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comment Clarisse Crémer et Tanguy Le Turquais vont vivre ce Vendée Globe loin de leur fille de 2 ans

Clarisse Crémer s’élancera ce dimanche pour son deuxième Vendée Globe, quatre ans après avoir terminé 12ème, et première femme. Depuis, le marin de 34 ans a eu une fille, Mathilda, née en 2022 de son union avec le skipper Tanguy Le Turquais, également au départ ce dimanche. Dans un long entretien accordé à RMC Sport, elle évoque la maternité, ses objectifs et les deux polémiques qui ont émaillé son parcours entre ces deux Vendée Globes.

Clarisse, qu’est-ce qui a changé depuis ta première grande navigation, la mini-transat en 2017 ?

En même temps, tout et rien. C’est vrai que c’était ma première transatlantique en solitaire. Désormais, les transats sont presque des séances d’entraînement. C’est vrai qu’il faut parfois se « piquer » un peu. Ce n’est pas que nous soyons blasés, mais en fait, les humains s’habituent à tout. Pour moi, je me rends compte que quelqu’un qui fait le Vendée Globe, je ne trouve plus ça extraordinaire. Alors qu’à l’époque, si on m’avait parlé du Vendée Globe, j’aurais fait une drôle de tête et je me serais dit “wow, ceux qui font ça sont complètement fous”. Mais les ressorts qui me poussent à aller sur l’eau sont toujours les mêmes. Et ce que je vais chercher, ce qui me fascine dans les moyens de transport, dans tout ce qu’on apprend sur terre, n’a pas changé. Si un jour je ne ressens plus cela, j’arrêterai. Je ne suis pas du genre à dire que je vais faire ça toute ma vie. J’ai besoin de ressentir un peu ce côté « wow » pour avoir envie d’y aller.

Vous aimez être seul en mer. Est-ce toujours le cas sachant que vous êtes désormais mère ?

La maternité ajoute un élément de complexité. Parce qu’avant, je n’avais pas honte de dire que je devenais égoïste sur l’eau. C’est-à-dire que je pensais que les gens à terre, pour se sentir bien sur l’eau, il fallait les oublier un peu. Il ne faut pas comparer cela à la vie que vous pourriez vivre sur terre, au confort que vous pourriez avoir. C’est quelque chose qu’on met de côté. C’est aussi ça qui fait qu’on se sent bien en mer. Et donc, quand on a une petite fille, on a encore des responsabilités sur la terre qu’on laisse derrière soi. Et ça ajoute un peu plus de piquant à l’équation, car c’est plus difficile de s’en sortir, d’être égoïste envers sa petite-fille de deux ans. Et il y a des moments où vous n’y parvenez pas, vous pensez à elle, et potentiellement vous pouvez vous inquiéter un peu.

Tanguy Le Turquais, votre compagnon, sera également de la course. Comment vas-tu t’organiser à la maison ?

Oui, nous avons tous les deux du mal à partir. Nous sommes toujours bien entourés, nous avons suffisamment de stabilité pour prendre soin d’elle. C’est ma belle-sœur Léna, la petite sœur de Tanguy qui vit avec nous depuis un an et demi, qui s’occupera d’elle. Elle fait également partie de l’équipe technique Tanguy. C’était bien, elle était un peu à la croisée des chemins professionnellement. Elle apprend un métier dans l’équipe de Tanguy et réalise « Super Tati ». Il s’agit de Tati Lena, devenue Tatina, qui s’appelle désormais Tina. Donc (rires). La seule chose qui m’inquiète vraiment, c’est si quelque chose de grave lui arrive. Là, j’aurai sans doute un vrai problème émotionnel et psychologique à gérer en étant peut-être au milieu du Pacifique sans pouvoir regagner la terre rapidement. Mais j’ai été assez surprise sur les quatre transats que j’ai réalisés : oui, elle me manque, j’ai envie de la voir, mais je ne m’inquiète pas pour elle. Mais il est certain que nous sommes bien loin de l’égoïsme nécessaire pour bien vivre en mer.

Comment allez-vous communiquer avec elle ?

Nous y avons réfléchi, mais ce n’est pas facile, car elle aura deux ans juste après son départ. Elle est donc encore toute petite. On se dit qu’on va essayer de lui donner des nouvelles. Et de fait, c’est Léna qui aura pour tâche de voir ce qu’elle préfère ou pas. Nous créons un petit carnet où elle pourra avoir des photos de nous. On va devenir un peu son livre d’histoires du soir pour lui expliquer qu’on est en mer, tout ça… On ne prétend pas du tout avoir la recette. Mais ce qui est important, c’est elle, pas nous. Ce n’est pas parce que je veux la voir sur FaceTime que je vais la voir sur FaceTime. Si cela ne lui fait pas du bien ou s’il semble qu’elle réagit mal, je réglerai la situation autrement.

Que reste-t-il de l’épisode avec Team Banque Populaire et de cette question de maternité qui a provoqué la séparation ? Est-ce digéré ?

