La situation liée à la surpopulation avec des dizaines de marelas au sol est explosive en prison. De la drogue et des couteaux sont placés en garde à vue. Mises à jour à Nîmes, Villeneuve-lès-Maguelone, Béziers et Perpignan.
« On compte les matelas vides par terre, on est à l’agonie ! Le gouvernement ne comprend pas le danger, nous allons nous retrouver avec des prisons en feu et cela coûtera deux fois plus cher »prévient Johann Reig, délégué justice Occitanie Ufap-Unsa. Les prisons vont-elles imploser ? Etat des lieux.
A Nîmes, « il y a de grosses tensions, les prisonniers doivent vivre par trois dans 9 m2, c’est Tetris ! Cette prison est ancienne, humide, très chaude en été, glaciale en hiver. Et seules quelques cellules sont équipées de douches, pour les autres, les détenus n’ont droit qu’à trois douches par semaine.décrit David Dehaye, secrétaire local de l’Ufap-Unsa.
Il évoque le choc des clans sur fond de trafic de drogue qui ajoute de la violence : “Les guerres de territoire de l’extérieur, on les retrouve ici, entre les quartiers, Zup, Chemin-Bas, Mas de Mingue.”
A Villeneuve-lès-Maguelone, près de Montpellier, dite « VLM » avec plus de 1000 détenus, le manque structurel d’effectifs est criant.
Rats et punaises de lit
« Récemment, un collègue a reçu des coups de poing à cause des matelas au sol… Il y a de la promiscuité, mais aussi des rats, des cafards, des punaises de lit… A VLM, il y a 115 à 120 détenus par étage pour un surveillant »déplore Marine Orengo, superviseure et secrétaire locale Ufap-Unsa.
La tension est palpable : fin octobre, un détenu a été grièvement blessé par un couteau en céramique au ventre. Cette arme a été livrée par drone, utilisée pour contrer les filets anti-projections installés il y a un an pour stopper les colis lancés depuis la route.
« Les filets ont des projections manuelles limitées, mais les détenus se sont adaptés avec les drones. Tout rentre, comme les grosses chichas et nous avons beaucoup de « céramiques », pas plus que la semaine dernière, nous en avons récupéré trois dont une avec une lame de 13 cms’inquiète Marine Orengo.
A Béziers, 124 matelas au sol, David Parmentier, superviseur, Ufap-Unsa, compte, sans trop y croire, sur les brouilleurs de drones attendus pour la fin de l’année.
“Tous les soirs, c’est le ballet des drones, à Béziers, on est une plateforme logistique Amazon… Dans la même cellule, tu saisis 15 téléphones portables, 500 g de merde et le lendemain, tu retrouves les mêmes quantités… C’est exponentiel”il explique. « Mais ils se font aussi livrer des kebabs et des burgers ! Quand tu fumes ton herbe, que tu joues à la console et que tu manges du McDonald’s, les peines de deux ans de prison, ils les font sans problème ! Cela fait sourire, mais beaucoup de céramiques tournent. »
“La merde est rentable comme dans le quartier, il y a celui qui vend, surveille ou fait office de nounou”
Il décrit la manière dont l’entreprise est créée : « La merde rapporte de l’argent comme dans le quartier. Il y a celui qui reçoit, qui vend, qui veille ou qui sert de nourrice.
Et puis David Parmentier souligne une autre grande préoccupation : “30% des détenus souffrent de problèmes psychiatriques, une place en prison coûte moins cher qu’une place à l’hôpital.”
Enfin, à Perpignan, l’invasion des punaises de lit est dramatique : “Une centaine de douches sont infectées, c’est l’enfer”souffle Pierre Grousset, superviseur et syndicaliste. Là-bas, le système anti-drone n’est que partiellement efficace. « Nous venons d’en intercepter deux. Dans un paquet, nous avons trouvé du tabac à chicha, 300 g de cannabis et 21 g de coca.
« La corruption, je la vomis »
Il évoque le respect de l’uniforme qui se perd : « Un résident revenant de permission, ivre, a menacé un collègue : « Je vais m’occuper de toi », et puis il a voulu repartir dehors !
Ces gardiens examinent également leur conscience. « Je déteste la corruption. Nous savons que cela se produit dans toutes les prisons, mais si nous voulons y mettre un terme, nous avons besoin de salaires décents et d’installer des brouilleurs de téléphones portables. Certaines personnes le font pour compléter leurs revenus, mais c’est aussi lié à l’intimidation.»estime Yohann Reig.
« Plus on construit de prisons, plus on incarcère » : la question de la réinsertion en débat
Le garde des Sceaux Didier Migaud a annoncé mercredi une mission d’urgence pour réfléchir à l’insertion et aux mesures alternatives à l’incarcération. « pour des infractions peu graves »indique le ministère.
Car la détention reste une sanction, pas un but.
« Les études montrent que la récidive après une première incarcération est élevée, plus de 30%, la prison mène à la récidive »déplore Me Paul Gallix, avocat pénaliste à Montpellier, qui cite l’exemple des pays scandinaves : « Il existe des peines alternatives, des travaux d’intérêt général, la réinsertion. Au Danemark, à la fin d’une longue peine, les détenus vont au maraîchage, à la pêche, à l’élevage… En France, nous sommes en retard.
Il rappelle les conséquences de la surpopulation : « Le sens de la sentence, c’est qu’après la sanction, il faut qu’il y ait une réinsertion, mais elle passe à la trappe. Là-bas, les prisons sont des marmites à pression, on cherche la paix sociale, on ferme les yeux sur la circulation, on abandonne les smartphones”il analyse.
“Mais c’est une dissimulation, beaucoup de mes clients vont attendre cinq jours pour un mal de dents, trois mois pour voir un psychiatre, les listes d’attente pour travailler sont énormes… Oui, il faut enfermer pour protéger la société dans les cas les plus graves”, mais construire des prisons ne résout pas le problème.»
Un avis partagé par David Dehaye, surveillant et syndicaliste à la prison de Nîmes : « Plus on construit de prisons, plus on incarcère et quand on voit des femmes enceintes qui sont détenues trois mois ou des personnes huit ans après les faits, quel est le sens de la peine ?
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