«Je m’appelle Pierre Sourgen. Je ne vis qu’à travers les paroles de mon épouse bien-aimée et celles de mon avocat. » Lorsqu’il prend la parole pour sa constitution de partie civile, ce 13 novembre, M.e Stéphane Guitard fait revivre quelques instants ce paisible retraité de Floirac, tué à coups de poing et de pied, le 10 avril 2021 dans les parties communes de sa résidence. «Des actes de gratuité incroyablement atroces», selon l’avocat, qui ont donné lieu à ce que cinq jeunes soient jugés depuis le 7 novembre par la cour d’assises de la Gironde.
Le principal accusé, Romain Barros, comparaît devant son procès pour meurtre. Trois autres sont jugés pour complicité de meurtre, car ils ont participé à une avalanche de coups dont on ne sait pas lesquels ont été mortels. Une jeune fille, restée passive face aux événements, doit répondre de non-dénonciation d’un délit.
Selon l’accusé, tout est parti d’une remarque déplacée du sexagénaire à l’égard de la jeune fille de ce groupe, venue squatter les lieux pour boire et fumer, faisant fi des obligations liées à la crise sanitaire.
«Meurtre collectif»
« A 68 ans, il avait un discours de son âge, il ne disait pas : ‘Tu es bien bourré’. C’est dégoûtant de répéter ça aujourd’hui, de ternir sa mémoire”, gronde M.e Guitare. En relisant des témoignages élogieux, l’avocat veut au contraire croire que Pierre Sourgen est parti sans agonie, « avec le sentiment du devoir accompli. Sentimentalement, amicalement et professionnellement. »
“Ils lui ont fracassé le crâne par terre comme une noix.”
«Cette affaire, c’est la mort pour rien d’un retraité sans antécédent», estime le procureur général Alain Pellegry. Il décrit un « comportement non humain », « un meurtre barbare d’une sauvagerie incroyable », « une tuerie collective jouissive et barbare », « un massacre perpétré par quatre individus sans cervelle issus de familles à problèmes, en marge voire aux dépens de la société ». . «Ils lui ont fracassé le crâne par terre comme on écrase une noix», résume-t-il.
«Ils ont évité leurs responsabilités même en leur absence d’empathie», soupire le procureur général. Lorsqu’il a été retrouvé ainsi défiguré et ensanglanté, Pierre Sourgen « était vêtu d’un bleu de travail symbolique, aux antipodes du comportement toxique, violent et parasitaire de l’accusé. Il aurait pu être n’importe lequel d’entre nous. Ce dossier doit servir d’exemple, il a un intérêt sociétal. »
« Jugés comme coauteurs »
Les propos, toujours justes, sont durs, pesés, pleins de colère et d’indignation réprimées. Romain Barros, « qui a fait de la violence un mode de vie et d’expression », « a excité et incité les trois hommes à participer au lynchage. Et eux, même s’ils étaient moins impliqués, portaient des coups. Ils doivent être jugés comme coauteurs, il faut exclure toute autre qualification juridique qui allégerait leur peine », précise Alain Pellegry.
Le magistrat requiert trente ans de réclusion criminelle et une peine de sûreté des deux tiers contre Romain Barros, soupçonné d’avoir joué un rôle central. Il demande quatorze ans de réclusion à l’encontre des deux jeunes qui, pour l’un, ont bloqué le passage de la victime qui voulait fuir, et pour l’autre, lui ont fait un effleurement qui l’a fait tomber à terre ; et douze ans contre le dernier qui a également frappé le sexagénaire. Enfin, il requiert une peine de six mois à un an avec sursis à l’encontre de la jeune femme. Le verdict est attendu vendredi.
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