La décision historique du Parlement israélien d’empêcher l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens d’opérer à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est a suscité de vives réactions et soulève de nombreuses questions. Explications.
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15 novembre 2024 – 09h55
Lundi 28 octobre, le Parlement israélien (Knesset) a voté à une large majorité – 92 voix pour et 10 contre – deux lois interdisant à l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) d’opérer en Israël et aux responsables israéliens de communiquer avec l’organisation. . , empêchant ainsi leur travail à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Cette législation doit entrer en vigueur dans un délai de trois mois.
Une grande partie de la communauté internationale, dont la Suisse, les organisations humanitaires et les Nations Unies (ONU), ont dénoncé cette décision, rappelant le rôle clé de l’agence dans l’aide aux réfugiés palestiniens, notamment dans la bande de Gaza déchirée par la guerre.
Pourquoi cette interdiction ?
Historiquement opposé à l’UNRWA, Israël estime que cette organisation humanitaire, créée en 1949 et qui continue d’apporter son soutien aux descendants de Palestiniens déplacés par la guerre de 1948, perpétue le conflit israélo-palestinien en permettant le transfert du statut de réfugié pour une génération la suivante. à l’autre.
Depuis le début de l’année, le gouvernement israélien accuse l’UNRWA d’être infiltré par le Hamas, accusant plusieurs employés de l’agence d’avoir participé aux attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023. Des allégations évoquées par les législateurs qui ont rédigé ces lois.
Une enquête interneLien externe de l’ONU a conduit au licenciement de neuf membres du personnel en raison de leur implication possible dans ces attaques. Une autre enquête externe n’a révélé aucun défaut majeur concernant la neutralité de l’organisation.
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Quelles conséquences pour l’UNRWA et l’aide humanitaire ?
C’est ce qu’a déclaré le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, sur PlatformLien externe que « si elles étaient appliquées, les lois […] cela empêcherait probablement l’UNRWA de poursuivre son travail essentiel dans les territoires palestiniens occupés. Un constat partagé par le commissaire général de l’UNRWA, le Suisse Philippe Lazzarini, selon qui “ces lois ne feront qu’aggraver les souffrances des Palestiniens, notamment à Gaza, où depuis plus d’un an nous vivons dans un véritable enfer”. .
L’interdiction d’opérer sur le territoire israélien menace directement le siège de l’UNRWA à Jérusalem-Est, partie de la ville occupée par Israël depuis son annexion en 1967, ainsi que ses activités dans le camp de réfugiés de Shuafat.
L’interdiction de communiquer avec l’agence met en péril ses opérations en Cisjordanie et à Gaza, car pour transporter et distribuer l’aide dans ces deux zones, l’UNRWA est obligée de collaborer avec les autorités et l’armée israélienne, notamment pour sa sécurité. Cependant, en vertu de la nouvelle législation, Israël ne fournira plus au personnel de l’agence les permis de travail ou les visas nécessaires.
Interviewé au micro de la RTSLien externeJonathan Fowler, porte-parole de l’UNRWA, s’est dit “préoccupé” par l’avenir, même si les conséquences concrètes restent difficiles à prévoir en attendant que ces textes soient mis en pratique.
« Mais en réalité, si cette loi était appliquée, elle pourrait perturber nos opérations en Cisjordanie, à Jérusalem-Est et à Gaza, où nous sommes l’épine dorsale de l’aide humanitaire internationale », a-t-il ajouté.
Dans la bande de Gaza, où vivent 9 Palestiniens sur 10Lien externe ont été déplacés après plus d’un an de guerre destructrice, l’UNRWA reste le principal fournisseur d’aide humanitaire sur lequel comptent d’autres organisations. L’agence y emploie environ 13 000 personnes. Elle gère également de nombreuses écoles et centres de santé en Cisjordanie, en Jordanie, au Liban et en Syrie.
swissinfo.ch / Kai Reusser & Abdelhafidh Abdeleli
Est-il possible de remplacer l’UNRWA ?
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu l’a ditLien externe le 28 octobre, soyez « prêts à travailler ». [ses] partenaires internationaux pour garantir qu’Israël continue de faciliter l’aide humanitaire aux civils à Gaza d’une manière qui ne menace pas la sécurité d’Israël » ou par l’intermédiaire d’autres organisations.
António Guterres et Philippe Lazzarini estiment que l’agence est « irremplaçable ». Un message soutenu par d’autres acteurs humanitaires régulièrement évoqués comme possibles substituts, dont l’Organisation internationale pour les migrations (OIM)Lien externe. Le directeur du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) l’a également signalé en avril. TempératureLien externe que l’organisation de Genève « ne [reprendrait] pas le mandat de l’UNRWA.
