Il est important d’insister sur le fait que l’incarcération de toute personne, journaliste ou non, pour ses écrits, doit nous amener à nous poser la question de la mission de ceux qui servent le pouvoir et qui avaient intérêt à en faire un. l’incarcération par exemple, même si rappelons qu’avant Mohamed Tamalt le journaliste et écrivain Mohamed Benchicou n’a échappé ni à la prison ni à la fermeture de son journal Le matin à cause de son livre Bouteflika : une imposture algérienne, publié en 2004. Il paiera son courage de deux ans de prison.

A la même époque, sur le registre politique de la contestation contre le président Bouteflika, Amira Bouraoui voit le mouvement Barakat qu’elle a largement contribué à initier contre le président Bouteflika, qui brigue un quatrième mandat, la conduire à un harcèlement administratif, professionnel et judiciaire sans fin. jusqu’à son emprisonnement et son interdiction de quitter le pays bien après sa libération et sous le mandat d’un autre président, Abdelmadjid Tebboune.

Autrement dit, dès que l’ordre établi est remis en cause, la machine judiciaire s’active, elle se place telle une garde prétorienne au service du dirigeant.

Deux. Il faut regretter le manque de solidarité de la part de l’entreprise en particulier, et plus généralement celui de la société civile. Ihsane El Kadi a regretté dans son programme du CPP cité plus haut, le fait de ne pas avoir fait assez pour faire la lumière sur la détention de Tamalt.

Qu’est-ce qui sous-tend cette forme d’inertie des entités politiques et de la société civile ? Tant de pistes peuvent l’expliquer, mais s’il ne fallait en citer que quelques-unes, on pourrait d’abord citer le travail des gouvernants qui misent profondément sur la division de la société et son travail de sape des politiques, l’invocation du régionalisme par exemple lorsqu’il Venons-en aux massacres de jeunes en 2001 à Tizi Ouzou, massacres qui vont soulever l’Algérie toute entière. Il n’en était rien.

Le clientélisme a décliné dans les différentes couches de la société et la main étrangère ainsi que le spectre du terrorisme ont été brandis pour étouffer toute velléité de contestation.

Pour en revenir à l’acharnement contre le journaliste Benchicou qui a bénéficié de soutiens tant en interne qu’à l’international, son cas pourrait être considéré comme de mauvais augure pour la presse qui aurait dû alerter en 2004, le soutien aurait dû être bien plus important. Et concernant Amira Bouraoui, pour évoquer cette époque Bouteflika, et ceux qui s’y sont opposés frontalement et l’ont payé cher, il faut d’abord rappeler l’absence de solidarité de la corporation médicale lorsqu’elle a interdit l’exercice de sa profession de médecin. .

Bien d’autres cas pourraient être cités. Ces quelques rappels montrent bien que la période de Bouteflika a enregistré des abus et des violations des droits qu’il est utile de rappeler pour ceux qui seraient tentés de réhabiliter son bilan et ses pratiques.

Aujourd’hui, sous l’ère du Président Tebboune, l’incarcération et les accusations qui ont conduit à l’incarcération de Tamalt, se retrouvent étendues à des centaines de citoyens avec un durcissement du système judiciaire et la multiplication des articles de lois répressives pour mettre encore plus de personnes sous la tutelle. loi qui sont emprisonnés pour le simple fait d’exprimer leur opinion.

Ce régime de terreur imposé aux Algériens, pour reprendre la métaphore, n’a pas bonne presse. Sur le plan international, le gouvernement algérien peine à prétendre être un régime respectueux des droits de l’homme et de la liberté d’expression lorsqu’il enferme des prisonniers d’opinion par centaines et procède à des stratégies d’asphyxie financière jusqu’à fermer les journaux jusqu’à ne plus avoir une presse libre.

Malgré tout ce qui est dit, on peut dire que plus la crédibilité de ce régime est mise à mal, plus l’aspiration à la liberté des Algériens est grande. On ne peut pas réprimer indéfiniment un peuple, la lutte des Algériens contre le colonialisme et toutes ses formes de domination est exemplaire dans le sens où elle a inspiré tant de personnes. Le combat des anciens peut inspirer le combat des Algériens d’aujourd’hui.

Le mouvement Hirak a montré que le peuple pouvait à tout moment refuser l’arbitraire et l’exprimer en masse. La répression actuelle post-Hirak n’est que le symptôme d’un pouvoir qui n’a pas pour preuve le soutien du peuple ; elle ne peut maintenir sa place sans recourir à la force répressive. La terreur imposée aux Algériens ne peut cependant pas être une forme de gouvernance durable.

Pour conclure, on peut dire avec le recul que l’affaire Tamalt a dû être perçue à l’époque comme un indicateur sérieux qui aurait dû alarmer la société dans son ensemble puisqu’elle présageait des dérives encore plus généralisées à venir.

Même si nous ne partageons pas ses idées, que certains qualifieront de conservatrices ou outrancières, Mohamed Tamalt mérite notre respect, son combat pour la liberté d’expression a été courageux et sa mémoire doit être honorée pour ce que sa résistance au pouvoir, a d’irréductibilité.

Ouerdia Ben Mamar, militante des droits de l’homme

 
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