Le contexte
Ce match ne s’est pas déroulé dans un contexte pour le moins neutre. Elle a eu lieu exactement treize mois après les attentats du 7 octobre 2023 en Israël, où le Hamas a massacré 1 200 soldats et citoyens israéliens et enlevé 250 otages. Treize mois après le début de la réponse apportée par le gouvernement israélien à ce massacre, à savoir la guerre totale contre la population de Gaza, plus de 40 000 morts et la destruction massive par bombardement de toutes les infrastructures, le nettoyage ethnique des Palestiniens à Gaza mais aussi en en Cisjordanie, les bombardements au Liban avec également des milliers de morts.
L’attaque du Hamas, aussi horrible soit-elle, s’est produite dans le contexte de décennies de domination impérialiste et raciste de l’État israélien, de bombardements récurrents dans la bande de Gaza et de colonisation illégale en Cisjordanie. Des décennies de violations du droit international par Israël, mais avec le soutien continu des États occidentaux qui ont dès le début conçu cet État comme un pont avancé vers le Moyen-Orient. Alors que la guerre actuelle est dénoncée par les instances internationales, que le risque génocidaire est souligné par la Cour internationale de Justice, les gouvernements occidentaux continuent de soutenir Netanyahu, en paroles et en matériel, et les États arabes sont visiblement absents.
Les faits
Le jour du match à Amsterdam, les supporters israéliens du Maccabi Tel Aviv (réels ou supposés) ont été violemment agressés, pourchassés et battus, certains même jetés dans les canaux, par des hooligans et peut-être d’autres. , le tout accompagné d’un discours clairement antisémite. Mais même si les médias ont largement rapporté ces violences antisémites, les faits ne se limitent pas à cela.
En effet, des milliers de partisans israéliens étant arrivés les jours précédents, certains d’entre eux se sont livrés à des exactions dès mercredi. Comme dit Mediapart : partisans israéliens « En groupe, attaquez au moins un chauffeur de taxi et vandalisez son véhicule, parcourez le centre-ville en scandant des slogans racistes, jetez de la bière et attaquez les passants autour de la place du Dam, au cœur de la ville, détruisez les drapeaux palestiniens. On voit également, sur une vidéo tournée en plein jour, un homme hissé par deux autres au premier étage d’un immeuble qui peine à en réaliser un sous les encouragements de ses compagnons. (…) Certains partisans du Maccabi continuent de se comporter comme des hooligans classiques, avec en plus un racisme anti-arabe et un soutien à la guerre contre les Palestiniens. »
Ce déchaînement de hooligans israéliens n’est évidemment pas étranger aux événements du lendemain. Parmi leurs opposants se trouvaient clairement toutes sortes de personnes, depuis les simples partisans de la cause palestinienne jusqu’aux véritables antisémites, en passant par les hooligans racistes néerlandais.
Médiatisation et politisation des faits
S’il est indéniable qu’une partie des violences du 7 novembre a été motivée par l’antisémitisme, et que les violences ainsi motivées sont condamnables sans réserve, il est aussi évident qu’on ne peut se limiter à cela. C’est pourtant ce qu’ont fait les grandes chaînes d’information en totale convergence avec les dirigeants d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord.
De Macron à Biden, en passant par Trudeau et bien sûr Netanyahu lui-même, tous ont dénoncé les actes antisémites ainsi que ses références aux pogroms et aux « heures sombres de l’histoire » (la maire d’Amsterdam est depuis revenue sur ses propos en s’excusant d’avoir a utilisé le terme « pogrom » – elle a également reconnu avoir été influencée par la rhétorique de Netanyahu)… tout en ignorant les provocations et les attaques racistes anti-arabes et anti-palestiniennes de Des hooligans fascistes israéliens. À travers leur présentation totalement tronquée de la réalité, dans une défense exclusive et implacable des partisans israéliens dans leur ensemble, les médias et les dirigeants occidentaux construisent des « faits alternatifs » dignes du Trumpisme le plus vulgaire.
Cette interprétation unilatérale en faveur d’Israël, entretenant sciemment la confusion entre antisémitisme et antisionisme, n’est pas nouvelle. Elle s’accentue depuis deux décennies dans le monde occidental et s’est fortement accélérée depuis le 7 octobre 2023. En France, de la gauche institutionnelle à l’extrême droite, en passant par Macron et le reste de la droite, la plupart ont choisi, dans un sursaut de solidarité colonialiste mais sous couvert de lutte contre l’antisémitisme, soutien inconditionnel au camp israélien.
Cela conduit non seulement à un silence complice sur les massacres et les violations du droit international perpétrés par Israël, mais aussi à une criminalisation de l’expression de soutien au peuple palestinien, à travers l’interdiction des manifestations, les interventions policières contre les occupations qui soutiennent. sur les campus au printemps dernier, des poursuites judiciaires contre des militants. Tout cela, toujours, au nom de la lutte contre l’antisémitisme. Une raison dont on peut être d’autant moins dupe qu’au contraire, le confusionnisme assimilant antisionisme et antisémitisme finit par mettre en danger tous ceux, juifs et juifs (réels ou supposés), qui se retrouvent ainsi, et bien malgré eux-mêmes, assimilés à la politique de l’État d’Israël.