Interviewé au micro de la RTSLien externeJean-Daniel Ruch, ancien ambassadeur de Suisse en Israël (2016-2021) estime qu’« il n’est pas réaliste en cas d’urgence » de remplacer l’UNRWA par un autre acteur, privé ou onusien. « Cela me semble extrêmement difficile. Car pour fournir cette aide humanitaire, il faut disposer de réseaux de fournisseurs pour acheter du matériel, de réseaux de livraison à la frontière de Gaza, de camions et d’un réseau de distribution à l’intérieur même de Gaza par des personnes qui connaissent le terrain ».
Que dit le droit international ?
Les dirigeants de l’ONU et de l’UNRWA, ainsi que de plusieurs États, ont déclaré que le vote du parlement israélien violait le droit international.
Professeur de droit international à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève, Fouad Zarbiyev estime qu’il s’agit bien d’une « nouvelle violation scandaleuse » de la Charte des Nations Unies et du droit international par Israël.
En devenant membres de l’ONU, les États s’engagent à lui offrir sur leur territoire les conditions nécessaires à l’exercice de ses activités. Conditions définies dans la Charte des Nations Unies et la Convention des Nations Unies sur les privilèges et immunités, deux traités qu’Israël s’est engagé à respecter. “La décision du Parlement israélien constitue une violation grave et injustifiable de ces accords”, ajoute le professeur.
L’UNRWA fonctionne sous le mandat de l’Assemblée générale, un organe des Nations Unies auquel siègent tous les États membres. Selon Fouad Zarbiyev, Israël ne peut légalement interdire unilatéralement les activités de cette agence sur son territoire, ni interdire les contacts nécessaires entre ses autorités et l’organisation.
« L’ONU ne doit pas dépendre de la bonne volonté des autorités israéliennes. Nous parlons d’engagements pris en vertu du droit international. À moins qu’Israël ne quitte les Nations Unies, il lui sera difficile de dire que cette décision est légalement justifiée », a-t-il déclaré.
Le chef de l’UNRWA, le Suisse Philippe Lazzarini, a déclaré que la législation « exacerberait les souffrances des Palestiniens » et menacerait « d’affaiblir notre mécanisme multilatéral commun ».
Keystone/Salvatore Di Nolfi
Que peuvent faire l’ONU et la communauté internationale ?
Le 29 octobre, António Guterres a envoyé une lettreLien externe au Président de l’Assemblée générale dans lequel il évoque la possibilité qu’« il existe une situation dans laquelle un différend est survenu entre les Nations Unies et Israël concernant, entre autres, l’interprétation ou l’application de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies ». Nations.
Selon Fouad Zarbiyev, cela signifie, entre les lignes, qu’il encourage les membres de cette instance à demander à la Cour internationale de Justice (CIJ), la plus haute instance judiciaire des Nations Unies, de produire un « avis consultatif » sur un éventuel différend opposant Israël contre l’ONU sur ce point.
« Aux termes de la convention, cet avis consultatif doit être reconnu comme contraignant par les parties », explique-t-il. Si la Cour internationale de Justice (CIJ) devait conclure qu’Israël ne respecte pas le droit, « cela saperait encore davantage sa légitimité ». Il a ajouté : « C’est une chose que l’Assemblée générale ou le Secrétaire général déclare qu’il s’agit d’une violation du droit international. Mais la situation est complètement différente si cet avis émane du principal organe judiciaire des Nations Unies. »
Si la Cour internationale de Justice détermine que le droit international ne permet pas à Israël d’interdire l’UNRWA, alors le Conseil de sécurité ou l’Assemblée générale peuvent agir sur cette base. Leur action pourrait aller d’une résolution ferme condamnant Israël à une décision de révoquer certains droits, voire même d’imposer des sanctions ou de l’exclure de l’ONU, ce qui est cependant une option irréaliste. La pression internationale pourrait influencer la manière dont Israël met en œuvre ces lois.
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Quelles conséquences pour l’ONU ?
Philippe Lazzarini estime que la décision du Parlement israélien crée un “dangereux précédent” et menace “d’affaiblir notre mécanisme multilatéral commun”.
Le directeur onusien du groupe de réflexion Crisis Group à New York, Richard Gowan, précise cependant ce constat. « L’idée selon laquelle il s’agit d’une situation sans précédent et d’un dangereux précédent pour les Nations Unies est exagérée. »
Ce n’est pas la première fois qu’un État s’oppose aux activités de l’ONU sur son territoire. Le gouvernement malien, arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’État en 2021, avait par exemple critiqué la mission de maintien de la paix des Nations Unies au Mali, lui imposant des restrictions opérationnelles avant d’obtenir son retrait au Conseil de sécurité.
“Mais il est vrai qu’il est inhabituel qu’un pays interdise de cette manière effectivement les activités d’une agence onusienne”, précise l’expert.
Si Israël ignorait les décisions des organes de l’ONU, « alors cela enverrait un signal très fort indiquant que nous pouvons pousser l’ONU vers la sortie comme nous le souhaitons », ajoute-t-il. « Et si Israël le fait, alors d’autres penseront qu’ils peuvent le faire aussi. »
Texte corrigé et vérifié par Imogen Foulkes/livm/ptur
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