C’est comme n’importe quel défi dans la vie. Il y a tellement d’éléments dans cette histoire que je n’ai pas pu m’asseoir autour d’une table avec toutes les parties prenantes pour tirer une sorte de conclusion. Non, ce n’est pas parfaitement digéré. Car en plus, je pense qu’il y a encore des choses à faire dans le monde de la voile sur le sujet de la maternité. Mais c’est encore derrière moi dans le sens où j’ai avancé, j’ai appris. J’ai enfin beaucoup de chance d’être à nouveau sur la ligne de départ du Vendée Globe. D’avoir rencontré aussi des gens chez L’Occitane (son nouveau partenaire, NDLR) avec qui je suis peut-être plus aligné en terme de croyances et de convictions. Je sais seulement être transparent, donc non ce n’est pas parfaitement digéré. Mais c’est quelque chose qui fait partie de mon passé. Je suis concentré sur autre chose.

Sera-t-il possible d’arriver un jour à cette conclusion autour d’une table ?

Non, je ne pense pas. Il y a trop d’individus offensés et des choses assez violentes qui auraient pu être dites ou faites. Donc, je ne pense pas que ce soit possible. C’est vrai que je ne suis pas du tout quelqu’un qui aime les conflits. Malgré moi, je me suis retrouvé dans quelque chose qui me dépassait. Après, je ne regrette rien parce que c’est ce que je pense et je l’ai dit.

La conséquence est que vous avez un peu migré vers l’Angleterre puisque votre bateau était dans l’écurie d’Alex Thomson avant d’arriver aux Sables. Quels sont les avantages et les inconvénients ?

Nous avons fait ensemble un grand voyage à la voile pendant 3-4 jours au printemps. C’était agréable d’être avec Alex. Il était un peu en mode cool. Il a monté sa bosse sur l’Imoca. Mais c’est un peu un projet hybride. C’est loin d’être un copier-coller de la méthode Hugo Boss puisque le sponsor est différent, l’équipe est différente, le skipper est différent. Nous avons les ténors de l’équipe d’Alex au niveau du management mais sinon une grande partie de l’équipe technique est nouvelle. Il y avait encore un petit sentiment d’urgence dans le projet. Mais malgré tout, c’est super drôle de se retrouver confronté à Portsmouth dans un autre endroit. Parce qu’on ne se rend même plus compte, quand on est à Lorient, qu’on est dans un écosystème un peu restreint, parce que c’est tout ce qu’on sait. Cela change les perspectives, donc c’est génial à bien des égards. Il y a aussi des points négatifs, je ne vais pas le cacher. Avoir mon bateau de l’autre côté de la Manche n’est pas la chose la plus pratique au monde. Mais encore une fois, mon projet n’existait peut-être pas du tout. Et je pense que je reviendrai vraiment enrichi de cette expérience. Un de plus.

Cette préparation raccourcie nous permet d’avoir quels objectifs pour la course ?

Un objectif ambitieux et réaliste, c’est le Top 10. Mais c’est compliqué de donner un chiffre car j’ai un super bateau, mais nous avons très peu progressé par rapport aux autres bateaux de la même génération. . Du coup, il conserve un peu ses qualités et ses défauts. C’est une machine de guerre « au près », dans les vents moyens et légers, mais bien plus compliquée « au portant ». Je me débrouillerai avec ce que j’ai. Nous avons essayé de dessiner les voiles, ce qui a rendu les choses un peu plus faciles, puis j’ai essayé de me créer des repères. J’ai un super bateau et en même temps, entre-temps, il y a eu 13 nouveaux bateaux. Et c’est incroyable combien de personnes disent qu’elles veulent gagner.

Si vous n’avez pas bien digéré ce qui s’est passé avec Banque populaire que dire des dénonciations anonymes vous accusant de tricher avec Tanguy lors du dernier Vendée Globe pour lequel vous avez été blanchi par un jury international ?

A votre avis ? C’est encore un autre sujet qui touche aux sources les plus sombres de l’âme humaine. C’était une période difficile qui m’a demandé beaucoup d’énergie, ce qui m’a coûté cher. Digest, je ne sais pas si c’est le bon mot, je suis passé à autre chose. J’ai la chance de faire le Vendée Globe et honnêtement, je suis concentré là-dessus. De là à me dire que j’ai compris tous les rouages ​​de ce qui s’est passé, et à valider ce qui s’est passé, c’est un grand mot. Dans « digérer », il y a cette notion d’acceptation, et c’est vrai que j’ai encore un peu de mal. J’étais vraiment bien cabossé avant le départ des deux transats à ressorts. C’était une période difficile. Mais même quand la mer est dure, c’est toujours mon médicament et ça m’aide à me sortir de choses que je ne peux pas contrôler. Les médias, les trucs politiques, je ne sais quoi, ce n’est pas vraiment la raison pour laquelle j’aime ce métier.

 
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