Cette chanson a littéralement changé la vie de son compositeur, Charles Dumont, décédé dans la nuit du 17 au 18 novembre, et celle de son interprète, Edith Piaf. Les Français l’ont entendu pour la première fois non pas au théâtre, mais à la télévision Non, je ne regrette rien. 2 décembre 1960, exclusivement pour le spectacle Cinq colonnes en première page, Edith Piaf apparaît petite et fragile dans son éternelle robe noire. Dès qu’elle chante le premier couplet, l’artiste se transforme, comme si elle avait transcendé.
“Quand Michel Vaucaire (le parolier) et Charles Dumont (le compositeur) m’a pris la première fois Non, je ne regrette rienc’était comme une sorte de révélation en moi, c’est à dire que je sentais que je devais tout effacer, que je recommençais, que j’étais complètement renouvelé.”a-t-il confié. Charles Dumont avait alors 31 ans et ne croyait guère en ses possibilités, puisqu’Édith Piaf lui avait déjà refusé plusieurs titres. “J’étais en grande difficulté financière. J’ai écrit cette chanson avec colère», disait-il en 2013. C’est le parolier Michel Vaucaire, époux de la chanteuse Cora Vaucaire, qui a tenu à présenter cette chanson à Edith Piaf.
Le rendez-vous est fixé au 20 octobre 1960. La secrétaire d’Edith Piaf téléphone pour annuler, la chanteuse ne se sent pas bien, mais les deux hommes ne reçoivent pas le message et se présentent à 17 heures à l’adresse de Piaf, 67 boulevard Lannes à Paris. La secrétaire s’apprête à les renvoyer lorsqu’ils entendent la voix de Piaf crier : «Amenez-les puisqu’ils sont là.»
Il les accueille en robe de chambre, chaussons aux pieds. Charles Dumont s’assoit au piano et joue. Puis il lui demande de recommencer, une, deux fois, trois fois… “Quand il aimait une chanson, a expliqué le compositeur, il l’a joué à tous ses amis. J’ai vu tout le monde marcher. J’ai commencé à cinq heures jusqu’à deux heures du matin (…) Je me couche, le téléphone sonne et elle me dit : ‘Tu ne peux pas revenir et me jouer la chanson ? Je me suis levé et je suis retourné boulevard Lannes !
Victime de graves problèmes de santé et d’addictions, la chanteuse avait quitté la scène un an plus tôt, épuisée. Avec Non, je ne regrette rienil revient et sauve Olympia, alors au bord de la faillite. Le 29 décembre 1960, tout Paris s’y presse, ravi de la retrouver. Le journaliste et écrivain Jacques Pessis déclare : «Elle monte sur scène, se dirige vers le micro et il y aura 16 minutes d’applaudissements permanents. Du jamais vu dans l’histoire du music-hall. »
Edith Piaf chante de nouveaux titres composés pour elle par Charles Dumont, dont Non, je ne regrette rien et il a remporté un triomphe. Pour Jacques Pessis, «Piaf avait un sens des chansons, des paroles et de la musique qui touchaient le public car elle est née dans la rue, elle y a grandi. Il a tout de suite compris que dans cette chanson il y avait une idée, une mélodie qu’il pouvait chanter. C’est pourquoi il l’a fait sienne totalement. » Il restera en tête du hit-parade de l’époque, le « marché des stars », pendant 48 semaines. C’est l’une des chansons d’Edith Piaf les plus célèbres au monde. La vie en rose.
Chanson légendaire
On a parfois dit et écrit que le petit Piaf était dédié Non, je ne regrette rien à la Légion étrangère. Le journaliste Jacques Pessis tient à corriger : «C’est la Légion qui a pris cette chanson pour en faire un hymne car elle correspondait à ce que pensent les soldats, ils ne regrettent jamais rien au combat. On ne compte plus les artistes qui ont un jour interprété cette chanson mythique : Dalida, Johnny Halliday, Mireille Mathieu, Nicolas Peyrac, Patricia Kaas, Tina Arena… et bien sûr Charles Dumont !
La petite Piaf la chanta jusqu’à la fin de sa vie en 1963. Et Jacques Pessis de conclure : «Piaf n’a jamais rien regretté et surtout son retour sur scène en 1960, alors que tout le monde pensait qu’elle ne parviendrait pas à se lever du lit. Grâce aux trois années suivantes sur scène, il a prolongé sa vie, il n’a vécu que pour la scène.
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