Il s’agit d’une intervention opportune. Le jour de la publication de notre rapport d’impact, un député a interrogé le gouvernement sur « la nomination et l’absentéisme des hauts fonctionnaires » en s’appuyant sur les travaux de plusieurs médias, dont Mediacités.
Dans sa question écrite au ministre de la Fonction publique, qui s’inscrit dans le cadre du débat parlementaire sur le budget 2025 du gouvernement, François Piquemal, représentant LFI de la quatrième circonscription de la Haute‐Garonne, exprime ses doutes sur « la réalité du travail réalisé ». démasqué » par une personnalité « nommée au Contrôle général économique et financier du ministère de l’Économie et des Finances (CGefi) par M. Sarkozy », en 2008. Citant « plusieurs enquêtes journalistiques », François Piquemal vise sans le nommer Jean‐Luc Moudenc, dont Mediacités et d’autres (France 3 Occitanie, notamment) ont documenté l’intrigante accumulation d’emplois.
Une contribution au débat national et local, qui s’inscrit pleinement dans le « journalisme utile » auquel Mediacités adhère depuis son manifeste fondateur. « Utile », certes, mais utile comment ? C’est pour répondre à cette question que nous rédigeons chaque année depuis quatre ans notre « rapport d’impact ».
Comme en 2020, 2021, 2022 et 2023, nous avons passé en revue les 177 articles rédigés sur douze mois (de novembre 2023 à octobre 2024) pour l’édition toulousaine, en nous demandant s’ils avaient contribué à faire bouger les lignes. Voici le résultat de ce nouveau look dans le rétroviseur.
La justice a-t-elle repris nos révélations ?
Et non. Sur la trentaine d’enquêtes publiées ces derniers mois, aucune n’a débouché sur l’ouverture d’une procédure judiciaire à Toulouse. Faut-il y voir l’incapacité de Médiacités à rééditer le coup de Cugnaux ? La publication d’une série d’articles sur cette commune fin 2019 a convaincu le parquet de Toulouse d’ouvrir une enquête préliminaire pour prise illégale d’intérêts, trafic d’influence passif, corruption passive et blanchiment et recel de prise illégale d’intérêts à l’encontre de Roger. Montibert, l’ancien adjoint à l’urbanisme. Un dossier que nous suivons de près.
Depuis, plus rien. Il y a une bonne raison à ce constat : nous lançons souvent nos enquêtes alors qu’une plainte a déjà été déposée. Puisque justice est recherchée en premier, nos enquêtes peuvent – au mieux – apporter de nouvelles informations sur les affaires concernées. Même si parfois, ils contribuent à accélérer le processus judiciaire.
Déplacer les lignes
Si nous n’avons pas fait bouger la justice cette année, nous avons encouragé l’Église catholique à mettre de côté quelques brebis galeuses. En septembre 2023, un prêtre du Lot a été radié, après nos révélations sur sa condamnation – gardée secrète par l’évêché – pour abus sexuels sur mineure. Depuis, il travaille aux archives du diocèse.
Rebelote en mars dernier dans le même département. Cette fois, c’est une jeune femme qui a témoigné dans nos colonnes des viols qui lui auraient été imposés par un autre prêtre de Lot. Ces faits sont également connus du diocèse, sans que celui-ci ait pris ses accusations au sérieux. Il a encore fallu que le scandale soit rendu public pour que le curé soit expulsé de sa paroisse le temps que l’enquête préliminaire touche à sa fin.
La plaignante n’aura pas de réponse judiciaire avant plusieurs années, mais son témoignage lui a permis de se défaire d’un lourd secret. « La publication m’enlève un poids, elle me donne l’impression d’être en thérapie depuis un an », nous a-t-elle confié, renforcée par les nombreux messages de soutien reçus entre-temps.
Améliorer le service public
L’impact journalistique ne se limite pas au domaine juridique. Cette année, Mediacités a permis à un service public très apprécié de la population d’améliorer ses pratiques. Ainsi, après la publication de notre enquête sur les mauvais délais d’intervention et le manque de moyens des secours en Haute‐Garonne, le directeur des pompiers a reconnu l’utilité de notre travail. L’enquête Mediacités lui a fait prendre conscience que les statistiques que ses services fournissaient au ministère de l’Intérieur depuis six ans étaient erronées.
Après correction de la situation, il s’avère que le temps de réponse moyen serait en fait d’environ 15 minutes et 30 minutes en 2023. Cinq minutes de mieux que ce que concluaient les données précédentes ! Mais cela ne suffit pas à faire sortir la Haute‐Garonne du fond du classement, car ce chiffre reste supérieur de plus de trois minutes à la moyenne du Sdis dans la même catégorie.
