La plupart des viols en France sont perpétrés dans un contexte familial, amical ou professionnel. Pas celui-ci. Le 11 septembre 2021, une jeune femme est violée en pleine rue, en Dordogne.
Ce soir-là, il était vers 0h30 lorsque Virginie (1), alors âgée de 35 ans, quitta son travail à Périgueux pour rentrer chez elle à pied à Boulazac-Isle-Manoire. Après la station-service Total, elle a été violemment agressée par un homme qui avait commencé à la suivre quelques mètres auparavant. Il la viole et, pendant qu’elle se débat, la bat.
Trois ans plus tard, Virginie s’apprête à affronter celui qui est accusé de l’avoir agressée. Il sera jugé devant la cour d’assises de Dordogne pour deux crimes (viol et tentative de meurtre), à partir de ce mercredi 20 novembre et jusqu’à vendredi 22. La victime, qui prévoyait de demander le huis clos, a accepté de livrer son témoignage à « Sud Ouest ».
Son histoire est celle d’une femme traumatisée. «Avant cela, je n’avais jamais eu peur», dit-elle. Je n’avais pas de permis et j’aimais rentrer chez moi à pied. Je le faisais tous les jours depuis un an, avec de la musique dans les oreilles. Rien ne m’était jamais arrivé. »
Arrêté grâce aux caméras
Virginie est incapable de raconter l’attentat lui-même, de le mettre en mots, même si elle se souvient de l’événement. « C’est gravé. Je ne suis pas sûr de me souvenir de tout, mais son visage, oui… je me voyais mourir. » Elle a été plaquée au sol dans un parc et battue. L’homme l’a frappé au visage et au ventre, avant de s’enfuir lorsqu’il a vu passer des voitures.
Virginie a trouvé la force de rentrer chez elle, tremblante. Son compagnon l’a emmenée aux urgences, où on lui a prescrit quinze jours d’incapacité totale de travail. Pour la mère de deux enfants, un long processus s’engage. “Il faut du temps pour s’en rendre compte”, a-t-elle déclaré. Je suis resté un moment dans le déni. Parfois, je ne l’accepte toujours pas. Mais nous n’avons pas le choix, il faut avancer. »
« J’ai peur d’être confronté à lui, ça va être dur. Mais je n’ai pas le choix »
Cinq jours après l’attaque, grâce aux caméras de vidéosurveillance, le suspect a été arrêté. Un policier a immédiatement appelé Virginie pour la rassurer : « Je lui ai fait répéter trois fois pour savoir si c’était vrai », se souvient-elle. C’était un vrai soulagement, car j’habitais à Boulazac et je ne pouvais pas sortir. »
Depuis, elle a quitté le département avec sa famille pour tourner la page. Mais la perspective de revoir son agresseur ravive son traumatisme : « À l’approche du procès, ce n’est pas évident », avoue Virginie. Les angoisses et les cauchemars reviennent. J’ai peur d’être confronté à lui, ça va être dur. Mais je n’ai pas le choix. Je m’y prépare. Ce qui m’a motivé depuis le début, ce sont mes enfants. Je le fais pour qu’ils aient un modèle de quelqu’un qui ne se laisse pas submerger par ses peurs. »
L’importance d’une plainte
Certaines victimes n’osent pas porter plainte. Mais Virginie a tenu à se constituer partie civile : « Je suis très fière de le faire pour ma fille ; pour tous ceux qui n’ont pas réussi à le faire et pour que cela ne recommence pas. Il m’a offert la pire nuit de ma vie. J’aimerais qu’il purge un certain nombre d’années de prison. Je ne sais pas combien ce sera. L’important c’est qu’il soit condamné, que ce soit écrit. Considérez-le comme dangereux et payez-le. »
“C’est quand la police m’a dit qu’il s’agissait d’un viol que j’ai réalisé”
L’agresseur de Virginie lui a fait subir une pénétration vaginale et anale avec les doigts. Elle ignorait que ces actes constituaient un viol : « J’ai dit à la police qu’il m’avait agressée, mais que j’avais réussi à l’empêcher de me violer. Je suis tombé d’un endroit très haut. C’est lorsque la police m’a dit qu’il s’agissait d’un viol que j’ai réalisé. J’ai tout de suite su que c’était sérieux, mais pas à quel point. Je ne savais pas que le viol pouvait aussi être ça. »
Virginie lance un message à toutes les victimes, à celles qui n’oseraient pas porter plainte : « On ne peut pas laisser les agresseurs s’en tirer sans aucune impunité. Il faut aller jusqu’au bout. Se battre jusqu’au point final. C’est dur, mais on ne se bat pas pour rien. »
Malgré sa résilience, Virginie a changé son mode de vie : « Il fallait que je passe mon permis de conduire pour sortir de chez moi et me sentir en sécurité. Aujourd’hui, je ne sors qu’à pied le jour, car cela se passait la nuit. Je ressens de la peur, de l’anxiété… Maintenant que je vis à la campagne, je pense que je pourrai surmonter tout ça ; mais pas en ville. Il y a toujours cette appréhension. »
L’accusé, Jordan Sobriel, alors âgé de 31 ans, a reconnu les faits. Il était sous l’emprise de l’alcool et du cannabis. Le tribunal rendra son verdict vendredi 22 novembre.
(1) A sa demande, son prénom a été modifié.
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