La taille de la Marine nationale n’ayant jamais été aussi réduite depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’idée de recréer une flotte auxiliaire afin de la soutenir en cas de crise a été prévue par la loi pour l’économie bleue. promulguée en 2016.
« Les navires battant pavillon français peuvent être affectés à une flotte à caractère stratégique permettant d’assurer en temps de crise la sécurité des approvisionnements de toutes sortes, des moyens de communication, des services et des ouvrages maritimes essentiels ainsi que de compléter les moyens de forces armées. La composition de cette flotte stratégique et les conditions de sa mise en œuvre sont déterminées par voie réglementaire », précise son article 58, qui a ensuite été intégré au Code de la défense. [article article L1335-4].
Les réflexions sur la création d’une flotte stratégique adossée à la marine marchande française ont été alimentées par plusieurs rapports [dont celui commandé en 2023 par le gouvernement au député Yannick Chenevard, rapporteur du budget de la Marine nationale]. Ce projet tarde cependant à se concrétiser, comme le rappelait récemment une étude du Centre d’études stratégiques de la Marine. [CESM].
Et pour cause : il reste encore des écueils à surmonter, à commencer par celui du format de la marine marchande française, qui se classe actuellement au 22e rang mondial, avec 424 navires. Ce qui, pour le CESM, est insuffisant « pour garantir nos approvisionnements, notamment énergétiques, en cas de crise majeure ».
Dans le rapport qu’il a déposé l’année dernière, M. Chenevard mentionnait les difficultés à identifier les navires marchands susceptibles d’être réquisitionnés. Il a également recommandé de réactiver la « Commission permanente des navires commerciaux aux besoins de la défense nationale ». [COPAND].
« Il serait approprié […]que les pouvoirs publics puissent avoir un accès permanent et en temps réel aux plans des navires qui composeraient la flotte stratégique. Cela présenterait un certain intérêt, par exemple pour la planification par une ambassade ou le ministère des Affaires étrangères et de l’Europe d’une opération d’évacuation d’urgence de nationaux», a déclaré le parlementaire.
Plus d’un an après, l’affaire n’a pas évolué. C’est du moins ce que l’on retient de l’intervention faite par Didier Lallement, le secrétaire général de la Mer, à l’occasion des Assises sur l’économie de la mer, organisées à Bordeaux le 19 novembre.
« Nous faisons tout pour être prêts. Pas dans dix ans, mais dans un avenir extrêmement proche. […] Il y a un besoin urgent d’une stratégie de résilience dans ce pays”, a déclaré M. Lallement, à propos de cette “flotte stratégique”, selon un rapport publié par Le Marin.
Ainsi, les questions sur les modalités d’une réquisition de navires de la marine marchande restent toujours sans réponse. « Que sommes-nous capables de mobiliser, d’envoyer ? Les équipages concernés sont-ils d’accord pour le faire ? Avec quels moyens d’entretien ? », a demandé M. Lallement. « Ce qu’il faut d’abord, c’est un élément de planification pour déterminer toutes ces conditions », a-t-il déclaré.
Par ailleurs, identifier les navires marchands susceptibles de faire partie de cette flotte stratégique est une chose… Il faut aussi s’intéresser à leurs équipages.
« En cas de crise et d’opération sensible devant être menée par des navires civils appartenant à la flotte stratégique, il apparaît important d’avoir la capacité d’imaginer pouvoir remplacer les marins étrangers par des marins de nationalité française. Quelques personnes interviewées à ce sujet […] a confirmé l’intérêt et la faisabilité si cette option s’avérait nécessaire pour des raisons de sécurité nationale », a souligné M. Chenevard.
D’où le nécessaire rapprochement entre la Marine nationale et la marine marchande française, cette dernière constituant naturellement un « vivier » pour la première en cas de crise majeure, notamment dans la réserve opérationnelle. Dans le dernier avis budgétaire qu’il a rendu, M. Chenevard s’est félicité de ce que plusieurs mesures qu’il avait préconisées pour aller dans ce sens soient désormais entrées en vigueur.
“La volonté de renforcer les réserves de la Marine nationale et des autres corps maritimes est un vrai point positif” puisque cela permet de tisser les “liens entre civils et militaires” qui existaient à l’époque de la conscription”, a déclaré M. Lallement. .
Il n’en demeure pas moins que, pour la Marine nationale, la création de cette « flotte stratégique » prend sans doute beaucoup trop de temps. En 2022, l’amiral Vandier, qui était alors son chef d’état-major [CEMM]avait suggéré la nécessité d’agir rapidement. « Nous avons perdu de vue la flotte auxiliaire qui existait dans les années 1980, mais nous en aurons sans doute bientôt à nouveau besoin. […] Il faudra partir de ce qui reste de la flotte sous pavillon français », avait-il alors déclaré. Et d’insister : « Nous aurons sans doute, face à une crise majeure, besoin de pétroliers et de navires de transport civils ».
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