Références croisées sur les inondations qui ont touché la France, il y a un an dans le Pas-de-Calais, et un mois en Ardèche. Deux lieux où habitants et élus se posent la question de l’aménagement du territoire et de la manière d’envisager l’avenir, alors que ces intempéries risquent de se reproduire.
Dans le Pas-de-Calais, tout a commencé en novembre 2023 avec des pluies torrentielles, des rivières en crue, la Liane, la Canche, la Lys, la Hem et l’Aa, avec 200 communes et des milliers de familles sinistrées. Certains le seront à nouveau en décembre, puis à nouveau en janvier 2024, après de nouvelles pluies sur des terres gorgées d’eau.
Un an plus tard, on s’apprête, à Blendecques comme à Arques, deux des communes les plus touchées, à réaménager une partie de la ville pour atténuer les futures crues de l’Aa. Cela nécessite des mesures drastiques : destruction de maisons, dont deux rues entières. Au total, 70 maisons sont vouées à disparaître, impossibles à réparer ou à protéger. Elles céderont la place à des zones d’extension des crues (ZEC), autrement dit un no man’s land où l’eau pourra se répandre et ainsi épargner les autres quartiers des villes concernées.
Parmi ces bâtiments destinés à être rasés, le commerce et la maison de Christelle. Elle vient de recevoir son offre de rachat. “Ça me soulage, car c’est un immeuble qui ne vaut plus rien à la revente, et maintenant ils le ramènent à la valeur d’avant l’inondation, elle explique. Je veux partir. On n’est plus tranquille dès qu’il pleut un peu. On ne veut pas être psychotique tout le temps, mais on y pense toujours, ça revient.
Coralie dira elle aussi oui à la proposition de rachat, mais ce n’est pas avec joie du cœur qu’elle quittera sa jolie maison du XVIIIème siècle.e siècle sur les rives de l’Aa. « C’est très difficile à accepter car nous sommes vraiment tombés amoureux de cette maison, elle rappelle. Vous ne pouvez pas imaginer tout ce que nous avons fait là-dedans. On a eu beaucoup de projets d’agrandissement, et aujourd’hui on a un mur qui s’effrite et qui tombe, on a de l’humidité dans les placards. Nous savons donc que même si nous n’avions pas pris la décision de partir d’ici, nous aurions eu de gros problèmes par la suite.»
Cependant, tout le monde n’est pas d’accord. Christian, par exemple, ne veut pas quitter la maison qu’il a héritée de ses parents, même s’il y avait jusqu’à 1,40 mètre d’eau. Et il n’est pas seul dans son combat. « Numéro 30 [de la rue] ne se vend pas, le 28 ne se vend pas, le 26 et le 12 non plus. Peut-être qu’un jour on nous dira : « Vous êtes expropriés ». Il dit qu’il n’a pas peur. “Je connais la région, cette fois c’était vraiment exceptionnel.”
“Je me battrai jusqu’au bout pour mettre fin à mes jours dans ma maison.”
Christian, disaster resident in Pas-de-Calaissur franceinfo
Des récalcitrants que le président de l’agglomération de Saint-Omer, Joël Duquenoy, tente de convaincre. « Quand il verra que les voisins vendent, il se retrouvera seul, et la maison qui vaut 200 000 euros. Quand nous aurons déterminé les zones inondables, cela vaudra 50 000 euros.
Avant d’éventuellement passer par une déclaration d’utilité publique et des expropriations, mais qui risquent évidemment de retarder les démolitions.
A Annonay, en Ardèche, de nombreuses questions se posent également, un mois après les intempéries, car quand on parle de lutte contre les inondations, on parle souvent d’assèchement des sols. Sauf qu’à Annonay, cela semble très compliqué car le centre-ville est construit au bord d’une rivière : la Deûme a été couverte dans les années 60 pour laisser place aux voitures. “On peut comparer ça à un tunnel, ils ont érigé des murs de chaque côté et ils ont tout recouvert, raconte Alphonse, un résident, qui s’en souvient très bien. S’il y a un ou deux arbres qui gênent, même juste en hauteur, cela crée vite une barrière, et c’est pire que les castors !
Et c’est ce qui s’est passé : des arbres bloquent l’entrée de ce tunnel et une rivière déborde. Mais il n’est pas question de remettre en cause ce travail. “Certains critiquent la couverture de La Deûme, mais pas moi, Alphonse tranche. La traversée de la ville se fait par l’avenue de l’Europe, les commerces se situent sur cette avenue. Les rues étaient auparavant si étroites que nous n’aurions pas pu nous déplacer correctement. Sans les arbres, ça se passerait très bien, la couverture de la Deûme. Les arbres le long de la rivière, je pense que c’est une hérésie.
Et malgré les dégâts, pas question non plus de quitter le centre-ville pour Eddy. Le 17 octobre, il a vu une vague arriver devant son agence immobilière, toujours fermée. « Jamais on n’aurait imaginé une telle vague, jamais, concède-t-il. On m’a posé la question : « Vas-tu rester ici ? La question ne se pose pas. Oui, nous allons rester ici car la ville aussi doit vivre. Nous savons que nous oublions cette rivière, alors peut-être que maintenant nous nous en souviendrons un peu plus. D’autant que cette inondation pourrait se reproduire. “La dernière fois, c’était il y a cent ans, je ne serai pas là pour le voir.”
“Si l’on choisit l’option de la découverte de la Deûme, c’est un bouleversement complet de la ville, il faut la repenser dans sa globalité.”
Simon Plenet, maire d’Annonaysur franceinfo
Des études hydrauliques seront réalisées pour comprendre le scénario de ces inondations. “Peut-être qu’à plus court terme se pose la question de savoir comment limiter la vulnérabilité du centre-ville pour protéger certains commerces”, explique le maire. Il y a aussi des exercices pour sensibiliser au fait que nous sommes dans une zone sujette aux inondations.
Certains bâtiments seront démolis, notamment celui qui abrite le Secours populaire, construit dans le lit de la rivière.
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