Charlize avait 15 ans lorsqu’elle s’est suicidée le 22 novembre 2023 à Nice. Sur son téléphone, sa mère a découvert des dizaines de vidéos incitant au suicide. Faisant partie d’un collectif de sept familles, elle a assigné en justice TikTok ce lundi 4 novembre.
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“La nuit apporte des conseils, elle m’a conseillé de prendre un tabouret et une corde”. Quand Delphine Dapui découvre cette vidéo d’une jeune femme republiée par sa fille sur son compte TikTok, il est trop tard. La veille, Charlize, 15 ans, s’est pendue dans l’appartement familial.
J’étais abasourdi. Nous ne savions pas que du contenu de ce style était diffusé sur TikTok. Pour moi, c’était un réseau social où l’on publiait des danses et de la musique.
Delphine Dapui, mère de Charlize
Pour cette mère endeuillée, une longue descente dans la noirceur des réseaux sociaux commence. Une fois l’enquête clôturée, le téléphone de Charlize lui a été restitué. Elle y découvre des dizaines de vidéos, véritables « tutoriels » pour s’infliger des souffrances physiques ou tenter de se suicider, à portée de clic.
“Il y avait des vidéos de scarifications”, raconte Delphine Dapui, “des conseils de se suicider, ou de se faire mal sans que cela soit vu.”
Pour démontrer le manque de régulation du réseau social, Delphine Dapui décide de créer un compte et de tester la puissance de l’algorithme. Sa première recherche concernait des conseils pour perdre du poids. On lui propose des régimes, puis arrivent rapidement les premiers « conseils » contre l’anorexie : que boire le matin pour freiner la faim, comment mesurer la taille de son poignet, comment se faire vomir.
Viennent ensuite les vidéos de scarifications et de suicides :
Il y a eu le témoignage d’une jeune fille qui a dit : J’ai échoué sept fois à me suicider, mais la prochaine fois j’y arriverai. Et ils m’ont donné tous les moyens pour me faire du mal : lames de taille-crayon, doliprane, douche chaude pour me brûler sans que cela se voit.
Delphine Dapui, mère de Charlize
Plus elle regarde ces vidéos, plus Tiktok cible exclusivement cette thématique et ne lui propose que cela. Pour elle, cela ne fait aucun doute : sa fille a suivi le même chemin.
Charlize avait été victime de harcèlement dans un collège privé de Nice. Malgré sa scolarité à Don Bosco, elle avait développé une phobie scolaire et s’était isolée.
« Son téléphone était devenu une drogue. C’était très addictif. Elle cherchait une communauté. Elle s’est effondrée.
Malgré toute l’attention de sa famille, le soutien médical et l’hospitalisation à Lenval, la jeune fille, en proie à la dépression, a fait trois tentatives de suicide entre 2022 et 2023.
Si sa mère regrette que les médecins n’aient rien pu faire contre cette addiction, c’est avant tout le réseau social qu’elle accuse. C’est pourquoi, avec six autres familles réunies au sein du collectif Algos Victima, elle a décidé d’attaquer le géant TikTok en justice à Créteil ce lundi 4 novembre.
Je veux que TikTok reconnaisse ses torts et impose davantage de réglementation. On peut être banni de Facebook pour un mot inapproprié, comment peut-on permettre autant d’abus sur TikTok ?
Delphine Dapui, mère de Charlize
Contacté, le réseau social a indiqué n’avoir reçu aucune notification relative à cette procédure judiciaire et affirme disposer d’un système de régulation des plus puissants :
Plus de 40 000 experts en confiance et sécurité dans le monde assurent la sécurité et la protection des utilisateurs et de leurs données, dont plus de 6 000 concentrés sur l’Europe, 637 traitant des contenus francophones, soit plus que d’autres plateformes comparables.
Le réseau social affirme supprimer tout contenu lié au suicide ou à l’automutilation : entre avril et juin 2024, 91 % des vidéos supprimées l’auraient été préventivement, avant d’être visionnées.
TikTok dit qu’il n’est pas responsable, qu’il a des régulateurs. Preuve que non. Je porte plainte pour que tout le monde se sente concerné et assume ses responsabilités.
Delphine Dapui, mère de Charlize
Par cette démarche, Delphine Dapui espère obtenir justice pour sa fille, mais aussi protéger les autres adolescents des dangers des réseaux sociaux.
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