(Québec) Pour éviter que son déficit record de 11 milliards de dollars ne s’aggrave encore, le Québec vide la moitié de son coussin pour éventualités. Il commence à faire le ménage dans ses dépenses fiscales : près de 200 000 travailleurs âgés de 60 à 64 ans perdront 1 000 $ en moyenne avec le relèvement de l’âge d’admissibilité au crédit d’impôt pour prolongation de carrière.
Publié à 11h00
Mis à jour à 14h16
C’est ce que révèle la mise à jour économique présentée jeudi par le ministre des Finances Éric Girard.
Dans son budget de mars, il a annoncé un déficit de 11 milliards de dollars pour 2024-2025, après versement au Fonds des générations qui sert à réduire la dette. Il s’agit d’un record en chiffres absolus. Il maintient cet objectif dans sa mise à jour économique, tout comme le retour à l’équilibre budgétaire en 2029-2030.
Le gouvernement Legault a toutefois dû prendre des mesures pour éviter de creuser encore davantage son gouffre financier. C’est parce que les dépenses augmentent plus que prévu, de près de 3 milliards de dollars, selon la mise à jour économique. La croissance des dépenses des ministères passe ainsi de 4,2% à 6,5% pour l’année en cours.
En conférence de presse, le ministre a lancé « 6,5%, rien à voir avec l’austérité ! », pour répondre à certains de ses détracteurs. Le Parti libéral et le Parti québécois lui reprochent plutôt d’avoir perdu le contrôle des dépenses.
Lire Cinq choses à savoir sur la mise à jour économique
Par exemple, les dépenses de santé bondissent de 900 millions par rapport aux prévisions, notamment en raison du coût plus élevé du recours aux travailleurs des agences privées. Le Québec a également dû payer 250 millions de dollars en raison des inondations de l’été dernier. Certains crédits d’impôt coûtent également plus cher que prévu. Un changement dans le rythme de la construction des infrastructures augmente également les dépenses de 786 millions pour l’année en cours. Les restrictions qui ont fait la une des journaux cet automne dans les secteurs de la santé et de l’éducation visent à éviter des dépassements budgétaires plus importants.
« Nous demandons aux gens de respecter leur budget. On est conscient que c’est difficile, ils ne sont pas habitués à ça. Pendant la pandémie, c’était des dépenses illimitées», a déclaré Eric Girard.
Dans la colonne des revenus, on remarque une augmentation plus élevée que prévu des transferts fédéraux, de 1,6 milliard. Il s’agit de sommes versées par Ottawa pour l’accueil des demandeurs d’asile et la construction de logements. Mais les revenus fiscaux et ceux provenant des entreprises gouvernementales comme Hydro-Québec et Investissement Québec diminuent par rapport aux prévisions, de 600 millions et 90 millions respectivement.
Au total, la situation financière du gouvernement s’est détériorée de 1,3 milliard, un montant qui risque de creuser encore davantage son déficit. Et c’est sans compter le coût de ses nouvelles initiatives dans cette mise à jour économique, qui atteint 365 millions cette année – 2 milliards dans cinq ans. La plus grosse mesure : le versement de 250 millions de dollars aux entreprises de transport – une aide qui totalisera 879,6 millions en quatre ans.
Pour maintenir le déficit à 11 milliards, Québec puise 750 millions de sa « provision pour imprévus » qui vise à faire face aux imprévus. Il lui en reste désormais 750 millions. L’augmentation de l’imposition des gains en capital, une mesure annoncée au printemps dernier et imitant une annonce d’Ottawa, rapportera également 1 milliard de dollars cette année. Mais au lieu de réduire le déficit à 10 milliards comme l’affirmait le ministre en avril, cette mesure a pour effet d’éviter que le trou ne se creuse au-delà de 11 milliards.
Le gouvernement Legault annonce également le début de son assainissement des dépenses fiscales des particuliers. Le crédit d’impôt pour prolongation de carrière est révisé pour économiser 227 millions l’année prochaine – 887 millions en quatre ans. L’âge d’admissibilité passe de 60 à 65 ans, ce qui signifie que près de 200 000 travailleurs âgés de 60 à 64 ans perdront en moyenne 1 000 $. Cette aide fiscale sera également réduite pour les plus aisés.
Ces mesures fiscales permettent au gouvernement d’annoncer que le « déficit structurel » du Québec, celui qu’il faudra résorber d’ici 2028-2029, s’élève désormais à 3,2 milliards au lieu de 3,9 milliards.
Cela dit, à court terme, les perspectives sont moins bonnes. Le déficit prévu pour l’année prochaine, donc en 2025-2026, passe de 8,5 milliards à 9,2 milliards. Il vise à réduire le taux de croissance des dépenses ministérielles à 2,1% – et à 1,6% l’année suivante.
“Le retour à une croissance plus modérée des dépenses” permettra un retour à l’équilibre budgétaire, a fait valoir Eric Girard. « Nous allons aligner la croissance des dépenses sur celle des revenus. »
Pour le ministre, les critiques sur sa gestion des finances publiques sont contradictoires. «D’un côté, on nous accuse de trop dépenser et, de l’autre, on nous dit que nous imposons l’austérité. Donc évidemment, ces deux déclarations sont complètement incohérentes », a-t-il déclaré.
Comme prévu, le gouvernement présentera son plan de retour à l’équilibre budgétaire lors du prochain budget. C’est à cette occasion qu’il dévoilera les résultats de son examen approfondi des dépenses fiscales, ainsi que des dépenses des ministères et organismes.
La croissance économique pour 2024 est estimée à 1,2% – au lieu des 0,6% attendus en mars. Il devrait atteindre 1,5% en 2025 selon le ministère des Finances, mais il y a « une incertitude ». Un « risque », estime Eric Girard. Ce risque s’appelle Donald Trump. “Il est trop tôt pour évaluer les effets économiques des politiques budgétaires, réglementaires et commerciales de la nouvelle administration américaine”, a toutefois déclaré le ministre, qui n’a pour l’instant pas ajusté ses prévisions.
Ils ont dit
On reproche à François Legault de gaspiller comme un marin en fuite ! Quand le gouvernement dit que le déficit est toujours de 11 milliards de dollars […]cela masque la réalité. Lorsqu’il prend des provisions pour couvrir une partie du déficit qui continue de croître, puis il prend les anciens revenus et les ajoute ensuite pour les réduire et les maintenir à 11 milliards, c’est alors que cela masque le déficit réel.
Le chef par intérim du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay
Taux de croissance [des dépenses des ministères] pour les prochaines années ne garantira pas le maintien des services. Pour maintenir les coûts du système, il faut entre 3,5 % et 4 %. Je me demande où ils vont couper. Cela commence à ressembler beaucoup à de l’austérité, et on le voit déjà depuis quelques semaines […] avec des mesures de restrictions budgétaires.
Le porte-parole de Québec solidaire auprès du Conseil du Trésor, Vincent Marissal
C’est l’un des gouvernements qui comptera parmi les plus gros dépensiers de l’histoire du Québec moderne. […] C’est un gouvernement qui a accru la bureaucratie […]qui a fait toute une série de dépenses frivoles, qui ont rendu plus coûteuse la gestion de l’État. Et en attendant, que fait-on ? Nous supprimons des services.
Parti Québécois MP Pascal Paradis
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