Le chantier a pris du retard. La résidence de luxe, construite à Katamon, un ancien quartier palestinien de Jérusalem-Ouest, aurait dû être livrée en mai 2024. Elle ne le sera pas avant mai 2025. « Les travaux ont été arrêtés pendant deux mois au début de la guerre, et depuis tout est compliqué, soupire le chef de projet, qui a souhaité rester anonyme. Notre plus gros problème ? Manque de main d’oeuvre. »
Une illustration de la situation économique critique du pays, après plus d’un an de guerre. En représailles à l’assassinat du 7 octobre 2023 par des membres du Hamas dans la bande de Gaza, le gouvernement israélien a annulé les permis de travail de 170 000 travailleurs palestiniens (dont 80 000 étaient employés dans le bâtiment), les mettant ainsi au chômage. forcé, et obligeant près de 50 % des chantiers à fermer, selon Raul Sargo, président de l’Association des constructeurs israéliens.
Près de 5 000 travailleurs indiens et sri lankais sont arrivés en remplacement depuis février. « On perd du temps et de l’argent à les former à des techniques qu’ils ont du mal à maîtriser »déplore cet ingénieur. Selon lui, la pénurie de travailleurs a déjà conduit à un doublement de leurs salaires.
Contraction du secteur de la construction
« Rien ne peut remplacer les travailleurs palestiniens. Les investisseurs le savent, ils font pression sur les autorités : aujourd’hui, il y a beaucoup de travailleurs palestiniens illégaux à Jérusalem, mais tout le monde ferme les yeux, car l’économie a besoin d’eux.»souligne le chef de projet, lui-même palestinien de Jérusalem. Une Source sécuritaire a déclaré en avril au quotidien Yedioth Ahronoth que 40 000 Palestiniens étaient employés sans permis en Israël.
Transversalement, le secteur de la construction représente 6% du PIB israélien. Sa contraction a eu des répercussions sur les économies israélienne et palestinienne. « À l’exception de la consommation qui est en croissance, toutes les activités ralentissent, voire sont à l’arrêt : l’industrie, le tourisme, les services, la finance, l’agriculture, ou encore la technologie, moteur de la croissance israélienne »explique Jacques Bendelac, économiste franco-israélien.
Stagnation des nouvelles technologies
Fleuron de la start-up nation israélienne, le secteur des nouvelles technologies a également connu une pénurie de main d’œuvre, avec la mobilisation de 7% de ses salariés dans les réserves de l’armée israélienne, selon les chiffres de l’Autorité de l’innovation.
Dans un rapport, elle constate qu’après une décennie de croissance, les indicateurs sectoriels stagnent depuis plus de deux ans. « Israël est considéré comme un pays à risque. explique Alon, employé d’une entreprise Fintech Cela refroidit les investisseurs et pénalise les start-up les plus jeunes. ».
« Les moteurs de la croissance se sont éteints, la production est en déclin et l’inflation à 3,6 % rend la vie quotidienne difficile pour de nombreux Israéliens.explique Jacques Bendelac, qui évoque un risque de récession. Il n’y a pas de surprises. Lorsqu’une guerre coûte autant, l’économie s’arrête. »
Risque de creusement des inégalités
Selon une estimation de la Banque d’Israël, les coûts liés à la guerre entre 2023 et 2025 pourraient s’élever à 55,6 milliards de dollars (52 milliards d’euros), soit 10 % du PIB. Le budget consacré à la défense a été multiplié par deux : il est passé de 60 à 120 milliards de shekels en 2024 (de 15 à 30 milliards d’euros), soit 20 % du budget de l’État. « Toutes ces dépenses ont été financées par le déficit public, qui dépasse aujourd’hui les 8 % du budget. C’est considérable », poursuit Jacques Bendelac.
Le projet de budget 2025, qui ne sera pas voté avant janvier 2025, prévoit de réduire ce déficit à 4 %. « Conformément à la philosophie libérale qui prévaut en Israël, il s’agit essentiellement de continuer à réduire les dépenses, mais surtout d’augmenter les impôts, notamment les impôts indirects comme la TVA ou la taxe d’habitation.explique l’économiste. Le budget 2025 est un budget d’attente, qui ne prévoit rien pour l’après-guerre. Le gouvernement n’en voit pas la fin. C’est très grave pour l’économie et ce sont les Israéliens, déjà très demandés, qui en paieront le prix. »
De quoi creuser les inégalités d’un pays qui fonctionne déjà à deux vitesses, avec près d’un quart de la population vivant sous le seuil de pauvreté. Toutefois, les questions économiques restent loin de susciter autant de colère populaire que l’abandon d’otages ou les échecs sécuritaires du 7 octobre.
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