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Économisez de l’argent
Nos informations nous permettent parfois aussi d’éviter certaines dépenses inutiles. Cet été, Mediacités a mis la main sur le projet de réaménagement de l’espace de travail de Sébastien Vincini, le président du conseil départemental de la Haute‐Garonne. Ce projet, d’un montant total de plus de 85 000 euros, a suscité des interrogations, compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent sur les finances départementales et de la réduction drastique des subventions aux associations.
Interrogée par Mediacités avant la publication de l’enquête, la collectivité a opportunément rappelé ces difficultés financières pour affirmer qu’une partie des travaux avait été annulée. Une réalisation tardive, car le projet était encore sur les rails quelques semaines plus tôt, mais salvateur – bien que symbolique – compte tenu de l’état des finances publiques.
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Inciter les associations à revoir leur gouvernance
Nos révélations permettent également d’améliorer le fonctionnement de certaines structures. L’intronisation, lors de la dernière assemblée générale de la Maison du Vélo, de deux nouveaux membres au conseil d’administration, sans lien apparent avec l’association et proches du Parti socialiste, a suscité la stupéfaction.
Comme Mediacités l’a documenté, c’est surtout le mode opératoire qui a posé problème à de nombreux bénévoles et salariés de l’association emblématique toulousaine : le ralliement d’une quarantaine d’adhérents quelques minutes avant le début de l’AG, et le changement d’ordre du jour permettant le le vote soit avancé en tout début de séance, empêchant ainsi plusieurs personnes de prendre la parole… Tout cela, orchestré par les deux dirigeants historiques de la Maison du Vélo.
Depuis notre enquête, quelques lignes ont bougé. Est-ce directement lié à la publication prochaine de notre article ? Avant même sa mise en ligne, on a appris la démission de Louise Foutrel, l’une des nouvelles membres du conseil d’administration, également trésorière des Jeunes Socialistes 31. Elle n’avait participé à aucun conseil d’administration depuis l’assemblée générale. C’est la candidate arrivée en troisième position lors du vote, et déjà active au sein de l’association dans les ateliers participatifs, qui a pris sa place.
Suite à l’Assemblée Générale critiquée, de nombreux bénévoles et salariés ont demandé à revoir les statuts de leur association. Sept conseils d’administration plus tard, les défenseurs de cette réforme n’ont pas obtenu gain de cause. Mais les travaux avancent. Un règlement intérieur verra le jour. « Cela permettra notamment de modifier les statuts et d’éviter qu’un nouveau membre puisse voter à son arrivée dans l’association. Mais il faudra attendre la future assemblée générale et il y a beaucoup de résistances chez certains membres du CA pour changer complètement les statuts. Ce sont les dirigeants qui gardent le contrôle, et on a l’impression que cela reste une chasse gardée privée», soupire l’un des témoins de notre enquête.
Notre enquête a eu une autre conséquence directe : Toulouse Métropole a décidé de surveiller désormais avec un peu plus d’attention ce qui se passe au sein de l’association des cyclistes. La collectivité, qui subventionne la Maison du Vélo à hauteur de 230 000 euros, a en effet demandé à intégrer le conseil d’administration, « si une réflexion sur la gouvernance de l’association s’engage ».
Effets indésirables
Notre rapport d’impact nous pousse également à l’humilité. Au-delà de répercussions moins importantes que prévu, la publication de nos enquêtes est parfois suivie de répercussions négatives. La jeune femme de 29 ans, citée plus haut, a dû se soumettre à une expertise psychologique et à deux expertises psychiatriques après la publication de son témoignage dans Mediacités. Ces procédures facultatives pour les plaignants sont ordonnées par le parquet de Cahors depuis mars dernier.
Un autre témoin a subi des pressions de la part de la structure dont elle a dénoncé les erreurs. Ainsi, le lanceur d’alerte pour maltraitance au sein de l’Ehpad l’Ecuyer a dû subir la contre‐attaque judiciaire du groupe DomusVi, dont dépend l’établissement. Il l’a poursuivi en justice pour récupérer les enregistrements clandestins qui lui avaient permis de dénoncer les abus subis par son père. DomusVi a alors souhaité retirer le mandat de protection que son père lui avait confié. Dans les deux cas, les demandes ont été rejetées par les tribunaux. Mais le stress généré pour ladite personne est bien réel.
Témoigner est un acte de courage. Nous remercions ceux qui ont osé le faire dans nos colonnes en 2024 et ceux qui franchiront le pas dans le futur.
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