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À quand la « fin du pétrole » ?

La « fin » ou le « pic » du pétrole a en effet été annoncé à plusieurs reprises dans le passé, sans jamais se réaliser. A l’origine, c’est à une géologue américaine nommée Marion King Hubbert que l’on doit sa première version, dès les années 1950. Lorsqu’il travaillait pour Shell, Hubbert savait que les réserves de pétrole n’étaient pas infinies, et il a observé que la production de ressources non renouvelables suivait la forme d’une « courbe en cloche » – une courbe de distribution fondamentale dans les statistiques.

Dès 1956, il prédisait (en gros) que la production pétrolière américaine atteindrait son apogée entre 1965 et 1970. Et c’est effectivement ce qui s’est passé, du moins au début : en 1970, les États-Unis extrayaient le pétrole de leur sol à un rythme record. taux de plus de 9,6 millions de barils par jour, et sa production nationale a diminué continuellement par la suite, lit-on dans une histoire des idées de Hubbert publiée l’année dernière dans le Bulletins de l’Association américaine des géologues pétroliers.

Pendant longtemps, cela a été considéré par beaucoup comme une « preuve » (même si elle était encore contestée, tant en géologie qu’en économie, il faut le noter) que le modèle de Hubbert était valable et que la production mondiale de pétrole atteindrait un jour un maximum, puis refusez de nous faire entrer dans une ère de rareté croissante de l’or noir.

Oups…

Mais il y a toujours deux choses qui peuvent invalider les prédictions comme celles de Hubbert et les nombreuses autres annonces de « pic pétrolier » qui ont suivi. Premièrement, si une ressource devient de plus en plus rare, alors ses prix augmenteront et des réserves qui n’étaient auparavant pas « économiquement exploitables » deviendront rentables. La pénurie sera donc de courte durée.

« Dans le secteur minier, c’est souvent le problème », confirme le physicien Normand Mousseau, directeur de l’Institut Trottier de l’énergie de l’École Polytechnique de Montréal. Mais dans le cas du pétrole, il y avait aussi autre chose.»

En effet, la théorie de Hubbert supposait essentiellement que le volume des réserves exploitables était connu et ne changerait pas. Mais on ne sait jamais si les progrès technologiques ne rendront pas un jour accessibles des réserves auparavant inaccessibles. Et c’est ce qui s’est passé avec le pétrole dans les années 2000, lorsque la technique appelée fracturation hydraulique a été développé.

Pour rappel, elle consiste à injecter de grandes quantités d’eau (avec un peu de sable et divers produits chimiques) sous haute pression dans certaines formations géologiques (schistes) qui contiennent des hydrocarbures, ce qui fracture la roche. Les grains de sable empêchent alors les fissures de se refermer, et le pétrole ou le gaz naturel retenu dans le schiste est alors « libéré ».

Un puits exploratoire de gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent. (Archives Le Soleil)

Cette nouvelle technique a soudainement « créé » d’immenses réserves jusqu’alors inexploitables. De sorte que la production pétrolière américaine, qui avait peu à peu décliné depuis les années 1970 jusqu’à atteindre un minimum de cinq millions de barils/jour en 2008, a ensuite repris et dépasse désormais largement le « pic Hubbert » de 1970 — l’Oncle Sam extrayait. près de 13 millions de barils par jour l’année dernière.

En fait, les États-Unis sont (re)devenus le premier pays producteur de pétrole au monde en 2018, dépassant même la Russie et l’Arabie saoudite.

Voilà pour ce piccomme on dit en anglais…

Cela ne signifie évidemment pas que le pétrole peut être exploité à l’infini – les ressources sont en effet limitées – mais jusqu’à présent, ces prédictions se sont toutes finalement révélées fausses.

Et pas seulement ceux de Hubbert. Par exemple, en 1998, les géologues Colin Campbell et Jean Leherrère ont écrit un article intitulé La fin du pétrole bon marchédans lequel ils prédisaient que la production mondiale était sur le point de culminer – ils prévoyaient que ce serait vers 2004-2005.

Eux aussi n’avaient pas prévu l’arrivée du pétrole de schiste, et cette idée d’un pic pétrolier imminent, voire prévisible, a depuis été largement abandonnée, lit-on dans un article sur le sujet publié en 2019 dans Recherche énergétique et sciences sociales.

Du moins, en ce qui concerne la production.

Et la demande ?

Parce que l’approvisionnement en pétrole ne dit pas tout. Il existe une autre contrepartie fondamentale dans toute équation économique : la demande. Et de ce point de vue, l’idée d’un sommet est toujours d’actualité.

L’année dernière, l’Agence internationale de l’énergie a modélisé les engagements des États du monde, l’essor des voitures électriques, la transition vers des sources d’électricité plus propres et d’autres facteurs similaires qui influencent la demande de pétrole. Et il a conclu que cette demande devrait culminer vers 2030, puis diminuer progressivement.

Selon M. Mousseau, cette prédiction a encore une chance raisonnable de se réaliser.

“Cela dépendra beaucoup de notre capacité à tenir nos promesses de transition vers le transport électrique”, a-t-il déclaré. Mais il existe des pays où la majorité des véhicules vendus sont déjà électriques. Et dans de nombreux endroits, l’énergie solaire produit déjà de l’électricité à un prix inférieur à celui des combustibles fossiles. La Chine prévoit même de pouvoir fabriquer 1 200 mégawatts (MW) de panneaux solaires par an d’ici 2026.

« Pour donner une idée, au Québec, nous n’avons que 40 MW de puissance installée, même en comptant tous les barrages, donc produire 1 200 MW de panneaux solaires chaque année est un chiffre absolument immense, et cela devrait faire baisser le prix de l’électricité solaire même si plus. Donc, dans l’ensemble, nous avons des chiffres qui correspondent à un pic de la demande de pétrole vers 2030. »

Il faudra bien sûr attendre que cela se produise avant d’y croire définitivement – ​​après tout, les analystes de CitiGroup avaient déjà prédit le pic de la demande pétrolière avant la fin des années 2010…

Mais dans tous les cas, analyse M. Mousseau, « ce ne sera pas une question de manque de pétrole qui nous fera arrêter d’en consommer. Ce sera la politique et le climat qui, d’une certaine manière, finiront par l’imposer.»

Vous avez des questions sur le monde qui vous entoure ? Qu’elles concernent la physique, la biologie ou toute autre discipline, notre journaliste se fera un plaisir d’y répondre. A nos yeux, il n’y a pas de « question stupide », pas de question « trop petite » pour être intéressante ! Alors écrivez-nous à : [email protected].

 
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