Alors que les agriculteurs manifestent et que la Commission européenne veut accélérer la signature de l’accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur, l’ensemble de la classe politique française s’y oppose.
Ses représentants craignent une concurrence déloyale et l’arrivée sur le marché européen de produits non conformes aux normes en vigueur sur le continent.
L’opposition estime cependant qu’Emmanuel Macron ne fait pas tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la ratification.
Les agriculteurs français ont lancé ce lundi 18 novembre « l’acte 2 » de colère contre le traité de libre-échange UE-Mercosur. La Commission européenne espère signer l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay et Bolivie) d’ici la fin de l’année, mais les agriculteurs craignent un afflux de viande latino-américaine et mettent en garde contre une concurrence déloyale de produits non soumis. aux normes strictes en matière d’environnement et de santé en vigueur en Europe. Dans leur combat, ils sont soutenus par l’ensemble de la classe politique française.
Le président de la République le répète depuis des mois et l’a redit ce week-end : l’accord est “mauvais” et la France “va continuer” de s’y opposer. « Je veux rassurer tous nos agriculteurs : nous n’abandonnerons pas notre souveraineté alimentaire. La France ne soutiendra pas l’accord UE-Mercosur dans sa version actuelle. » a-t-il écrit sur X dimanche soir, après sa rencontre avec son homologue argentin Javier Milei. Sur le tarmac de l’aéroport de Buenos Aires, il a ajouté : “On ne peut pas demander à nos agriculteurs (…) de changer leurs pratiques, de se passer de certains produits phytosanitaires”afin d’avoir une production “haute qualité”et « tout en ouvrant notre marché aux importations massives de produits qui ne respectent pas les mêmes critères ». Le chef de l’Etat critique un accord qui ne prend pas en compte le sujet de la biodiversité et du climat, et des règles qui à ses yeux ne le sont pas. “homogène” avec les règles européennes (il veut donc introduire les fameuses « clauses miroir »).
Un accord qui « ne servira que les intérêts de quelques grandes entreprises »
Les écologistes sont contre le traité pour les mêmes raisons : il « délétère pour notre biodiversité et nos forêts, mais aussi pour nos agriculteurs et nos salariés injustement mis en concurrence avec des marchés aux normes environnementales et sociales moindres »» ont déclaré les députés européens du parti en octobre dernier dans une lettre adressée au Premier ministre Michel Barnier pour demander l’arrêt des négociations sur l’accord. Le Parti socialiste prône également un « tolérance zéro pour les produits importés non conformes aux normes européennes et notamment l’utilisation de pesticides ». Insoumise France dénonce un accord qui « ne servira que les intérêts de quelques grandes entreprises au détriment de l’intérêt général » et mènera « une concurrence brutale pour notre agriculture, un afflux de denrées alimentaires non soumises à aucun contrôle sanitaire approprié, l’accélération en Amazonie d’une déforestation désastreuse pour l’environnement et le climat mondial ».
A droite, les Républicains voient ce traité comme une atteinte à la souveraineté de la France. Aussi, «Je ne veux pas donner à mes enfants du bœuf qui a grandi avec des accélérateurs de croissance»a déclaré le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand ce lundi matin sur TF1. Lors d’une récente réunion, le président du Rassemblement national Jordan Bardella a estimé, en ciblant le traité UE-Mercosur, que « Le pronostic vital de l’agriculture française est aujourd’hui menacé. Si nous ne prenons pas dès maintenant des mesures protectionnistes pour protéger notre agriculture de la concurrence internationale déloyale, notre agriculture ne survivra pas. ». Selon lui, l’accord « engorgerait notre marché avec des produits ne respectant en rien les normes que nous imposons aux agriculteurs français et détruirait une partie de nos filières ».
Emmanuel Macron pas assez actif pour rassembler une minorité de blocage ?
