“La justice savait dès le départ qu’elle devait inculper ce policier, mais elle a manqué de courage face à toutes les pressions qui existaient dans cette affaire”, a déclaré à l’AFP Yassine Bouzrou, avocat des enfants de Mme Redouane. .
Ces derniers, résidant en Algérie, sont aujourd’hui « soulagés » mais aussi « en colère », a-t-il rapporté : « Ils ne comprennent pas pourquoi la justice a attendu si longtemps ».
Les CRS ont été mis en examen le 12 septembre, selon une Source proche du dossier à l’AFP et Me Bouzrou. L’affaire a été transférée à Lyon en 2019 en raison de soupçons, à l’époque, de collusion entre le parquet de Marseille et les policiers impliqués.
L’accusé travaille toujours dans la police, a indiqué à l’AFP une autre Source proche du dossier. Contacté par l’AFP, son avocat, Me Thibault de Montbrial, n’a pas souhaité s’exprimer.
“La recherche de responsabilités individuelles” dans cette affaire “pose des questions sur l’engagement des agents qui seront confrontés demain à la même situation”, a déploré Grégory Joron, secrétaire général de l’Un1té police, assurant le soutien du syndicat aux CRS.
Le 1er décembre 2018, Zineb Redouane, une Algérienne de 80 ans, se trouvait à sa fenêtre, au 4e étage de son immeuble au coin de la Canebière à Marseille, lorsqu’elle a reçu des éclats de grenade lacrymogène au visage. tirés depuis la rue par la police, qui tentait de disperser les manifestants en contrebas.
Ce jour-là, une manifestation des « gilets jaunes » était doublée d’une marche contre le logement insalubre dans la ville de Marseille. Gravement blessée, Zineb Redouane est décédée le lendemain à l’hôpital sous anesthésie. Sa mort a provoqué un grand émoi dans l’opinion publique.
En 2020, une expertise déposée dans le cadre de l’information judiciaire concluait que le tir du policier avait été effectué dans les règles (trajectoire de la cloche) et que la victime avait été touchée accidentellement.
Quelques mois plus tard, les médias d’investigation en ligne Disclose et Forensic Architecture, un groupe de recherche basé à Londres, publiaient conjointement une contre-enquête validant la thèse d’une fusillade dite « tendue », c’est-à-dire directe, strictement interdite devant d’un immeuble résidentiel conformément à la réglementation relative à l’usage de l’arme.
Selon ce document, qui s’appuie sur le rapport balistique, les images de vidéosurveillance et la modélisation 3D détaillée des lieux et de la fusillade en cause, « de la position des CRS au moment de la fusillade, la présence de plusieurs bâtiments en vis-à-vis direct ce contact aurait dû constituer, au minimum, une alerte rouge.
La munition utilisée, une grenade de type MP7, est parvenue selon ce rapport à Mme Redouane « après 37 mètres », alors qu’elle est « normalement destinée à toucher une cible située à 100 mètres ».
Dans un rapport en 2021, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) estimait que les CRS avaient bien procédé à un tir réglementaire, sans viser délibérément la victime, mais qu’ils avaient manqué « à l’obligation de discernement par une action manifestement inappropriée ». .
Dans les conclusions de ce rapport, l’IGPN a recommandé son renvoi devant le conseil de discipline du CRS responsable de la fusillade, ainsi que celui de son supérieur hiérarchique au moment des faits.
Cette recommandation n’a pas été suivie par le directeur général de la police nationale (DGPN) Frédéric Veaux. Il avait pris en compte la « fatigue », le « manque de visibilité », la « tension » et la « nécessité légalement établie de tirer », évoquées dans le rapport de l’IGPN, pour exempter les CRS d’une sanction disciplinaire.
Aujourd’hui, Me Yassine Bouzrou souhaite demander la mise en examen du policier surveillant, et concernant les CRS mis en examen, la requalification du chef d’homicide involontaire en « violences intentionnelles ayant entraîné la mort sans intention de la provoquer », a-t-il déclaré à l’AFP.
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