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Faire la mort | Penser à sa mort pour mieux la vivre

Contempler sa propre mort et celle de ses proches fait peur. C’est pourtant dans l’espoir d’ouvrir une brèche sur ce sujet trop souvent éludé que Krystel Descary a écrit sa plus récente pièce intitulée faire la mort et présenté ce mardi à l’Espace Go.

Depuis plusieurs années, le dramaturge et interprète s’intéresse de près à l’accompagnement des personnes en fin de vie. Elle est restée aux côtés de sa grand-mère dans les jours qui ont précédé sa mort et a réalisé à travers les événements de sa vie qu’elle avait une « prédisposition naturelle à traverser cette étape de la vie ». Elle s’est même inscrite à une formation d’initiation au métier de thanadoula, ces sages-femmes de la mort qui accompagnent les mourants vers leur dernier souffle.

Cette « prédisposition » l’a amenée à écrire faire la mortune autofiction documentée qui tourne autour de divers éléments de sa vie : son enfance avec une mère monoparentale, des rencontres sporadiques avec un père qui ne l’a pas reconnue à la naissance, la mort d’un ami, un accident de voiture qui aurait pu la tuer… » Tout est vrai dans cette pièce, même si j’ai ajouté des éléments de fiction avec le rôle de la thanadoula », explique Krystel Descary.

Ce personnage, interprété par la dramaturge elle-même, guide le public à travers les différentes étapes du « processus de ralentissement » qu’est la mort. Le tout avec bienveillance et une grande part de lumière. “Penser à ma propre mort est un exercice qui a changé ma vie”, dit l’artiste, qui espère que son texte ouvre au spectateur “un chemin pour commencer à penser et à entrer en soi, de manière très douce”.

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PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

La dramaturge Krystel Descary et la réalisatrice Marie-Ève ​​Milot

« La mort est un territoire inconnu pour ceux qui partent comme pour ceux qui restent », insiste-t-elle. Il faut y penser à l’avance. Lorsque la maladie arrive ou que la mort survient subitement, il faut être en contact avec cet espace en soi, sinon les étapes seront plus difficiles à vivre. »

faire la mort est une offrande. Si cela accompagne les gens dans leur vie, je dirai « mission accomplie ».

Krystel Descary, dramaturge et interprète

La réalisatrice Marie-Ève ​​Milot est consciente que le sujet peut faire peur ou rebuter. « Pourtant, il y a quelque chose de terriblement lumineux dans ce spectacle. Nous souhaitons aborder le deuil différemment, de manière très libératrice. Je crois que penser à sa propre mort vous permet de traverser votre vie en vous demandant comment rester pleinement en vie. »

Elle poursuit : « Il est très important pour moi que le public reste accompagné dès son entrée jusqu’à sa sortie de la salle. Les spectateurs seront également invités, s’ils le souhaitent, à participer à un rituel en déposant un objet qui leur aura été offert au début de la représentation. » La musique et le chant prendront également une place de choix, avec la présence sur scène du musicien Mykalle Bielinski.

« Avoir un espace pour faire le deuil est nécessaire dans une société hyperactive qui vous paie deux jours pour pleurer une mère, un frère », ajoute celle qui a perdu son frère l’année dernière, suite à une crise cardiaque. « Ce spectacle est la meilleure chose qui pouvait arriver dans ma vie, car mon métier répond à une quête personnelle de manière très profonde et sensible. »

Il y a beaucoup de considérations juridiques concernant la mort dans l’actualité, notamment en ce qui concerne l’aide médicale à mourir. Le spectacle offre un fil humain intéressant à tout cela.

Marie-Ève ​​Milot, director

L’attrait de la mort

Krystel Descary a beaucoup réfléchi à l’attrait que la mort exerce sur elle. « Depuis tout petit, je pense que je m’intéresse à tout ce qui est mystique : la mort, les suites, l’au-delà… Avec le recul et de nombreuses années de thérapie, je comprends que l’absence de mon père y est pour quelque chose. Il représentait très probablement l’invisible, l’inconnu. Je pense que j’ai toujours eu intérêt à essayer de comprendre ce qui n’est pas visible. »

Son spectacle aborde ainsi les différents deuils qui rythment nos vies. « Il y a des deuils qui sont interdits : le deuil d’un enfant non reconnu, d’un enfant adopté, d’une fausse couche, d’une carrière, d’une famille… Il y a un déni face à ces deuils, car tout le cercle social les nie. . Cela finit par créer un dysfonctionnement. »

Qu’il soit petit, grand, invisible ou vécu au grand jour, le deuil fait partie intégrante de la vie. Et c’est l’universalité du sujet que les deux femmes souhaitent mettre en avant avec faire la mort. « Nous allons tous perdre un être cher, nous allons tous mourir. Le spectacle est une occasion, une opportunité d’ouvrir une porte, malgré le malaise», insiste Marie-Ève ​​Milot.

Qu’est-ce qu’une thanadoula ?

Contrairement aux doulas traditionnelles qui préparent les projets de naissance des familles en attente d’un enfant, la thanadoula prépare un projet de fin de vie pour les mourants et leurs proches. Aucun acte médical n’est pratiqué, mais les conversations portent notamment sur les conditions du passage vers la mort, les éventuels messages laissés à ceux qui restent, les funérailles. Surtout, ces sages-femmes de fin de vie nous aident à aborder cette étape avec plus de sérénité. Au Canada, les thanadoulas sont regroupées au sein de l’Association canadienne des doulas en fin de vie.

Visitez la page du spectacle

faire la mort

Texte de Krystel Descary, mise en scène de Marie-Ève ​​Milot, avec Krystel Descary, Mykalle Bielinski, Laeticia Isambert-Denis, Joanie Martel, Pier Paquette et Isabelle Vincent.

Espace GoJusqu’au 8 décembre

 
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