Le 30 octobre, un député de la Renaissance dépose, avec le soutien de François Hollande et de quelques autres députés socialistes, une proposition de loi visant à condamner « Des formes renouvelées d’antisémitisme » mais visait plus concrètement à rendre illégal le soutien à la Palestine. Notons le tour de passe-passe dans cette formule : assimiler la critique de l’État d’Israël à « une forme renouvelée d’antisémitisme » ne permet pas de se défendre, puisque les termes de la loi postulent ce qui doit être démontré. Mais de plus cette loi, si elle était votée, équivaudrait à une restriction sans précédent de la liberté d’expression en matière politique puisqu’elle entraînerait, et pour la première fois, l’assimilation d’une opinion politique, en l’occurrence la critique de la politique menée. par un État est un crime. On ne peut donc qu’être inquiet de voir une étape supplémentaire franchie dans les atteintes aux libertés publiques, de plus en plus bafouées.
Autre illustration de l’exploitation de la lutte contre l’antisémitisme, dans le football encore : quand les supporters du PSG déployaient un tifo géant « Palestine libre » qui a appelé « paix mondiale » Au Parc des Princes le 6 novembre, les réactions hostiles ne se sont pas fait attendre, jusqu’à ce que le ministre de l’Intérieur Retailleau secoue la tête et convoque les responsables du PSG et de la FFF. Quant au match France-Israël du 14 novembre, il s’est déroulé dans une ambiance ultra-sécurisée avec des milliers de policiers et gendarmes, interdiction de porter des drapeaux palestiniens… le tout en présence et avec le soutien ostensible à Israël de Macron, Hollande et Sarkozy. . Avec des stands aux trois quarts vides et un argent monstrueux dépensé par un gouvernement qui sacrifie pourtant des services publics essentiels au nom de la réduction de la dette.
Gardez le cap
Les dirigeants et les médias occidentaux ont pleinement adopté l’idéologie du « choc des civilisations ». Le grand ennemi soviétique ayant disparu depuis la fin de la Guerre froide, il fallait logiquement le remplacer. Puis prirent le rôle d’ennemis absolus les pays et les populations musulmanes, arabes en particulier, autrefois colonisées et constituant donc une part importante des travailleurs immigrés dans les métropoles occidentales. Le développement de l’islamisme dans certaines couches de ces communautés, notamment en réaction à l’hostilité occidentale, a à son tour renforcé cette dernière.
La situation s’est accélérée depuis octobre 2023. Le soutien indéfectible à Israël assumé depuis le début par l’Europe et l’Amérique du Nord pour la défense de leurs intérêts au Moyen-Orient s’est transformé en soutien à une guerre coloniale. attaque totale contre les Arabes et les musulmans (palestiniens). La lutte contre l’antisémitisme est devenue la raison systématiquement invoquée pour justifier l’injustifiable et dissimuler le racisme anti-arabe et l’islamophobie généralisés.
Que faire à ce sujet ? La réponse apportée jusqu’à présent par le camp antifasciste ou par la gauche radicale et révolutionnaire est insuffisante.
Nous devons bien sûr poursuivre sans relâche la lutte en faveur de la Palestine, contre l’État colonial israélien et ses dirigeants d’extrême droite, contre la guerre et le nettoyage ethnique qu’il mène, pour un arrêt immédiat des massacres, des Palestiniens de libération enfermés. et torturé. Les Palestiniens et les Libanais sont confrontés à l’effacement de leurs vies, de leurs territoires et de leur culture, il est plus qu’urgent d’y mettre un terme. Même si nos pétitions, nos tracts, nos tribunes et nos actions en France n’ont pas d’impact immédiat sur la situation à Gaza ou au Liban, il est crucial de maintenir ce cap pour l’avenir, pour faire naître un autre avenir que celui rêvé. par les suprémacistes alliés de Netanyahu.
Mais il faut plus que cela. L’enjeu est de briser l’idéologie du « choc des civilisations » véhiculée par Macron, Hollande, Le Pen, et diffusée en continu par BFM TV et CNews. Nous devons nous réapproprier la lutte contre l’antisémitisme et la mener en convergence avec la lutte contre l’islamophobie. La situation en France est devenue grotesque où le Rassemblement national, héritier d’un parti fondé par d’anciens pétainistes et Waffen SS, prétend participer à la lutte contre l’antisémitisme et à ce titre intégrer l’arc républicain, tout en faisant partie des « radicaux ». La gauche (LFI, NPA et au-delà) est régulièrement accusée d’antisémitisme en raison de son soutien à la cause palestinienne.
L’antisémitisme est un racisme particulier, fortement lié au complotisme, à une conception désarmante d’élites « apatrides » soupçonnées de vouloir détruire nos sociétés, alors que c’est le capitalisme et ses profiteurs qui écrasent les gens et mettent le feu à la planète. et sanglant. La lutte contre l’antisémitisme doit revenir au cœur de la lutte antifasciste, intégrée dans la lutte contre tout racisme. Il n’y a pas de luttes « prioritaires » et d’autres « secondaires ». La lutte pour l’émancipation humaine ne peut être divisée, et notre camp doit lutter résolument contre le colonialisme, l’antisémitisme, l’islamophobie et tout racisme, ainsi que toute forme de domination.
BAF Nancy21 novembre 2024.
- Version imprimable
Related News :