Lula, champion de la Terre ou fossoyeur du climat ? Au COP29 en Azerbaïdjan ou au G20 de Rio, le président brésilien affiche volontiers des positions écologiques ambitieuses. Mais hors du radar des médias internationaux, le leader soutient l’exploration pétrolière et la construction d’une route traversant la forêt amazonienne.
« Il fait clairement le grand écart, avec une forme d’hypocrisie »note Catherine Aubertin, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Pour un coordinateur du collectif brésilien Coalition pour le climat, cité par Courrier internationalle gouvernement Lula manifeste « un déni discret »OMS « reconnaît le changement climatique et dispose de politiques pour le combattre »mais continue « parier sur de fausses solutions, qui ne réduiront pas le réchauffement climatique ».
Le principal symptôme de cette dualité est le soutien sans faille du leader à l’or noir. « Dans ses engagements climatiques pris pour le COP29Le Brésil ne parle pas du tout de pétrolenotes Catherine Aubertin. Au contraire, le pays prévoit d’augmenter ses exportations de pétrole de 36 %. % d’ici 2035, selon les calculsONG. »
« Dans ses engagements climatiques pour COP29Le Brésil ne parle pas du tout de pétrole »
Début novembre, le président a réaffirmé son soutien à la prospection pétrolière dans l’océan, à quelque 540 km de l’embouchure de l’Amazonie. En contradiction avec sa propre administration : plusieurs experts de l’agence environnementale brésilienne, Ibama, ont rejeté ce projet en merce qui pourrait menacer un écosystème marin exceptionnel.
« Ce projet pourrait avoir un impact significatif sur l’environnement de la région et menacer les moyens de subsistance des populations autochtones qui vivent et dépendent du fleuve, y compris au moins un groupe isolé. »souligne Priscilla Oliveira, duONG Survie internationale. Mais pour Lula, c’est un « opportunité de développer ce pays ».
Paradoxalement, le dirigeant soutient qu’une partie des revenus pétroliers pourrait servir à financer la transition énergétique. Des revenus qui sont tout sauf négligeables pour le pays, qui est le premier producteur d’Amérique latine. L’opposition de Marina Silva – la farouche ministre de l’Environnement de Lula – apparaît insuffisante face au poids financier de l’or noir.
Une route qui augmenterait la déforestation en Amazonie
Autre pomme de discorde entre le président et son ministre, le projet de réhabilitation d’une route transamazonienne. En septembre dernier, Lula a annoncé la reprise des travaux d’asphaltage d’un tronçon entre les villes de Porto Velho et Manaus, à travers la forêt tropicale.
Projet hérité de la dictature militaire des années 1970, cette route BR-319 devait permettre de coloniser l’Amazonie. Mais une partie du parcours restait sous forme de piste, quasiment impraticable pendant la saison des pluies. L’idée de goudronner cette portion a émergé ces dernières années, au nom du développement économique et du désenclavement.
Problème, scientifiques et écologistes craignent que la finalisation de cette route ne donne une impulsion considérable à la déforestation. « La déforestation se produit généralement en forme d’arête de poisson le long des routes. »indique Catherine Aubertin. Bref, les défricheurs ouvrent des chemins illégaux en utilisant l’asphalte existant.
« La route pourrait entraîner une déforestation au cœur même du massif forestier »
« La déforestation est déjà trois fois plus importante sur les tronçons asphaltés de la route. BR-319remarque Lucas Ferrante, biologiste de l’Université d’Amazonas, interviewé par RFI. Si la route est asphaltée, nous avons calculé que la région subira une déforestation 1 200 % supérieur à la déforestation observée en 2011 lorsque la route n’était pas praticable. » Soit une superficie déboisée équivalente à la taille du Royaume-Uni, selon le chercheur.
Avec des conséquences désastreuses pour les peuples indigènes vivant dans cette région :« Le pavage n’a même pas encore commencé et les niveaux de déforestation dans les zones environnantes ont déjà augmentédécrit Priscilla Oliveira. Par exemple, au cours des trois dernières années, le territoire isolé du peuple Jacareúba Katawixi a connu une augmentation de la déforestation. »
Autre crainte, pour Catherine Aubertin : « Jusqu’à présent, la forêt a été attaquée en lisière, mais la route pourrait entraîner une déforestation au cœur même de la forêt. »explique-t-elle. Une catastrophe potentielle, alors même que la coupe d’arbres commence à ralentir : entre août 2023 et juillet 2024, la déforestation en Amazonie a diminué de 30,6 %. %, atteignant son plus bas niveau depuis neuf ans.
Un président mains et pieds liés » ?
Pourquoi Lula soutient-il un tel projet écocide ? ? « Il n’a pas les mains complètement libresestime le directeur de recherche. Le Congrès est dominé par les conservateurs, avec de nombreux représentants de l’agro-industrie, et donc de grands propriétaires fonciers. Il est un peu pieds et poings liés. » Le leader avance ainsi sur une ligne de crête, au détriment de l’environnement. « Des efforts ont été faits en Amazoniecontinues Catherine Aubertin. Mais d’autres régions, comme le Pantanal ou le Cerrado, se trouvent dans des situations dramatiques. »
Coincé au niveau national, le leader use de sa verve et de son aura sur la scène mondiale. Mais des paroles aux actes, il y a un fossé que Lula aura du mal à franchir. Il y a donc peu à attendre de la diplomatie brésilienne en matière de climat.
Lors du G20 de Rio, qui se déroule jusqu’au 19 novembre, le président Lula espère surtout marquer des points sur les questions sociales, notamment en lançant une Alliance mondiale contre la faim et la pauvreté. À Bakou, au Brésil, hôte du prochain FLICen 2025 — semble conditionner son ambition climatique au montant des crédits de carbone forestier et des fonds alloués à la préservation de l’Amazonie.
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