Le 2 septembre 2024 s’ouvre le procès dit du « viol de Mazan ». Dominique Pélicot, accusé de drogue, de viol et de viol de sa femme pendant 10 ans, comparaît aux côtés de 50 coaccusés. Ce procès hors norme, qui doit durer jusqu’à la mi-décembre, révèle les plus bas fonds de la masculinité, les rapports de domination homme-femme et le caractère systémique des violences conjugales.
Cette affaire intervient dans un contexte où une majorité de Français n’ont pas confiance dans la justice, jugée trop laxiste, notamment en ce qui concerne la réponse pénale.
Mais en réalité, la lutte juridique et judiciaire contre ces violences conjugales est-elle perdue d’avance ? Il semble que non : la reconnaissance progressive des violences domestiques par la loi ne peut être niée, même si elle reste sujette à amélioration.
Reconnaissance progressive des violences domestiques par la loi
Sur le plan pénal, les violences conjugales sont lourdement sanctionnées par la loi. La notion controversée de « crime passionnel » issue du langage courant n’a jamais été inscrite dans le code pénal.
L’état de conjugalité constitue cependant une circonstance aggravante pour les viols et les homicides depuis 2006. Les peines encourues sont donc plus lourdes lorsque le délit est commis par le conjoint, pacsé ou concubin de la victime : vingt ans de réclusion criminelle. pour viol et la réclusion à perpétuité pour homicide.
Plus largement, une loi de 2018 en a fait une règle générale puisque désormais, les peines sont alourdies pour toute infraction commise par un membre du couple sur l’autre.
Depuis le 1est Depuis janvier 2024, les plaintes pour violences conjugales sont traitées devant les tribunaux judiciaires et les cours d’appel par des centres spécialisés dans la lutte contre les violences intrafamiliales. Ces centres ont pour mission de favoriser la circulation de l’information entre les différents acteurs institutionnels concernés afin de mieux détecter les violences intrafamiliales et d’offrir une meilleure prise en charge et protection aux victimes, notamment en impliquant pleinement les associations d’aide aux victimes et en former les magistrats coordonnateurs de ces centres en matière de violences familiales.
Parallèlement, le législateur prend également en compte les violences domestiques en matière civile. L’exemple le plus récent est la loi du 31 mai 2024 qui prévoit de priver de plein droit l’époux qui a tué son conjoint du bénéfice des avantages découlant du contrat de mariage, c’est-à-dire des clauses qui peuvent être insérées par les époux dans leur contrat de mariage dans le but d’accorder à l’un d’eux un bénéfice patrimonial plus important au décès de l’autre.
Le juge a désormais le pouvoir de priver de ces mêmes avantages un conjoint violent envers son partenaire, notamment en cas de viol, de coups et blessures ou encore de dénonciation calomnieuse. Le juge intervient alors à la demande du conjoint victime, de l’un de ses héritiers ou encore du procureur de la République.
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Cette prise en compte juridique des violences conjugales s’inscrit dans l’objectif plus large de lutte contre les violences conjugales, comme en témoigne la récente loi, adoptée en 2024, visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences. intrafamiliale, qui suspend de plein droit l’exercice de l’autorité parentale et les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour un délit tel qu’un viol ou un homicide commis sur l’un des enfants ou sur l’autre parent.
Une lutte contre les violences conjugales qui peut encore être améliorée
La précipitation dans l’élaboration de certains projets de loi par les différents gouvernements sous la présidence d’Emmanuel Macron et dans l’adoption de ceux-ci par les parlementaires a pu avoir pour conséquence de générer des incohérences.
Comme cela a été dit, la qualité de conjoint, de pacsé et de concubin constitue depuis 2018 une circonstance aggravante lors du prononcé des peines, ce qui révèle la volonté d’une répression accrue de la part du législateur. Cependant, en regardant le détail du texte, on constate une incohérence quant à la notion de cohabitation telle qu’elle est définie dans le code civil : le texte pénal précise que la circonstance aggravante est qualifiée « même s’ils ne cohabitent pas » alors même que vivre ensemble est une condition d’existence d’une cohabitation selon le Code civil. Ainsi, si le but poursuivi par le législateur d’une sanction indifférenciée des violences, quelle que soit la forme de l’union est tout à fait louable, l’ajout de cette précision manque néanmoins de cohérence juridique.
Au fond, l’une des principales difficultés du droit reste d’identifier et de définir les violences domestiques dans le but de mieux les prévenir. Les relations de domination et les formes de violences conjugales sont très diverses et difficiles à appréhender en droit, ce qui fait en partie écho à la diversité des couples aujourd’hui.
Les notions de dépendance et de subordination telles qu’elles sont envisagées en droit du travail pour qualifier l’état de dépendance économique et juridique dans lequel se trouve le salarié vis-à-vis de son employeur, notamment en ce qui concerne la sanction du harcèlement au travail, pourraient constituer des points juridiques. d’accompagnement afin de mieux comprendre ces questions de contrôle et de domination au sein des relations conjugales.
Enfin, sur le plan judiciaire, il convient de garder à l’esprit qu’en matière de violences conjugales comme ailleurs, demander à la justice d’être à la hauteur des défis implique qu’elle soit en mesure d’accomplir ses missions. . Un rapport de la CEPEJ (Commission européenne pour l’efficacité de la justice) datant de 2022 note à ce sujet que la médiane au sein du Conseil de l’Europe est de 17,6 magistrats pour 100 000 habitants. La France n’en compte que 11,2 alors qu’il y en a 25 en Allemagne. Une meilleure justice ne peut donc se concevoir sans les moyens matériels, financiers et humains nécessaires pour la garantir.
Gwenaëlle Questel, Enseignant-chercheur en droit privé, Université Bretagne Sud (UBS)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lisez l’article original.
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