Mais malgré leur accord sur le fond, ce qui crispe une partie de la classe politique, c’est le manque supposé de volonté d’Emmanuel Macron d’empêcher la ratification du traité. Ce lundi matin sur LCI, la députée écologiste Sandrine Rousseau a critiqué le « effets sur le menton » par Emmanuel Macron. “Pour l’instant, il n’y a aucune déclaration ni aucune mesure qui permette réellement de ne pas signer le Mercosur”elle a dénoncé. “Vous n’avez pas renégocié le mandat de négociation avec l’Union européenne, c’est-à-dire que l’Union européenne a toujours le même mandat de négociation et vous n’organisez pas au sein de l’Europe une minorité de blocage”elle a déploré.
Pour ratifier le texte, la Commission européenne pourrait choisir de passer par une procédure ne nécessitant pas un vote unanime des 27, au cours duquel la France pourrait user du droit de veto dont elle dispose, mais un vote à la majorité qualifiée. Pour cela, 15 pays, représentant au moins 65 % de la population, doivent voter pour. Mais ils sont actuellement trop peu nombreux pour constituer une minorité de blocage et la France doit convaincre au-delà du Luxembourg, de Chypre ou de Malte.
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Samedi, sur franceinfo, la présidente de la commission des affaires économiques, Aurélie Trouvé (LFI) a vivement critiqué l’attitude du chef de l’Etat, qui a selon elle tardé à tenter d’organiser la fronde au niveau européen contre ce texte. « Il est peut-être temps d’organiser une minorité de blocage »elle a dit. « Monsieur Macron, arrêtez votre cirque avec le Mercosur. Nous exigeons que ce traité soit discuté à l’Assemblée Nationale et qu’il ne s’applique pas si les Français ne le votent pas »a enjoint Jean-Luc Mélenchon (LFI) au président de la République, lors d’un entretien sur France 3 dimanche. Le groupe des députés Insoumis avait prévu l’examen dans sa case parlementaire le 28 novembre d’un projet de résolution invitant le gouvernement à refuser ce traité. Le gouvernement l’a jugée irrecevable le 5 novembre, tout comme une proposition de résolution similaire du groupe RN avait été jugée irrecevable début octobre.
600 parlementaires unis pour exiger un vote des Parlements
Les parlementaires français sont également unis dans leur demande à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, de ne pas outrepasser la représentation nationale. Car en choisissant de voter le texte à la majorité qualifiée, la Commission européenne empêcherait les parlements de tous ses Etats membres de voter pour ou contre l’accord (au terme de la procédure classique, le Conseil de l’UE doit décider à la majorité). et le texte obtient l’approbation du Parlement européen puis soit ratifié par les parlements de chaque État membre). Aussi, le 12 novembre, plus de 600 parlementaires français (députés, sénateurs et députés européens), issus de plusieurs groupes parlementaires (PS, Liot, MoDem, Horizons, UDI, PCF), lui ont écrit pour lui dire qu’ils n’imaginaient pas qu’elle pouvait se passer de leur avis. “On ne conçoit pas non plus que la Commission et le Conseil se rangent du côté de l’opposition de la France, grand pays fondateur de l’Union”ajoutent-ils.
Pour les parlementaires signataires de cette lettre, la France a posé “trois conditions pour signer l’accord” : « ne pas augmenter la déforestation importée dans l’Union européenne, mettre l’accord en conformité avec l’accord de Paris sur le climat et introduire des mesures miroirs en matière de santé et d’environnement. Évidemment, ces conditions ne sont pas remplies ». Ils dénoncent “l’ouverture de quotas supplémentaires sans droits de douane ou à taux réduits pour la viande bovine, la volaille, le maïs, le sucre et l’éthanol, se ferait inévitablement au détriment des producteurs et éleveurs européens, sur fond de distorsions de concurrence et de ‘naïveté coupable’ avec le manque de contrôles sur les produits importés » et un accord qui pèserait « un risque important pour la sécurité des approvisionnements agricoles et la traçabilité alimentaire en Europe ».
Après un accord « politique » scellé en 2019 entre l’UE et les pays du Mercosur, l’opposition de plusieurs pays, dont la France, a bloqué son adoption définitive, même si des pays comme l’Allemagne et l’Espagne espèrent qu’il sera signé d’ici la fin de l’année. .
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